Après « Bartleby, le scribe » et « Un chant de Noël », voici José Luis Munuera qui se penche sur l’adaptation d’un nouveau roman culte d’outre-manche, mais pas la version que l’on attend forcément. En effet, Peter Pan pour beaucoup, il s’agit surtout du dessin animé par Walt Disney. Or dans cet album, il s’agit d’un préquel assez obscur, peu connu, peu documenté, et on peut donc parler d’un véritable travail de réécriture que l’auteur espagnol a réalisé. Dans ce Peter Pan, nous nous situons avant le pays imaginaire, avant Wendy, Clochette et autre Capitaine Crochet (bien que ce dernier soit évoqué de manière rapide) mais la magie est déjà bien présente. Ainsi, en fin de journée, la petite Maimie Mannering s’égare dans les jardins de Kensington à Londres. A la nuit tombée, ces derniers deviennent le royaume des fées et autres créatures fantastiques et les humains ne sont pas forcément les bienvenus. Peter Pan, familier des lieux, va porter secours à la petite fille mais sa tâche pour la rendre à sa famille sera compliquée par l’intervention de la Reine des fées, qui conditionnera son retour à la résolution d’une énigme.
Une nouvelle réussite que cette adaptation du texte « Le petit oiseau blanc » de James Matthew Barrie avec une chartre graphique très proche des précédents travaux de Munuera : des traits fins, des mimiques expressives, un code couleur cohérent tout au long de l’album.
Dargaud – 21 euros
Parution le 30 août 2024
« Trois fois morte » est le surnom d’une jeune fille prénommée Blanchette, qui comme plusieurs de ses camarades, va être alpaguée par un croque-mitaine aux longs doigts crochus et à la capuche inquiétante dont ne dépasse qu’un nez qui n’a rien à envier à ses doigts. L’enlèvement est destiné à les transformer en ingrédients, et pas pour n’importe quels gourmands : une assemblée d’ogres qui vivent à l’intérieur d’un massif appelé « La dent du chat ».
Pourquoi ce sobriquet de « Trois fois morte » ? Il faudra, pour le savoir, pénétrer les arrières cuisines de ce très bel album et comprendre le pourquoi du comment sur fond de courage et de pugnacité de cette jeune fille que la vie n’a pas forcément gâtée…
En effet, de par sa couverture, « La cuisine des Ogres » semble s’adresser à un lectorat jeunesse mais il n’en est rien. Le sort réservé aux licornes et autres organismes carnés risque de heurter la sensibilité et retourner les estomacs. Dans ce conte horrifique, au-delà de l’aspect purement fantastique il est aussi question d’une petite fille abusée par les adultes et qui ne peut compter que sur l’amitié pour résister au pire.
Des dessins magnifiques, un univers sombre dans lequel paradoxalement les couleurs sont chatoyantes et un univers fantastique pour lequel les auteurs s’approprient les codes du genre tout en mêlant plusieurs influences (vous croiserez peut être un animal mythologique au cours de votre lecture…) pour un résultat qui vaut le détour.
Rue de Sèvres – 20 euros
Est-il vraiment nécessaire de présenter La Route de Cormac McCarthy, un roman dans lequel un père et son fils errent sur les routes américaines après qu’une apocalypse, dont on ne sait rien, se soit abattue et ait rendu l’humanité à sa bestialité primaire ? Chaque jour il est question de survie, de paysages couverts de cendre, sans oiseau, sans animaux, mais surtout de chercher à échapper aux « méchants » comme les appelle l’enfant, des individus isolés ou des hordes organisées n’ayant pas peur d’avoir recours à l’anthropophagie.
Manu Larcenet s’est donc attaqué avec brio à ce monument de la littérature américaine, en apportant, si cela était encore possible, encore plus de noirceur et de désespoir que dans le livre mais aussi dans le film qui avait été tiré du roman en 2009. Des paysages industriels et des villes en ruine, une nature hostile, des morts, beaucoup de morts et des « survivants » rendus pour la plupart à l’état sauvage ; un monde de prédateurs et de proies.
Très peu de couleur, des nuances de noir et blanc et quelques lignes de dialogue qui se composent en majorité de paroles apaisantes du père lucide et démuni face à ce qu’est devenu le monde pour rassurer un fils représentant un possible avenir. Un enfant qui pose beaucoup de questions et qui se laisse tout de même persuader, ponctuant ces échanges le plus souvent par « alors d’accord » comme si après réflexion, le jeu en valait encore la peine et que le futur pouvait encore être envisagé.
Un roman graphique qui fera date dans l’œuvre de Manu Larcenet, qui excelle dans la création d’univers torturés et désespérés, comme l’avoue l’être également lui-même le dessinateur.
On ne peut que conseiller la lecture des autres titres de Manu Larcenet, ses albums plus « légers » (« Le combat ordinaire », « Thérapie de groupe ») mais aussi dans la même veine « sombre » « Blast » ou « Le rapport de Brodeck », adaptation du roman de Philipe Claudel, dans lesquels le dessinateur avait déjà su capter la lumière noire d’histoires dramatiques. Avec La Route, il a su franchir un nouveau palier dans l’expression de la noirceur, jusqu’à la rendre belle.
Dargaud – 28.50 euros
Cinq auteurs se prêtent au jeu de la bd chorale ; cinq dessinateurs qui se mettent en scène dans leur quotidien, soudainement bouleversé par la réception d’une lettre. Un courrier qui va plonger certains dans l’excitation, d’autres dans le stress, un dans une haine farouche. Que contient donc cette missive ? Sans vouloir divulguer et donc gâcher l’intrigue de l’album, il sera question de rejoindre un endroit bien précis, et les artistes ne devront pas se munir de leurs habituels feuilles de papier et crayons…mais d’instruments de musique ! Alors pourquoi eux, pourquoi ces mystères, pourquoi !!!!!!
« T’inquiète » c’est donc tout d’abord un exercice de style, un challenge puisque chaque dessinateur se voit accordé deux à trois pages avant de passer la main à un autre dessinateur qui reprend la suite de l’histoire. Alors pas de doute, cette dernière est pour le moins déjantée, délirante, donnant cours aux inspirations, tons et « patte » propres à chaque dessinateur.
L’idée originale de cet album date de janvier 2021, lorsque les 5 auteurs s’étaient retrouvés réunis dans un gîte à l’occasion d’une exposition sur Fabcaro et le couvre-feu étant décrété, il restait donc de longues soirées pour expérimenter et se lancer dans cet ambitieuse création.
On retrouve donc avec plaisir des auteurs en roue libre (notamment Bouzard qui se fait trop rare dans la BD traditionnelle à présent qu’il officie le plus souvent dans le dessin de presse) et il ne faut donc pas attendre de cet album une approche classique mais plutôt une belle séance de lâcher-prise, où la cohérence et la rationalité laisse place à un humour salutaire qui est lui aussi bien au rendez-vous !
Editions 6 pieds sous terre – 18 euros
En 2042, le réchauffement climatique a eu raison de la civilisation. Le Clovd est apparu, une entité mystérieuse ayant provoqué l’apparition de créatures démoniaques, comme une émanation de la pollution et du mal emmagasinés par l’humanité pendant des millénaires. La communauté humaine a régressé à une époque se rapprochant d’un moyen-âge/fantasy où l’on porte armures et lames. Des humains côtoient des sortes de centaures et on se déplace sur des rails, laissés à disposition par la civilisation industrielle, mais non plus dans des TER ou TGV mais sur des vaisseaux armés, se rapprochant plus du galion que de la micheline, propulsés par le vent et l’énergie humaine. Le quotidien consiste en la survie entre les menaces portées par les étranges créatures des enfers d’un côté et des « consumateurs » de ‘autre, des hommes et femmes dans le genre Mad Max qui gaspillent les dernières gouttes d’essence pour semer le chaos à bord d’engins motorisés. Isatis la guerrière et Xantia la « centaure » parcourent le territoire, à la recherche de livres anciens, seuls objets capables de conserver une trace de la culture et du savoir humain à présent que les écrans se sont tus définitivement. A l’issue d’une attaque de consumateurs, elles vont porter secours à un étrange personnage qui semble immortel… ce qui peut s’avérer fortement utile dans un monde dans lequel la mort rôde pratiquement à chaque instant.
Clovd de Florent Maudoux est un premier tome qui rend hommage aux codes des jeux de rôle et qui baigne dans un univers d’Héroïque-fantasy assumé (le chef de la communauté humaine se fait appeler, Méta-Daron…les fans de Jodorowsky apprécieront). Des traits fins, un scénario qui plaira à tout amateur de JDD, un bon mélange entre les phases d’action et des moments de réflexion quant à l’évolution de l’humanité et par conséquent un excellent premier tome qui donne aux livres un rôle majeur : assurer la transmission du savoir et de la culture dans un contexte où la civilisation est en fort mauvaise posture.
Label 619 – 18.90 euros
Déjà le septième tome pour le croque-mort le cynique et le plus charismatique des Etats-Unis. Pour mémoire, Jonas Crow a tout d’abord été tireur d’élite pendant la guerre de Sécession et à la fin de cette dernière s’est retrouvé accusé d’une série de crimes qu’il aurait commis sous le nom de Lance Strikland. Vivant depuis dans la clandestinité, il exerce le métier de croque-mort itinérant, accompagné de son fidèle vautour Jed, et a déjà connu de nombreuses aventures. Et lui, le lonesome croque-mort, s’est même découvert capable de sentiments envers la belle et farouche Rose Prairie. Mais cela ne s’est pas bien terminé dans les épisodes précédents. C’est justement après avoir reçu un télégramme signé R Prairie lui demandant de venir exercer ses talents « cercueil, funérailles, enterrement et tout le tralala » qu’il va reprendre la route. Mais au bout de celle-ci, il va surtout faire connaissance avec Madeleine Esther Oz, aka « sister Oz ». Il s’agit d’une fidèle membre de la « ligue pour la suppression du vice au Texas » donc autant dire que la donzelle n’est pas là pour faire de la figuration dans tout ce qui touche aux bonnes manières et à l’éradication du mal. Et sur le sujet, Jonas ne va pas se montrer très coopératif, surtout lorsque Rose Prairie va être passée dans les fourches caudines de Sister Oz…
Ce nouveau tome d’Undertaker aborde donc des sujets d’actualité, en évoquant notamment le droit à l’avortement, la place de la femme dans la société, l’obscurantisme religieux mais aussi le respect de la vie privée car même si internet et les réseaux sociaux n’existaient pas encore au XIXème siècle, le courrier et les indiscrétions étaient déjà de mise…
Toujours un plaisir de retrouver Jonas Crow, son sens de l’humour et de la répartie, dans une ambiance plus sombre que d’habitude, l’histoire se prêtant plus aux gros plans sur les personnages qu’aux paysages de western. A noter le cliffhanger de la dernière case qui nous promet un deuxième tome dans lequel l’Undertaker devrait avoir encore pas mal de pain sur le cercueil…
Dargaud – 16.95 euros
Après un accident de travail dans la scierie qui l’employait, John Muir se trouve privé de la vue. Il est encore jeune et n’est pas encore devenu le naturaliste et militant de la nature mais cet épisode tragique va changer le cours de son existence : prendre conscience de la fragilité de l’existence et de tout ce temps perdu à exercer un travail qui ne lui convient pas, au regard de ce que peut lui offrir la nature. Il va guérir et pour faire écho à sa nouvelle vision, il va entreprendre un périple. Son objectif sera de traverser le quart sud-est des Etats-Unis, débutant ainsi sa carrière de naturaliste en conservant sur ses précieux carnets des esquisses de ses découvertes, rejoindre la Floride et même ambitionner de se rendre en Amérique Latine.
C’est donc ce voyage qui est présenté dans ce roman graphique entièrement en noir et blanc, faisant la part belle aux planches contemplatives : faune, flore, mais aussi des « gueules » d’êtres humains que Muir a pu croiser, avec certains peut être encore plus sauvages que la nature elle-même !
Un bel album pour rendre hommage à cet amoureux de la nature qu’était John Muir, qui s’est beaucoup battu pour la préserver des ravages de l’être humain et des dérives de l’exploitation des ressources naturelles (c’est à lui que l’on doit l’initiative de la mise en place de parcs nationaux).
La phrase figurant sur la quatrième de couverture, citation de John Muir, résume bien l’état d’esprit du roman graphique : « et dans la forêt je pars, pour perdre mon esprit et retrouver mon âme ».
Sarbacane – 29 euros.
Milo Manara a laissé de côté son domaine de prédilection (vous n’êtes pas sans savoir bien sûr qu’il s’agit de la bande dessinée pour adultes), pour s’attaquer à l’adaptation d’un monument : LE roman culte d’Umberto Eco, Le Nom de la Rose. On retrouve donc sous la plume du dessinateur italien le frère franciscain Guillaume de Baskerville, dont les traits rappellent un mélange entre Charlton Heston et Marlon Brando, accompagné du jeune novice Adso, qui arrivent un soir de neige dans une abbaye bénédictine en plein effervescence. Un jeune moine a été retrouvé au pied de l’immense donjon/bibliothèque sans qu’une explication rationnelle puisse être avancée. Des forces démoniaques, en pleine période de trouble au sein de l’Eglise, seraient-elles à l’œuvre sur ce piton rocheux isolé ?
Après l’adaptation cinématographique de Jean Jacques Annaud des années 80, avec le regretté Sean Connery dans le rôle du frère enquêteur, le passage au texte à bulle est de nouveau une réussite. Manara est resté fidèle au texte et à l’atmosphère du roman, les tons pastel (avec cependant peut être un léger manque de couleurs…) et les traits fins du dessinateur font merveille. Que ce soit dans les plans larges de l’abbaye, dans le scriptorium ou dans la représentation des enluminures, les dessins font mouche. Bien entendu, pour ceux qui connaissent déjà l’histoire, le personnage féminin de l’histoire a pu compter sur le talent de Manara pour le sublimer…
Le Nom de la Rose en bande dessinée sera composé de deux tomes et on ne peut qu’attendre avec impatience le deuxième épisode qui viendra élucider le mystère des faits diaboliques qui hantent l’abbaye. A noter deux citations, placées en début de l’album, qui à elles seules donnent le ton : la première « j’ai cherché partout le repos et je ne l’ai trouvé nulle part ailleurs que dans un petit coin avec un livre » de Thomas A Kempis. Et la seconde d’Umberto Eco : « quand j’ai envie de me détendre, je lis un essai d’Engels ; si au contraire, je veux me pencher sur quelque chose de sérieux, je lis Corto Maltese. » Si c’est Umberto qui le dit…
Glénat – 17.50 euros
La contrition peut être définie comme l’expression de remords, de repentir. Aux Etats-Unis, dans ce roman graphique, il s’agit du nom d’une commune de Floride, lieu idéal pour subir une peine d’éloignement pour les prédateurs sexuels condamnés, en les obligeant à se tenir loin de tout enfant, de signaler un éventuel changement de domicile et USA oblige, d’assister aux messes régulières célébrées par un pasteur, lui-même ancien délinquant. En 2008, Nowak, résident de la commune, est retrouvé carbonisé dans sa maison devant laquelle a été apposé un panneau mentionnant sa condamnation. Marcia, une journaliste de la presse locale est dépêchée sur place et ses échanges avec les forces de l’ordre l’intriguent : cet incendie parait étrangement parfait. Tellement parfait qu’il dispense de réfléchir. Elle va alors s’engouffrer dans des recherches qui vont fortement impacter son existence et sa vie privée et déboucher sur une affaire qui s’est déroulée 4 ans plus tôt : le jeune Josh, un adolescent introverti, harcelé à l’école, qui se réfugie dans les jeux vidéo s’est mis à discuter, puis rapidement échanger des photos avec une inconnue qui se faisait appeler WonderAlly. Mais qui n’était pas celle qu’elle prétendait…
Ce très beau roman graphique en noir et blanc aborde le délicat sujet des criminels pédophiles, mettant la lumière sur leur capacité ou non de repentance, leur droit à se réinsérer ou non dans la société. Il soulève également le désir de vengeance qui peut habiter les proches des victimes, les limites du pardon, la volonté de comprendre. Ces notions sont traitées par le biais d’une enquête policière/journalistique menée avec pudeur, aucune scène de violence n’est ainsi présentée, le roman graphique privilégiant l’approche philosophique et analytique pour aborder ce thème épineux.
Denoël Graphic – 25 euros
La guerre entre le clan Hamato et le clan Foot a rendu son verdict. Et c’est malheureusement ce dernier qui l’a emporté. Les valeureuses Tortues Ninja et leur Maître Splinter ont été vaincus par le vice et la fourberie de Oroku Hiroto qui n’est autre que le petit fils de Schredder, l’ennemi juré des mutants. Depuis, le temps a passé et le clan Foot règne sur un New York ravagé par les guerres civiles, un état policier mené par Hiroto ne laissant que peu de place et de liberté à la population. C’est alors qu’apparait un guerrier solitaire, une tortue au physique affuté et aux armes qui ne le sont pas moins, et qui semble vouloir demander des comptes au clan honni. Le dernier Ronin, tel qu’on peut le nommer, se lance dans une mission désespérée pour venger l’honneur du clan Hamato et faire mordre la poussière aux traites.
Voici un épisode fort de la série ultra-connue des Tortues Ninjas qui a débuté au milieu des années 1980 sans que le succès ne s’estompe depuis. C’est un réel plaisir de retrouver les personnages phares de la franchises (les quatre tortues mutantes bien sûr mais aussi April ou Casey Jones) dans un comics où même le non spécialiste des TMHT pourra se voir happé dans cette histoire de vengeance. Grâce à des flashbacks bien amenés et des lignes de dialogues efficaces, il sera facile de recontextualiser l’histoire et il ne restera plus qu’à se laisser prendre au jeu.
The Last Ronin est donc une dystopie réussie dans l’univers des plus célèbres tortues, réalisé avec l’aval des créateurs historiques de la série, qui nous offre des personnages sombres et matures dans une alternatives de scènes d’actions archi-dynamiques et de dialogues harmonieusement équilibrés. COWABUNGA !
Hi Comics – 29.95 euros
Un an après la parution du premier tome, voici enfin le deuxième épisode de l’adaptation du roman de Pierre Lemaitre. Alain Delambre, après ce qui s’est passé dans la première partie de l’histoire se retrouve en prison et attend son jugement. Il est donc question de la façon dont il va pouvoir se défendre pour ne pas finir ses jours à l'ombre. Tout comme dans le premier épisode, par le biais d’habiles retours dans le temps, nous en apprenons un peu plus sur la façon dont il a pu infiltrer le système de recrutement et parvenir à démontrer l’extrême violence du monde du travail au sein de multinationales déshumanisées.
Le moins que l’on puisse dire, et dans l’optique de ne pas gâcher le plaisir de découvrir cette histoire haletante, il est fortement conseillé de se laisser porter par cette BD très noire, très cynique, en adéquation avec les méthodes opportunistes de certains grands groupes se croyant intouchables. Et de se résoudre à attendre de nouveau avec impatience le troisième et dernier tome de la série !
Rue de Sèvres – 16 euros
Alain Delambre a des faux airs de Patrick Dewaere. On le retrouve dans la première page de l’album exfiltré par des policiers du RAID. En alternant le passé et le présent (avec un astucieux jeu sur la couleur des pages en fonction de leur temporalité), on apprend qu’il a longtemps été DRH dans une entreprise rattrapée par la mondialisation agressive et dont il a été licencié. Quatre années ont passé et le cinquantenaire a bien du mal à supporter cette impression de n’être plus rien aux yeux de sa femme, de ses filles, de la société. Alain doit se résoudre à exercer un emploi loin de ses anciennes fonctions, au salaire minime tout en devant gérer des relations plus que tendues avec son supérieur. C’est en lisant une annonce dans Le Monde qu’il entrevoit une opportunité de rebondir : un poste d’assistant RH est disponible dans une grosse boite internationale avec pour mission de participer au recrutement de cadres. Alain Delambre va alors faire la connaissance de Bertrand Lacoste, le PDG de BLC Consulting, un « tueur » qui s’est fait remarquer pour sa maestria dans l’art de la liquidation d’entreprises et les réductions de personnel qui s’en suivent. Avec des pratiques édifiantes, ce dernier va prendre au piège Alain Delambre, obnubilé par ce poste qui lui tend les bras, le faisant passer du statut de victime d’un système à celui de forcené incontrôlable, entrainé dans une chute abyssale.
Premier tome sur trois annoncés, Cadres noirs est tiré d’un roman de Pierre Lemaitre. Bertho et Liotti ont su respecter la marque de fabrique de l’auteur, adepte des rebondissements et du suspens finement distillé accompagné d’un trait fin et détaillé.
Cet album nous laisse frustré de ne pouvoir en savoir plus sur la trajectoire de cet ex-DRH désabusé, revanchard et prêt à tout. Il constitue une critique acérée du monde professionnel et de ses rouages, tout en tournant en dérision les modes managériales inhumaines. Une chose est certaine, le personnage d’Alain Delambre est surement beaucoup plus complexe qu’il ne paraît d’un premier abord et des surprises nous attendent très certainement dans les deux tomes à venir.
Rue de Sèvres – 16 euros
La couverture de cette BD attire instantanément: on y perçoit 3 silhouettes semblant voler sur fond d'aurore boréale psychédélique cernées par un contour d'ours en pointillés.
Nathan élève seul son petit frère et sa petite soeur suite au décès de leur mère: il travaille comme chauffeur uber dans une ville opressante. Un accident bousillant son outil de travail, il se trouve dans une impasse; mais sa rencontre avec Annie, une retraitée qui rentre dans son pays, en Alaska, et qui lui propose de venir s'y ressourcer, lui fait tout quitter en embarquant sa petite famille dans cette aventure. Elle les changera à tout jamais: déconnexion totale, amitié, nature rude, réchauffement climatique, l'auteur nous invite à ouvrir les yeux sur le monde qui nous entoure et nous alerte sur les blessures que nous infligeons à notre environnement pourtant vital. La curiosité, l'entraide, le chemin du deuil, les relations humaines vraies seront des révélateurs: la vie en ville n'est pas possible sauf à se détruire à petit feu.
Un roman graphique magnifique, tout en délicatesse, aux couleurs à la fois chatoyantes et douces, une invitation à la réflexion sur nos vies entravées et un plaidoyer pour la nature et les personnes qui la comprennent et qui, face au changement climatique, d'abord déboussolées, savent que la fin n'est que le début d'un nouveau cycle et qu'ensemble les catastrophes seront surmontées.
Delcourt - 29.95 euros
Fin des années 60, Franz, ancien soldat allemand, visite le pays Basque avec sa femme. Il retrouve l'auberge à côté de laquelle il était cantonné pendant la guerre. Après une hésitation, ils frappent à la porte et Léo ouvre. Elle avait 17 ans au moment où les Allemands étaient postés dans le village et occupaient l'auberge où elle vivait et travaillait avec ses sœurs et ses parents. Elle était belle, insouciante et passionnément amoureuse de Félix, jeune soldat allemand: Franz lui apprend que le jeune homme qu'elle n'avait jamais revu est mort quelques semaines après son départ en 43 sur le front russe.Le passé ressurgit et Léo se souvient de cette période certes sombre mais marquée à jamais pour elle par un élan de vie irrésistible. Était-elle inconsciente? C'est la question que se pose Mayana Itoïz qui raconte avec cette BD l'histoire de sa grand-mère tombée follement amoureuse, en temps de guerre, d'un soldat ennemi.
La dessinatrice pose avec délicatesse un regard bienveillant, par petits morceaux, sur cette adolescente rebelle, pleine de vie, qui veut rire et partager des moments d'amitié et de légèreté. Ces moments dérobés à un quotidien difficile n'en sont que plus précieux et Mayana Itoïz (créatrice avec Lupano de la série Le loup en slip) évoque avec beaucoup de sensibilité une histoire familiale restée cachée sans pour autant éluder les passages tragiques en particulier à la Libération, quand vient le temps de l'épuration.
Le récit est émaillé de photos déchirées complétées au dessin sur papier calque, apportant une touche poignante, incarnant les personnages dans une authenticité émouvante.
Dargaud - 27 euros
Voici le premier tome consacré à Jimi Hendrix concocté par J. M Dupont et Mezzo qui s’était déjà intéressés à la trajectoire d’un autre membre célèbre du « Club des 27 » (pour être mort à 27 ans), en l’occurrence Robert Johson dans l’album « Love in vain ». Il est consacré à la période 1942/1966, celle pendant laquelle le jeune John Allen va grandir (plus ou moins) au sein d’une famille très vite destructrice ; une mère alcoolique et volage, un père loin d’être lui aussi d’une stabilité à toute épreuve et un jeune garçon qui va tenter de trouver sa place (parmi ses frères et sœurs bien mal lotis eux aussi) et sortir de ce quotidien morose. Sa grand-mère indienne semble jouer un rôle important dans la volonté du futur Jimi à s’intéresser à l’imaginaire, à l’art, jusqu’à ce que la lumière vienne de sa rencontre avec l’instrument à six cordes dont il deviendra rapidement virtuose sans pour autant lui permettre d’accéder à la gloire immédiate dont il rêve pourtant. Avant cela, un passage à l’armée (avec une brève carrière de parachutiste envisagée) et par la suite beaucoup de concerts dans des salles anonymes, des tournées dont il se fait souvent virer (Jimi a la fâcheuse habitude de ne pas se lever le matin, préférant prolonger ses nuits dans les bras de ses (nombreuses) conquêtes d’un soir) ou qui ne durent pas très longtemps, du fait de l’égo des personnes avec qui il partage l’affiche qui apprécient peu de se faire voler la vedette par ce jeune guitariste au look et manières qui détonnent. On peut également voir poindre les côtés obscurs de l’artiste, sa consommation de produits divers et variés généralement toxiques et son comportement violent envers les femmes. L’album se termine le 23 septembre 1966, date à laquelle Jimi quitte Seattle à destination de Londres pour y devenir Hendrix bientôt...
Un superbe roman graphique en noir et blanc, au style très comics américain (dans la lignée des Spiegelman) qui éclaire les premiers pas du célèbre guitariste sans pour autant occulter les zones d’ombre et tumultes qu’il a traversés. Une biographie riche, à hauteur de la légende, qui aborde aussi le monde qui était le sien dans une Amérique des années 50/60 peu accueillante pour un jeune afro-cherokee issu d’un milieu modeste.
Le fait que l’histoire nous soit racontée par une « voix off » mystérieuse (bien qu’égrenant quelques informations au fil des pages…et un plan de dos sur la dernière case de l’album) nous donne encore plus envie de voir paraître très rapidement le tome 2 qui s’intéressera à la consécration et à la chute du génial gaucher.
Glénat – 24.50 euros
L'auteur évoque dans ce superbe album, le système mis en place aux États-unis pour, dès la fin du XIXème siècle, l'acculturation des populations autochtones. Georges, jeune Lakota, est élevé par un pasteur: il lit la Bible et a presque entièrement oublié ses origines. Il va croiser la route d'une petite bande de trois personnes dont Little Knife est le chef. Cet indien est à la poursuite d'une vengeance: il veut retrouver le meurtrier de sa mère. Au lieu d'assassiner le jeune garçon qui vient d'assister au meurtre du pasteur et de l'institutrice, le petit groupe, composé d'un aventurier Irlandais, d'une jeune indienne, No Moon, au visage dissimulé derrière un foulard, l'embarque dans leur course effrénée. Leur voyage va peu à peu les rapprocher: Georges va faire l'expérience de la liberté et du racisme, de l'amitié et de violence. Il va redécouvrir peu à peu sa culture d'origine et apprendre l'histoire du peuple dont il est issu, ses traditions, son rapport à la nature, une traversée qui marquera à jamais l'avenir du jeune garçon.
À travers les immensités du Wyoming et les paysages exceptionnels dont l'auteur nous fait partager la beauté grâce à des illustrations d'une profondeur surprenante, on assiste à cette transformation.
Hoka hey! qu'on pourrait traduire par Let's go! est le cri de guerre Lakota rendu célèbre par Crazy Horse. Reprenant de manière très efficace les principaux codes du western (indiens, chasseurs de primes, bisons, chevauchées dans les grands espaces) Neyef donne au décor une place prépondérante avec des plans très cinématographiques. La beauté de la nature souligne la brutalité de l'histoire et certaines scènes sont à la limite du supportable. C'est pourtant un fait authentique: l'intégration forcée des populations indigènes a été au cœur d'un processus d'une violence à peine envisageable dont on découvre, aujourd'hui encore, les répercussions sur les descendants et qui met aussi en lumière le pouvoir de la transmission, la force et la résilience de la culture amérindienne.
Rue de Sèvres collection Label 619 - 22.90 euros
Elizabeth Short rêvait de célébrité et de gloire. Son parcours était typique d’une certaine catégorie de jeunes filles, plutôt jolies, souvent candides, qui à la sortie de la deuxième guerre mondiale cédaient aux chants des sirènes hollywoodiennes. Une vie qui commençait et la perspective d’une carrière sur grand écran pour rejoindre la cohorte des Lauren Bacall, Ingrid Bergman et autres Humphrey Bogart en haut de l’affiche. Betty Short aura bien la célébrité et la gloire à titre posthume pour avoir été la victime d’un meurtre atroce. Son surnom de Dahlia Noir (en référence au film The Blue Dahlia) lui sera attribué après que son corps ait été retrouvé atrocement mutilé et coupé en deux sur un terrain vague de Los Angeles. L’identité de son ou ses assassins restant toujours mystérieuse 80 ans plus tard, les auteurs Run et Maudoux se sont consacré, dans ce très bel album, à retracer le parcours de l’apprentie starlette sur les deux dernières années de sa brève existence. On découvre une jeune fille un peu perdue, attirée comme un papillon par les lumières de la célébrité, mais aussi par les nombreux militaires fraichement rendus à la vie civile, idéalisant et s’inventant de nombreux scénarios de future vie de famille épanouie. La jeune Elizabeth a très certainement aussi réalisé des rencontres avec des personnes nettement moins recommandables, la conduisant à sa funeste destinée.
Les auteurs ont mené un travail de fond sur l’enquête, s’appuyant sur des documents déclassifiés, présentant les différentes pistes sur les potentiels tueurs. Le dessin réaliste reconstitue pleinement le Los Angeles des années 40, son côté glamour mais aussi sa décadence, sa dangerosité et sa nocivité pour les âmes fragiles.
Label 619 – 19.90 euros
Hector Bibrowski est ce qu’on appelle tristement un « freak », un monstre humain. Doté d’une pilosité très développée et peu commune, son apparence se rapproche fortement de celle du roi des animaux. Très tôt orphelin de père, il est abandonné par sa mère qui disparait du jour au lendemain et c’est donc dans un cirque qu’Hector va trouver une place, devenant une « attraction » parmi les autres. Dans les premières pages de ce roman graphique, nous le voyons débarquer à New York. Il a été repéré par un puissant promoteur américain qui va lui faire signer un contrat juteux avant de le lancer sur les routes du pays puis du monde. Pour cela, il lui inventera une nouvelle origine et Hector partagera la scène avec des comparses allant de l’homme tronc, des sœurs siamoises en passant par l’inévitable femme à barbe. Hector se satisfait de son sort, son contrat n’est pas mauvais loin de là mais il aspire à d’autres choses. Trouver l’amour, peindre (il est très doué pour le dessin) mais comment s’émanciper lorsqu’on a été considéré toute sa vie uniquement comme une bête de foire ?
Très beau roman graphique proposé par les éditions Sarbacane, un dessin qui nous emmène dans l’ambiance de l’entre-deux-guerres, à une époque où les cirques humains connaissaient un succès détonnant, avant que la radio et le cinéma viennent, fort heureusement, mettre fin à ce triste commerce. Une belle réflexion est menée sur la notion de différence, sur la cruauté des hommes et sur le profond sentiment de solitude qui peut habiter une personne qui ne se retrouve pas au sein de son environnement. De superbes dessins et illustrations pour une jolie histoire sur la quête de sens et le dépassement des apparences.
Sarbacane – 29 euros
Un été, Dara, jeune dessinatrice de BD pour un magazine, s'installe à la terrasse du café où travaillent Manon et Joshua. Ce dernier tombe littéralement sous son charme mais ne sait comment l'aborder. Il commence par lire le magazine dans lequel elle publie pour tenter de percer sa personnalité .. et il va être très surpris; car les planches qu'elles dessinent sont vraiment surprenantes et le mot est faible (si vous aimez les licornes, les petits animaux, les enfants mignons, abstenez-vous).
Joshua, après de nombreuses conversations avec sa collègue et un habitué, finira par se lancer.
Une BD drôle, déjantée par moment, et une jolie tranche de vie autour de personnages non dénués de défauts mais très attachants.
Fluide Glacial– 13.90 euros.
Après son titre « L’oasis » qu’il consacrait au retour à la vie sauvage du jardin d’un pavillon de banlieue, transformé en petit paradis dans lequel la faune et la flore vivaient en harmonie, Simon Hureau nous entraîne dans une nouvelle expérience. Un peu plus exotique, plus glacial. Il s’inspire pour cela de la vie de Max Audibert, un jeune Marseillais tout juste âgé de 18 ans dans les années 80, qui a vu cette dernière prendre une direction pour le moins inattendue. Alors qu’il s’oriente vers une carrière de médecin, Max va avoir une révélation après avoir ouvert un ouvrage au hasard dans une librairie (on ne se méfie jamais assez de ce qui peut se passer quand on ouvre un livre…) et tomber sur un métier qui le subjugue : chasseur arctique ! Sans aucune expérience, sans parler la langue, ignorant totalement les exigences de la vie dans le Grand Nord, il va alors de décider de vivre son rêve (sinon à quoi bon rêver ?) et partir s’installer à Tiniteqilaaq, une bourgade de 80 habitants située au Groënland. Il y passera sa vie.
Loin de l’approche romantique d’un simple voyageur de passage, il va devoir perdre ses reflexes d’européen pour se fondre dans un monde magnifique mais également cruel. Sur la glace, la distance entre la vie est la mort se compte parfois en centimètres, ces centimètres parcourus par un traineau de chiens qui va varier de sa trajectoire et provoquer l’accident, au milieu de nulle part. Immergé dans ce nouvel univers, il va découvrir l’extrême pouvoir de la nature, la façon d’y puiser les ressources pour en vivre tout en respectant ses règles, la sagesse des anciens : apprendre par expérience et retenir les leçons. Il croisera la route de personnages exceptionnels qui lui enseigneront les préceptes pour survivre dans un environnement dont la beauté équivaut à la quantité de dangers qu’il comporte. A son tour, il saura servir de trait d’union entre la vie ancestrale et préparer la nouvelle génération aux évolutions d’un monde qui ne tourne pas en faveur de la nature et des ses habitants. L’auteur n’éludera pas les coups durs, les drames qui jalonnent 30 années de vie, la violence et les mœurs, les déchirements du quotidien qui n’épargnent pas, même dans le grand nord isolé.
Une nouvelle réussite pour Simon Hureau dont l’album regorge de nuances de bleus exprimant la beauté et la dureté et la pureté de la glace, de la mer, des paysages. L’expression des visages permet de deviner la bonté des personnages croisés et l’auteur a également la malice de donner la parole aux animaux (chiens et corbeaux) pour exprimer des leçons de bon sens ou tout simplement comme un rappel à la supériorité de la nature sur l’humain qui aurait l’outrecuidance de la négliger.
Un beau récit d’une vie de liberté, d’accomplissement personnel, de partage et de reconnaissance, qui rappelle que la vie, derrière ses aspérités, peut aussi cacher de belles expériences. Comme le dit Lars, l’un des mentors de Max : « Tu sais, c’est ainsi : ne cherche pas trop à comprendre, n’y pense pas trop non plus ». Vivre ses rêves…
Dargaud – 24 euros.
La révolte du Bounty est un épisode célèbre de l'histoire de la Royal Navy: maintes fois scénarisé et raconté, on oublie d'une part qu'il s'agit de faits réels et d'autre part que les mutins se sont installés sur l'île de Pitcairn et l'ont colonisée peuplant cette île de leur descendance.
C'est la fille de Fletcher Christian, Mary Ann, qui raconte cette « histoire de sang et de malheurs » qui a profondément marqué l’histoire de sa famille. Il avait imaginé, au moment de rejoindre l’île Tubuai, où aucun Blanc n’a jamais mis les pieds, mettre en place une nouvelle communauté plus égalitaire dans un endroit reculé, à l'abri des menaces.
Tout ne se passe évidemment pas comme prévu. La présence des colons, leur incapacité à s'intégrer sans avoir un comportement de prédateurs notamment vis-à-vis des femmes, provoquent le courroux, à plusieurs reprises, des populations autochtones. Le processus d'appropriation va saccompagner de nombreux masacres.
Un dessin efficace et un scénario dont on peut juste reprocher le manque de consistance des personnages mis à part Christian dont les états d'âme et l'abnégation (encouragée par Maimiti, mère de la narratrice) qui en font le portrait d'un homme tourmenté et déterminé. L'album se termine au moment où les hommes vont poser le pied sur l'île portant déjà en eux les prémices d’une catastrophe annoncée, puisqu’« ils emmenèrent avec eux la colère et la peur ».
Glénat - 14.95 euros
Celle qui parle, c'est la Malinche, figure controversée de l'histoire du Mexique, considérée pendant longtemps comme une traîtresse ayant collaboré avec les conquistadors.
XVIème siècle. Malinalli, jeune fille noble d'un clan d'Amérique Centrale, est vendue comme esclave à un autre clan à la mort de son père. Celui-ci lui avait appris le nahuatl, la langue des Mexicas, puissants, violents, dominants mais avec qui, avait-il pressenti, il faudrait un jour parlementer. Elle va également apprendre le maya parlé par ses maîtres, et quand Hernan Cortès débarque, obsédé par la recherche d'or, il repère Malinalli et son don pour les langues: elle sera son interprète et un atout pour comprendre le pays.
Alicia Jaraba, linguiste, connaît la difficulté de la traduction et de faire se comprendre des individus venant d'horizons différents.
On sait peu de choses de la vie de la Malinche,et le peu d'éléments parvenus jusqu'à nous, ont été rapportés par des hommes. L'autrice nous donne à lire ici, le portrait d'une femme jeune, inexpérimentée, spontanée et dont la voix se sera élevée au niveau de celle des hommes à une époque où les femmes n'avaient pas droit à la parole. Et souligne une fois encore, l'importance de la communication entre les peuples.
Grand Angle - 24.90 euros
On ne peut pas dire que les personnage féminins (à part peut être Calamity Jane et Le Venin) soient toujours gâtés dans les histoires se déroulant à l’époque de l’Ouest Sauvage. On les retrouve souvent avec le statut de victime, dans l’attente d’être secourue par un ténébreux cavalier, ou pire, cantonné dans un saloon à exercer le plus vieux métier du monde, en supportant les blagues alcoolisées des cowboys. Dans « Ladies with guns », nous sommes très loin de ce cliché. Alors certes, il y a Abigail, une esclave noire de quatorze ans qui se retrouve coincée dans une cage, Chumani une jeune indienne qui a vu sa tribu s’entretuer avec une caravane de colons, dont faisait partie Kathleen, une femme d’origine anglaise (qui s’inquiétait fortement du sort d’un étrange baril contenant à priori du sel…) et on ne peut donc pas dire que la situation soit des plus simples. Mais ces trois femmes ne sont pas du genre à dépendre d’un homme et de ses gros pistolets ! Au fil de l’histoire, elles seront rejointes par Cassie, une fille de joie (tiens tiens) en quête d’autonomie et Miss Mccormick, une ancienne institutrice qui ne s’en laisse pas conter. Ces cinq personnages féminins vont donc être réunis et tout en venant d’horizons radicalement différents, vont savoir unir leurs compétences pour résister à un environnement (masculin) plutôt hostile.
« Ladies with «guns » est donc un premier tome original, avec un humour bien présent, tout comme l’est également la violence! Pas de doute, nous sommes bien dans un western et les afficionados de « gun fight » seront servis. Le scénario concocté par Olivier Bocquet (scénariste entre autres de la série « Frnck »), associé au dessin dynamique d’Anlor (une artiste qui a exercé pendant dix ans dans le milieu du dessin-animé et le stop-motion, ce qui explique très certainement son talent dans le découpage et la dynamique des scènes) démontrent avec talent que le western peut aussi se dessiner au féminin et que les hommes doivent se le tenir pour dit !
Dargaud – 16 euros
Amalia, on la connaît, elle est comme nous, comme la grande majorité des femmes: débordée! La charge mentale vous en avez bien sûr entendu parler. A vouloir tout faire pour tout le monde, elle se donne sans compter: travail, famille, maison. Elle veut que tout soit parfait, rangé, efficace. Mais son corps, qui pourtant l'alerte chaque jour un peu plus, finit par lâcher. A l'image de la crise écologique qui bouleverse la planète, elle va devoir apprendre à s'écouter, à remettre au centre ce qui est essentiel, quitte à tout réinventer.
Une BD qui aborde de nombreux sujets actuels - relations familiales, rapport au travail, à la nourriture - qui démontre que tous les écosystèmes sont reliés et connectés entre eux. Notre façon de traiter nos corps et nos esprits est le reflet de nos actions sur la nature.
DEVENONS TOUS INTOLERANTS AU RENDEMENT!
Dargaud – 19.99 euros
Après la seconde guerre mondiale, la conquête spatiale est rapidement devenue une priorité pour les Etats-Unis et l’URSS afin de matérialiser leur supériorité respective en termes d’avances scientifiques et technologiques. Le but, bien entendu, étaient de faire rayonner l’ingéniosité humaine et accessoirement de marquer les esprits. Alors forcément, tout le monde est au courant, il y a eu la mission Apollo, Neil Armstrong, le « petit pas pour l’homme, un grand pas pour l’humanité » mais…au fait…si finalement les américains n’avaient pas été les premiers à mettre un pied sur la lune ? et si en plus le premier homme sur l’astre lunaire avait été…une femme ! Et pourquoi pas ?
Voici le scénario de ce beau roman graphique concocté par Pat Perna et Fabien Bedouel, un album qui aborde avec malice les notions tristement à la mode de désinformation, de complotisme et qui démontre la facilité avec laquelle une histoire, lorsqu’elle est bien racontée, étayée (par des prétendues sommités), factualisée (même avec des éléments faux ou invérifiables) donne matière à s’interroger sur la réalité, ouvrant la porte aux fake news et réécriture de l’histoire.
Parfaitement servi par un noir et blanc astral, les phases de déplacement des modules spatiaux sont particulièrement bien rendues dans une conception de plans très cinématographiques.
Une BD qui mélange habilement l’uchronie, la science-fiction, et qui sait peut-être la véritable Histoire spatiale. Après tout, il existe bien une théorie selon laquelle la mission Apollo a été tournée en réalité dans un studio par Hollywood, et une autre affirmant qu’Elvis Presley et Michael Jackson sont retirés sur une île déserte pour se protéger de la célébrité exténuante. Qui sait…
Delcourt – 27.95 euros
Publication en cette fin d’année d’une première mouture de Trashed de l’auteur américain Derf Backderf aussi connu pour ses titres comme « Mon ami Dahmer » (un tueur en série qu’il a côtoyé à l’école) ou « Kent State » (une manifestation réprimée par les armes au début des années 70 aux Etats-Unis). Au programme, comment faire un bon retour d’expérience sur son passage au début des années 80 au service des poubelles de sa petite ville américaine, et sa plongée (au propre comme au figuré) dans des monticules d’immondices.
Pas de partie sociologique (quoiqu’on puisse toujours en profiter pour s’interroger sur son propre comportement…et se faire peur) mais surtout des situations cocasses sur la façon de gérer une poubelle, ayant séjourné au soleil, remplie de vers (miam), ou un sac poreux rempli de déjections canines (re-miam) tout en essayant d’échapper aux pièges posés par les « collègues » de la voirie, décidément particulièrement taquins.
Des histoires potaches certes mais aussi en toile de fond une pensée pour cette activité nécessaire et pourtant ingrate, sous-estimée et mal vue. Un cauchemar quotidien vécu par des personnes qui se lèvent aux aurores, qui travaillent dans des conditions difficiles pour nous éviter de baigner dans les résidus de notre consommation mortifère.
(Pour approfondir le sujet, lire Trashed du même auteur, éditions ça et là – 22 euros
Ça et là – 14 euros
Quand la pression de la société devient trop pesante, que la recherche de sérénité l’emporte, certains se tournent vers le retour à la terre, à la nature, si possible loin de leurs congénères. Le personnage principal de cette BD va faire un choix encore plus radical : simulé la sénilité pour rejoindre les pensionnaires d’une maison de retraite et ce à l’âge canonique de…45 ans ! Une fois sur place, ayant déjà des prédispositions naturelles, il parvient parfaitement à se fondre dans un univers qui sent l’eau de Cologne et les biscuits à la cuillère, un rythme particulier avec parfois des moments de divertissement « discutables » (l’artiste ringard qui vient pousser la chansonnette). Mais très vite, notre néo-retraité va se rendre compte que quelque chose ne va pas. Même l’univers aseptisé de son unité-gériatrique est rattrapé par le monde qui continue de tourner, avec sa violence psychologique, son marketing agressif rempli de phrases creuses et bien entendu la cupidité, marque de fabrique de l’espèce humaine. Et cela, notre héros ne veut plus en entendre parler et il va donc sonner la révolte !
Une BD au sujet original, un personnage quasi-mutique qui parvient tout de même par son visage expressif à faire passer ses émotions. Les autres protagonistes (le directeur de l’institution, le personnel et bien entendu les pensionnaires) ne sont pas en reste, leurs personnalités fleurtant parfois avec le cliché mais suffisamment étoffées par un humour savamment distillé.
Une bonne surprise concoctée par les éditions Marabout dans le cadre de leur collection Marabulles que ce titre attrayant, le sujet de la vieillesse étant devenu il est vrai une valeur sûre dans l’univers de la BD depuis les Vieux Fourneaux. L’homme qui voulait être vieux aborde de manière atypique le fameux pas de côté que beaucoup envisagent et que finalement peu concrétisent. Un pas de côté réalisé, cela va de soi, en charentaise avec l’obligation bien entendu d’être couché à 19h30 !
Marabulles – 20.90 euros
Sara a été élevée par une vieille femme qu'elle appelait "Tante". Sur son lit de mort, cette dernière lui confie le seul indice qui pourrait la mener à sa famille dont elle ne sait rien : un ruban sur lequel est brodé un mot énigmatique, Sousbrouillard. En fait, il s'avère qu'il s'agit du nom d'un village.
Abandonnant le peu qu'elle avait construit, Sara se rend sur place avec la ferme intention de découvrir la vérité sur ses origines. Les rencontres qu'elle va faire sur place, le mystère qui entoure le lac dans lequel bien des secrets sont enfouis, vont modifier le cours de sa vie.
Quand on ne connait pas son histoire, on aime l'imaginer. Quelle est la part de réalité dans ces histoires qu'on croit inventer?
Dargaud - 25 euros
Betty Pennyway est l’actrice principale d’un western en plein tournage. A l’issue d’une longue journée, parsemée de dialogues savoureux et profonds, elle quitte son partenaire de jeu et se retire pour un repos bien mérité. Elle s’endort paisiblement, mais au matin…le lieutenant Baxter est dépêché sur la scène du « drame ». Il a bien entendu parlé de Betty, notamment pour son rôle dans « Orgasmes bourguignons » (à vrai dire il n’a pas vu son film, c’est un copain qui lui en a parlé) et il va tenter d’éluder cette sale histoire ou il est question tout de même de…(à découvrir par vous-même !)
Fabcaro, qui est à présent publié chez Gallimard, excusez du peu, comme il l’aborde avec beaucoup de second degré au cours de sa BD, ne change pas ce qui a fait son succès et sa renommée : des décalages savoureux, du non-sens, du burlesque, du 4ème, 5ème voire 6ème degré, et toujours des petites piques envers notre beau monde. A noter que le « drame » que subit Betty sert de fil rouge tout au long de son album alors qu’il était plutôt coutumier des histoires en six cases dans ses dernières productions. Rassurez-vous, il parviendra tout de même à disgresser sur son hernie-discale, sur le comportement d’une vieille fermière acariâtre et psychorigide ou de ses propres filles qui ressentent une certaine appréhension quant au développement de son histoire de Betty qui va vous surprendre.
Encore un bon Fabcaro qui chatouillera vos zygomatiques et en cette période de rentrée (et pas uniquement scolaire…) on ne va pas s’en priver !
6 pieds sous terre – 16 euros.
Le jour des morts, « Dia de muertos » en version originale, est un événement incontournable au Mexique. Une date bien particulière qui se matérialise par la conception d’autels, la remise d’offrandes pour honorer les défunts, ce qui en fait une fête singulière de par son engouement. Emiliano connaît bien le sujet car il côtoie régulièrement les occupants du cimetière où il est balayeur et dans lequel il a l’habitude de réaliser de nombreuses siestes peuplées de rêves inspirés de son lieu de travail. Il se remémore ainsi son père qui a été abattu par de riches propriétaires terriens blancs, qui font régner la terreur et malmènent les modestes travailleurs Mexicanos. Il en éprouve un profond ressentiment et sa mère a bien peur qu’il file du mauvais coton d’autant plus que sa fiancée (enfin, celle qu’il conçoit comme telle) améliore son quotidien en proposant ses charmes au terrible « El Toro ». Ce militaire tout juste nommé « Commandante », sait se montrer dur et cassant envers ses hommes, voire même avec le reste de la population. Mais cette année, la fête des morts va prendre une tournure particulière puisque « los cavaleras », les victimes de la révolution de 1910, vont décider de sortir de leurs tombes et aller semer le désordre et la panique. Emiliano va bien entendu être en première ligne et autant dire que la fête va bien mériter son nom !
Roman graphique dont le sous-titre correspond parfaitement au cœur de l’intrigue à savoir une véritable fantaisie macabre. Il s’agit bien d’une descente non pas dans la tombe mais dans l’histoire et le folklore mexicain avec les rapports de classe traités de manière horrifique, le tout saupoudré d’absurde et de folie. De nombreuses planches oniriques, des déplacements dans l’espace-temps qui tourneboulent et un effet morbide amplifié par l’utilisation du noir et blanc qui donne toutes leurs forces aux squelettes et autres muertos qui ont bien décidé de se venger.
Un album original proposé par les éditions Sarbacane avec comme bien souvent dans leur ligne éditoriale, un titre qui sort de l’ordinaire et qui nous emporte dans le « fandango de los muertos » !
Sarbacane – 24 euros
Halifax, en Nouvelle-Ecosse, a été surnommée la "ville du chagrin" car c'est de cette ville que se sont organisés les opérations pour récupérer les corps du naufrage du Titanic. C'est là également que la plupart sont enterrés.
A l’automne 1917, Halifax connait une série de meurtres par noyade incompréhensibles. Quelqu’un en veut manifestement aux personnes présentes sur le Mackay-Bennett, le navire ayant procédé à la récupération des corps.
Les enquêteurs découvrent en effet que les victimes sont les « décideurs » faisant partie de l’équipage : croque-mort, révérend, docteur, embaumeur, glacier… une équipe réunie par une entreprise funéraire locale qui a tout organisé dans l’urgence de la catastrophe. Le gérant de cette entreprise s’appelle Roy Collins. Il est d’origine indienne. Cette enquête (fictive) est le prétexte des auteurs pour éclairer les agissements de certains suite à cette catastrophe qui ne sera pas la plus grave puisque quelques années plus tard, une explosion gigantesque rasera la ville, drame alors considéré comme la catastrophe la plus meurtrière avant Hiroshima ayant causé des dégâts considérables..
Un naufrage emblématique, une série de meurtres inexpliqués quelques années plus tard. C'est le cocktail explosif de ce récit qui mélange habilement réalité et fiction. Un roman graphique parfaitement réussi!
Editions Félès - 21 euros
La soucoupe et le prisonnier – CHAPUZET/GOLZIO
Le nom de Jean-Claude Ladrat n’est pas très connu. Pourtant les habitués de l’émission Strip Tease, devenue culte au fil des années, connaissent cette vedette des années 90, filmé chez lui dans sa campagne proche d’Angoulême. L’intitulé de l’épisode « La soucoupe et le perroquet » l’a mis au-devant de la scène, occupé qu’il était à construire son engin destiné à l’envoyer dans les étoiles « paranormalement » sous les yeux de sa vieille mère pleine de fierté. Elle continuait de son côté à pleurer Nini son perroquet, tué par la jument « qui lui avait monté dessus » et qu’elle souhaitait voir enterré avec elle à sa mort.
Cette BD est donc l’adaptation du livre « Mauvais plan sur la comète » de Jean Charles Chapuzet qui retrace la vie de Jean Claude Ladrat, de son enfance en orphelinat puis sa vie de jeune adulte comme marin et (déjà) son projet de soucoupe (maritime cette fois) qui a tourné court. Les marchés, les brocantes et aussi abordés, une fois les projecteurs médiatiques éteints, les problèmes de mœurs qui l’ont conduit en prison.
Dans cet album, on navigue donc entre le sourire et les larmes devant cet homme brisé très jeune, qui ne rêvait que de Bermudes et de voyages cosmiques pour rencontrer des « intraterrestres » et enfin s’échapper. « A partir du moment où vous sortez de la norme, vous êtes quelqu’un de bizarre, mais bon je ne me trouve pas bizarre. En fait ce sont les autres qui ne font rien de leur vie qui me paraissent bizarre ».
On ressort de cette lecture partagé, touché par cet homme à la poursuite de son rêve mais également mal à l’aise devant « les écarts » commis et reconnus par J-C Ladrat, naturellement, comme s’il ne s’agissait pas d’une chose plus grave que d’imaginer sa soucoupe fonctionner au fluide enrichi. On se retrouve alors à fluctuer à la frontière fragile entre la poésie et la folie…paranormalement peut être après tout.
Glénat – 19.50 euros
C’est en apprenant le suicide d’un cousin éloigné qui avait rédigé ses mémoires, que le narrateur/dessinateur Dav Guedin a projeté de retranscrire sous la forme de ce beau roman graphique (en noir et blanc, dont le style rappelle les comics indépendants américains), la vie de ce lointain parent. Sujet délicat car pratiquement un parfait inconnu pour lui, exerçant une profession pas forcément très glamour, Gilbert était huissier de justice. Tout en abordant son parcours de vie, en partant de sa naissance dans une famille peu fortunée et un quotidien compliqué, il nous présente les moments forts de son parcours professionnel (lorsqu’il a prêté serment, ses premières affectations, sa carrière), ses passions (notamment la sculpture) mais surtout les expériences de terrain racontées sans filtre ni artifice. Une réalité souvent sordide, violente, lorsque l’huissier accompagné de ses fidèles compagnons que son l’officier de police et le serrurier, doivent affronter la porte et le comble du désespoir qui se cache derrière. Ils se retrouvent alors face à des individus dans l’impasse, n’ayant plus rien à perdre si ce n’est quelques objets personnels, et ce au dépend de leur dignité. Des personnes mises devant le fait accompli, certaines ayant parfois voulu jouer avec le feu et aussi d’autres entrainées dans la spirale infernale de notre société de consommation à la suite de problèmes psychologiques ou d’accidents de vie.
L’huissier dans cette bande-dessinée est une personne dotée d’une grande humanité et l’auteur a très bien su retranscrire cette ambivalence dans l’exercice de son métier. Comment Gilbert, un homme sensible à l’autre (il était pompier volontaire, impliqué socialement) se retrouvait plongé dans le chaos émotionnel et devait faire avec sa conscience pour ne pas déraper. Un quotidien lourd, des expériences traumatisantes parfois et l’art comme rempart à la violence de ce quotidien qu’il affrontait courageusement, d’autant plus lorsque lui aussi connaissait les tourments de l’existence.
Un roman graphique fort, un sujet original qui présente le travail comme un symbole de notre humanité : complexe, encadré et punitif, parfois schizophrène, nécessitant d’être doté d’une force et d’une volonté certaines pour ne pas sombrer.
Actes Sud BD - 19.90 euros
La petite ville de Blackwell aux Etats-Unis est la seule de tout le pays à ne pas considérer la sorcellerie comme un acte criminel. Du coup, certaines sorcières abusent de leurs pouvoirs mais quand la petite soeur de Bucky Orson, 15 ans, disparaît provoquant un chagrin dévastateur chez leur mère (les larmes sont de la pluie et le niveau de l'eau monte dangereusement), le garçon décide de mener l'enquête. Il lui faudra résoudre le mystère des plumes de corneilles et comprendre ce qui s'est passé à Blackwell trois cents ans auparavant.
Cette BD mèle romantisme gothique sur fond de chasse au sorcières et univers fantastique et somptueux. Magnifique mise en lumière du travail de la jeune artiste Yana Bogatch, très connue sur les réseaux sociaux. Les thèmes abordés (place de la femme dans la société, dérives des hommes détenant un certain statut) et les personnages nombreux, bien développés et tous essentiels à l'histoire font de ce "one-shot" une vraie réussite. (la collection Log-in s'adresse aux 12/15 ans).
Glénat - 22 euros
Ce titre succède au mythique YEAR ONE de Franck Miller et propose trois histoires mettant en scène « Le Faucheur », méchant peu connu de la galaxie des super-vilains qui cherche à imposer leur loi et accessoirement se débarrasser de Batman. Il s’agit d’une sorte de justicier qui sévit également dans la ville de Gotham mais de manière beaucoup plus expéditive et impitoyable que le chevalier noir. Equipé de deux faucilles au bout de ses bras (accessoirement faisant aussi fonction d’armes à feu), il dispose d’un attirail léthal qui sait convaincre aussi bien les malfrats, les policiers ou les prostituées qui ont le malheur de croiser sa route. Batman va devoir faire face à un ennemi redoutable, tout en affrontant également ses vieux démons puisqu’il sera question du meurtrier de ses parents. Fait suffisamment rare pour être notifié, il sera même amené à devoir faire l’usage d’une arme à feu !
Datant de la fin des années 80, ce comics est facilement identifiable comme représentatif de cette époque de par ses couleurs chatoyantes et le trait des personnages. Il s’agit pour le lecteur de replonger dans les premières années de Batman (il est âgé d’une trentaine d’année dans ces histoires) et de le voir toujours fortement marqué et traumatisé par l’assassinat de ses parents. On découvre à ce sujet le personnage de Leslie, une assistante sociale qui l’a pris sous son aile après le drame. Gordon, Alfred et Robin (dans deux des trois récits) sont bien entendu aussi de la partie.
Edité dans la collection DC Confidential qui propose de mettre en lumière les étapes décisives dans la vie des super-héros, cet album regroupe donc trois récits complets dont le rythme et le découpage énergique en font une belle réussite pour tout amateur de Bruce Wayne.
Urban Comics – 18 euros
A la fin du 18ème siècle, des lanciers espagnols étaient chargés de protéger un axe reliant Mexico à San Juan Pueblo (Nouveau Mexique), soit 2 600 kms. Le sergent Juan assure donc la protection d’un équipage composé de colons et de leur bétail sur cette voie dangereuse. Il doit également veiller à la formation de Miguel, un jeune cadet, placé auprès de lui par un gradé de l’armée. Autant dire que le sergent ne prend pas spécialement de pincettes pour lui inculquer les valeurs des Dragons. Une religieuse Française, Sœur Madeleine, fait aussi partie de la caravane. Le jeune Miguel n’est pas insensible aux charmes de la jeune nonne, qui de son côté ne paraît pas vouloir s’éloigner des voies du Seigneur… Arrivée aux alentours du Rio Grande, l’expédition décide de faire étape pour la nuit à la « Mission De Nuestra Senora Del Derpetuo Socorro », afin de reposer les bêtes mais surtout d’apporter un cadre plus propice à la naissance de l’enfant d’une des femmes du convoi. Certes, les hommes se sont bien aperçus qu’ils étaient observés par des indiens Mescaleros Apaches, mais la technique habituelle de leur abandonner des litres d’eau de vie frelatée pour les abrutir et l’arrivé dans l’enceinte de la Mission doivent leur permettre, pensent-ils, de de mettre à l’abris de toute velléité agressive des autochtones. Cependant, en plein milieu de la nuit, une attaque furtive est menée. Une traque, menée par le fougueux Miguel va alors débuter.
Dans ce premier tome, l’occasion nous est offerte d’aborder une époque originale, quand le Mexique était sous occupation espagnole, et d’avoir la démonstration des conflits guerriers qui opposaient les Dragons aux communautés indiennes, elles-mêmes agressives les-unes envers les autres. Il s’agit bien d’un western avant l’heure que nous propose les deux auteurs espagnols Harriet et Gil. Ils respectent tous les codes du genre (chevauchées héroïques, paysages désertiques, combats sanglants) en les transposant dans un contexte différent de celui opposant habituellement les gentils cowboys aux méchants indiens de la fin du 19ème siècle.
Quoi qu’il en soit, dans cette première partie d’une histoire prévue en deux tomes, nous retrouvons bien les critères d’un « bon western », avec la part belle donnée à « l’Héroïsme Echevelé » pour un sauvetage désespéré.
Glénat – 14.50 euros
L'été 1968 marque le tournant du régime de dictature de Salazar installée depuis déjà 40 ans au Portugal (elle ne prendra fin qu'en 1974 avec la révolution des Oeillets qui mettra en place une démocratie).
C'est l'histoire d'un docteur qui ne veut pas d'histoires, qui s'accomode du régime en place même s'il est parfois aux premières loges et témoin des tortures infligées par la police d'état, la PIDE. Il a pourtant un passé de militant, passé douloureux qu'il tente d'oublier en soignant ses patients et en vivant des amours quelque peu désordonnées et frivoles.
Sa rencontre avec un jeune rebelle qui le prend pour un ennemi va amorcer un changement dans son attitude nonchalante. Une belle évocation de l'histoire, méconnue, du Portugual ; des tons sépia, alternant avec du N&B pour évoquer des épisodes de l'adolescence du docteur ; un récit qui évoque bien sûr le roman "Pereira prétend" d'Antonio Tabucchi (adapté en roman graphique par Gomont, en 2016, chez Sarbacane) dont Barral s'est inspiré pour montrer comment la peur, l'inertie et l'oppression endorment les esprits qui n'attendent qu'une étincelle pour devenir des héros ou au moins, des hommes dignes.
Ed. DARGAUD - 22,5 €
Paris,pendant les années folles. Nous suivons le jeune Rose,18 ans, qui est né et a grandit dans un cabaret populaire « Le jardin » dirigé par sa mère.
Toutes les artistes qui travaillent portent un nom de fleur et l'ambiance y est chaleureuse.
Ayant toujours été plongé dans cet univers de paillettes, Rose a lui aussi envie de danser et de se produire sur la scène du Jardin. Il va rapidement devenir la nouvelle attraction du cabaret, avoir des admirateurs mais également des détracteurs : Rose aime porter des robes non par mimétisme mais par conviction personnelle.Il est lui même et souhaite le rester.
Une Bd profondément bienveillante, parlant de genres, de droit a la différence, de tolérance et d'acceptation de soi. Un héros très attachant, des illustrations magnifiques et délicates comme des fleurs qui nous invite a nous immerger dans ce Paris du siècle dernier.
Delcourt - 25.50 euros
‘Travailler en perruque’ à la MAS (Manufacture d’Armes de Saint Etienne) cela veut dire ‘bricoler pour soi’ des ustensiles de cuisine, des sculptures et même parfois des bagues de mariage ! Jean lui a un projet de bricole plus ambitieux et ce sont les copains de la Manu qui vont rentrer dans sa combine, en évitant si possible, de se faire pincer par le contre-maître GAB (car il ressemble à Gabin) qui n’est pas très conciliant.
Cette BD se passe donc au tournant des années 50/60, lorsque la baisse de demande d’armes pour l’armée se fait sentir et que les employés (qui étaient jusqu’à 11 000 dans les années 40) voient leurs conditions de travail évoluer. La technologie commence à pointer son nez et c’est à présent un ordinateur à cartes perforées qui permet d’usiner en quelques heures la production d’une dizaine d’ouvriers sur une journée. Bien entendu, on parle déjà de gain de productivité et de faciliter le travail des hommes, très peu de la destruction des emplois qui va en découler.
Baptiste Deyrail connait bien ces bâtiments de la MAS pour y avoir été élève dans un autre registre que l’armement puisqu’ils abritent à présent l’Ecole des Beaux-Arts de Saint-Etienne. Il rend hommage à ces hommes, ouvriers d’une autre époque, où la journée commençait par un petit blanc au café du coin et où parfois les esprits s’échauffaient à la sortie de l’usine avec ‘les taupes’ (les mineurs) après des mots houleux sur l’usage des armes en Algérie…
Un bel hommage envers ce monde disparu à jamais, qui parvient à retranscrire cette partie de l’histoire de Saint-Etienne, frappée de plein fouet depuis la fin des années 70 par la désindustrialisation.
L’utilisation du noir et blanc et la technique du monotype sur zinc (chaque case est réalisée sur une plaque de métal à l’aide d’une encre très huileuse puis passée sous une presse de gravure pour obtenir un tirage sur papier) permet de retranscrire une image fidèle à la réputation de la ville Noire, qui se réinvente depuis par le biais du design mais aussi de pôles tertiaires, afin de faire revivre son glorieux passé de ville dans laquelle le travail était source de fierté et d’honneur.
Actes sud L’an 2 – 28 €
Voici une série historique prévue en quatre tomes. Pour l’heure, seuls les deux premiers sont parus : « L’ombre d’Hiram » et « Les bâtisseurs ». Le tome trois est attendu avant la fin de l’année 2020. Il s’agit de plonger dans la genèse et le développement d’une organisation qui aime le secret, fascine par ses pratiques et rituels allant même parfois jusqu’à alimenter les fantasmes. En effet, la Franc-Maçonnerie assure les bonnes ventes de certains hebdomadaires, un bon « marronnier » en quelque sorte comme peuvent l’être le marché de l’immobilier ou le palmarès des meilleurs établissements scolaires.
Dans le premier tome, nous remontons à l’époque du Roi Salomon qui souhaite l’édification d’un temple destiné à donner une demeure fixe au dieu d’Israël. On suit le projet d’Hiram, architecte en chef nommé par le Roi, professionnel reconnu et respecté, pour édifier le palais. Il devra faire face à l’ignorance, au fanatisme et à l’ambition qui viendront contrecarrer ses plans. Dans le deuxième volume, nous réalisons un bond dans le temps et nous retrouvons à la fin du 12 -ème siècle avec les bâtisseurs de cathédrale. De l’Allemagne jusqu’à l’Angleterre, les crimes ayant un lien toujours avec le temple de Salomon viendront mettre en difficulté la tâche de Joachim Bernadone, un tailleur de pierre talentueux. On sent dans ce deuxième tome que l’organisation va prendre de l’importance notamment par le biais des loges qui se mettent en place aux pieds des constructions titanesques.
Chaque album se termine par un dossier qui permet d’approfondir les sujets abordés permettant une prise de hauteur et de replacer dans le contexte historique les éléments rapportés.
Une lecture à conseiller aux amateurs de BD appréciant une solide base historique et en recherche d’intrigues haletantes et épiques.
Glénat - 14.50 € l'album
Voici le deuxième tome de Emmanuel REUZE et Nicolas ROUHAUD qui après le succès du premier épisode, annoncent toujours la couleur par ce titre magnifique qui nous invite à rester attentif sur l’ordre des mots.
Dans un style popularisé par Fab Caro, (quelques cases reproduites en plans fixes) tout repose le plus souvent sur le texte, décalé et suffisamment dérangeant pour créer un malaise et un effet humoristique.
Notre belle humanité étant resplendissante d’inventivité, il a suffi aux auteurs de plonger dans l’actualité pour nourrir leur inspiration. Par exemple, des médecins devant accueillir le soir dans leurs cuisines leurs patients, faute d’un nombre de lits suffisant dans les hôpitaux, ce qui ne facilite pas la vie de couple, des programmes pédagogiques décidés en haut lieu qui s’appuient de plus en plus sur des techniques marketing (les élèves apprennent à compter…par le biais des soldes), les robots qui ont remplacé les humains dans leur travail commencent à expérimenter eux aussi les burn out. Finalement un simple condensé de toute la bêtise ordinaire de notre quotidien.
Sur la couverture, en quatre cases, les personnages évoquent le concept de télévacances…de là à ce que…non !! voyons, il ne faut pas prendre les gens pour des cons !!
Fluide Glacial - 12.90 €
Le 18 avril 1955, Albert Einstein s’éteignait et son cerveau accessoirement par la même occasion. Thomas Stolz jusqu’à présent subit plutôt sa carrière de médecin laborieux et la vie en général. Il voit cette dernière prendre une toute autre tournure lorsqu’il est désigné pour réaliser l’autopsie du génie décédé. Une fois à l’ouvrage, l’occasion est trop belle de ne pas récupérer, de manière officieuse, la précieuse matière grise afin de l’étudier et de tenter de percer les mystères d’un modeste organe de 1 230 grammes qui a juste, en toute simplicité, exprimé les théories scientifiques les plus novatrices du 20ème siècle.
Par contre ce que Thomas n’a pas prévu dans son plan somme toute peu réfléchi (si ce n’est la perspective de séduire une jeune collègue spécialisée dans l’étude du cerveau…) c’est que d’une part Albert Einstein va l’accompagner dans sa démarche scientifique, l’esprit alerte bien que son réceptacle soit dissocié de son corps qui continue de bouger et de parler ( !!!) et que d’autre part, les autorités, le FBI en tête, ne vont que modérément apprécier sa prise d’initiative.
Tirée d’une histoire vraie (le vol du cerveau d’Einstein, pas son retour à la vie !) cette BD pleine d’humour et de folie, servie par un dessin qui rappelle parfois les planches de Franquin dans ses Idées Noires, vous fera passer un bon moment de loufoquerie avec tout de même comme toile de fond une réflexion sur ce besoin de reconnaissance en cherchant à percer les mystères les plus insondables.
A l’issue de cette lecture, il est fortement conseillé de se pencher sur la véritable aventure du cerveau d’Albert Einstein afin de comparer quelle histoire est finalement la plus folle, et ce, bien que tout soit relatif bien entendu !
Dargaud - 25 €
Nous sommes en septembre 2020 et dans notre réalité, la fin du monde n’étant pas (encore…) survenue, voici comme prévu le second tome de la série Les Dominants (premier tome paru…juste avant le confinement).
Dans cet album, l’histoire est surtout articulée autour des castes d’humains qui se sont constituées une fois les chocs plus ou moins absorbés (pandémie et arrivées des Dominants). Ainsi, la première catégorie regroupe des hommes et femmes dont le projet est avant tout de survivre et de composer avec les nouvelles conditions de vie sur terre. La seconde appelée les Dévots a pris une orientation mystique et considère tout simplement les Dominants comme des Dieux et mis en place un culte pour les honorer. Enfin, les Résistants qui avaient été entrevus dans le premier tome, continuent de considérer toute compromission avec l’ennemi ou ne serait-ce que passivité envers eux comme une faiblesse et donc raison suffisante pour être supprimé. Autant dire que les relations entre les trois entités ne sont pas des plus simples.
Ce deuxième tome ne laisse qu’entrevoir les Dominants, le réel danger étant plutôt le comportement toxique des humains. Ils restent mystérieux, énigmatiques, et semblent tisser leur toile sur la planète par le biais d’artefacts (interconnectés ?) qui pourrait être la première étape de leur mainmise sur la terre. Mais pendant ce temps, même s’ils souhaitent leur disparition, les hommes préfèrent s’entretuer…
Glénat - 14.95€
Dans cette nouvelle aventure, le plus célèbre flibustier s’est quelque peu assagi, ou tout du moins il le laisse paraître. Devenu riche grâce à l’or des Aztèques, il est plutôt en bon terme avec les autorités françaises qui préfèrent tout de même le surveiller de près. Les jours passés à Cap Français sont doux mais sentir vibrer le pont d’un navire sur la vague le titille tout de même…
Le naturel revenant rapidement au galop, l’esprit de liberté et la bravoure l’emportent sur la servilité : Barbe Rouge intervient pour extraire des griffes d’un caporal du Guêt, un jeune garçon qui a volé pour se nourrir. Il ne sait pas alors que son acte va l’entrainer, pour échapper au gibet, à combattre ‘Le Spectre’, un mystérieux pirate qui met à mal les bonnes relations commerciales et cordiales, bien que certainement factices, des nouveaux ‘amis’ de la nation que constitue la perfide Albion.
Barbe Rouge va donc en urgence réunir un nouvel équipage et, accompagné de son fils et de ses fidèles lieutenants, reprendre la mer. Les navires Espagnols ne manqueront pas de s’inviter eux aussi à ce qui se dessine comme les prémices d’une belle bataille navale.
BD avec un personnage de Barbe Rouge comme un baril de poudre prêt à exploser, de nombreux rebondissements, qui laissent imaginer un deuxième et dernier tome en apothéose après ce premier volet qui campe les bases d’une histoire solide et haletante. « Oh capitaine ! que ta volonté soit faite sur la terre comme en mer ! »
Dargaud - 15 €
‘Mon bon ami, pour l’amour de Jésus, abstiens toi de creuser la poussière enfermée ici. Béni soit celui qui épargne ces pierres et maudit soit celui qui dérange mes os’.
L’avertissement, figurant sur la tombe de William Shakespeare qui se situe dans l’Eglise de la Sainte Trinité à Stratford était pourtant explicite. Malheureusement, Roméo, le chien de la conservatrice, ne sait pas lire et lors de travaux de réhabilitation des lieux, il chaparde un ossement du grand dramaturge. La malédiction va donc s’abattre et de manière plutôt violente. Mouvements sociaux, instabilité politique, catastrophes naturelles, les effets sont dévastateurs. Même la reine d’Angleterre ne sera pas épargnée ce qui témoigne du degré de la catastrophe !
L’intérêt principal de cette BD est de retrouver des passages de l’œuvre de Shakespeare puisque les protagonistes ne s’expriment que par ses textes ! Les auteurs ont aussi veillé à donner aux différents personnages des patronymes Shakespeariens, qui deviennent dans cette histoire SDF, gérant immobilier et même activiste écologique.
Une manière agréable et originale de profiter de textes légendaires dans un cadre moderne, pour une satire de notre monde où les politiques et intrigants dévoilent leurs vrais visages lorsque la situation devient compromise. Pour citer encore William, ‘Quelle époque terrible que celle où des idiots dirigent des aveugles’.
Casterman - 24.95€
Charlotte de Belgique est la fille de Léopold Ier et la petite-fille du roi des Français Louis Philippe par sa mère Louise d’Orléans. Celle-ci épousa à l’âge de 17 ans Maximilien d’Autriche, frère de l’empereur François-Joseph, le mari de Sissi. Mais le destin et les négociations politiques voulurent que son mari, vice-roi du royaume lombardo-vénitien à l’époque de leur union, devienne en 1864 empereur du Mexique. Cette très belle BD commence avec un mariage. Dans un premier temps, tout se passe plutôt bien. Maximilien est nommé gouverneur de Lombardie-Vénétie et le couple mène la grande vie à Venise, à la Scala de Milan, jusqu'à ce jour de 1859 où l'armée de Maximilien est battue par les troupes de Napoléon. Un déshonneur pour l'archiduc, qui n'a plus goût à rien et renoue avec ses vieux démons. Charlotte se retrouve alors de plus en plus seule.
Rendu graphique réussi, histoire prenante, on attendait avec impatience le tome 2, paru au mois de juin et toujours aussi beau graphiquement sans compter un scénario impeccable. On y suit l'aventure mexicaine du couple propulsé empereur et impératrice du Mexique. La jeune Charlotte va devoir prendre son destin en main.
Dargaud - 16.95€ et 16.50€
Erik Kriek , auteur de BD néerlandais, signe là une superbe roman graphique de près de 200 pages,
L'histoire D' Hallstein , de retour sur sa terre d' Islande après avoir purgé sa peine d'exil suite à un crime qu' il à commis 7 ans plus tôt.
Alors qu' il inspire à reconstruire sa vie, Il devra faire avec les envies de vengeance du frère de la victime.
Si cet ouvrage est une fiction, elle n'en est pas moins extrèmement documentée, enrichie d' un glossaire, ce qui permet au lecteur d' appréhender les rouages de la société viking.
https://www.facebook.com/Editionsanspach/
Editions - Anspach – 29 €
Encore un titre original proposé par les éditions Lapin : retracer le parcours du combattant de deux jeunes intrépides ayant décidé d’acquérir et restaurer une maison troglodyte dans la région de Tours.
Ce type d’habitation original, autrefois occupé le plus souvent par des paysans pauvres, est revenu à la mode notamment pour y créer des gîtes ruraux, mais aussi comme terrain de jeu de courageux bâtisseurs qui envisagent de ne pas compter leurs heures et réhabiliter ces logements d’un autre temps.
Car du courage, les deux protagonistes n’en n’ont pas manqué. A partir du moment où ils se sont mis à la recherche du bien, il a fallu se coltiner les contraintes administratives, le passage douloureux à la banque et surtout le sujet central de l’album : les travaux titanesques. Pas facile de transformer une cavité et de modeler la roche comme un parpaing. Dès le départ, un choix a été opéré : faute d’argent, les deux aventuriers misaient sur le temps et l’ont donc mis à contribution pour transformer leur bunker en logement fonctionnel entre 2015 et 2017.
Une bonne dose d’humour pour accompagner l’avancement du chantier, des moments de doute, des astuces, des bons plans partagés. Cet ouvrage pourra aussi être utile pour toute personne qui choisirait de réaliser par lui-même l’édification d’une salle de bain, d’une cuisine ou la pose d’un plancher. Il est très plaisant de voir les photos en fin d’album qui permettent de constater un avant/après et ainsi constater tout le travail réalisé.
A noter que cette BD est une adaptation papier d’une publication sur internet qui est toujours d’actualité puisque les deux auteurs abordent à présent les premiers mois passés dans leur nouvelle maison et ont même tenu leur rubrique pendant le confinement. (www.aufonddutrou.fr)
Pour conclure quelques réflexions teintées de sagesse de nos néo-troglodytes : « des gens vous donnent leur opinion : ignorez-les, d’autres vous donnent des conseils : ne suivez pas ces conseils. Si vous fatiguez, allez vous reposer, vous allez vous blesser ! Et avec les banques la règle des trois M : Méfiance, Méfiance, Méfiance »
Editions Lapin - 20 €
Jeff Lemire, auteur canadien, a souhaité se réapproprier l’histoire de l’homme invisible popularisé par le roman de HG Wells datant de la fin du 19ème siècle.
Dans sa BD, John Griffen, un homme aux bandages suggestifs, débarque au milieu des années 1990 dans un petit village de pêche « Large Mouth ». Or, au début de l’hiver, la saison de la pêche est terminée. Outre son aspect physique, cette arrivée paraît bien étrange et déstabilise la routine de ses habitants. Vickie, la narratrice âgée d’une quinzaine d’années, est la seule à vouloir nouer un contact avec le nouvel arrivant. Les autres restent suspicieux à l'égard de cet homme et de ce qu’il peut bien fabriquer dans sa chambre de motel qu’il ne quitte pratiquement jamais. Au fil de la relation, elle parvient à découvrir que Griffen est un professeur qui a eu un accident. Mais pour autant, pourquoi venir s’installer à Large Mouth ? Généralement, l’inconnu fait peur alors s’il est en plus recouvert de bandages…
Le style de la BD se rapproche de celui du comics (Lemire est à la fois présent sur la scène alternative mais aussi chez DC), le bleu et blanc sont très bien choisis pour esquisser à la fois la saison pendant laquelle se déroule l’histoire que le personnage principal : froide et mélancolique.
The Nobody donne l’envie de se laisser porter par la paranoïa ambiante et savoir ce qui se cache vraiment sous ces bandages.
Futuropolis - 20€
François, auteur de romans policiers, s’est installé avec sa femme, sa secrétaire (accessoirement sa maîtresse) et son personnel de maison à la frontière du Mexique. Amateur des soirées de la haute société, il apprécie les expéditions avec son compère Jed, riche propriétaire de la région, lui aussi friand de stupre et de jeunes filles accortes. C’est à l’issue d’une sortie dans un bordel local que Jed se retrouve soupçonné du meurtre d’une prostituée mexicaine. François passe alors du statut d’écrivain à celui d’enquêteur et abandonne son stylo pour disculper son ami. Au programme, virées au Mexique et descentes dans les milieux louches pour découvrir la vérité sur ce crime. Quand la réalité rattrape la fiction…
Cette bande-dessinée est une plongée dans l’Amérique des années 50 alors en plein essor et où tout semble permis à condition d’aligner les dollars. La région où se déroule l’histoire, (la Santa Cruz Valley) est un ancien eldorado qui s’est avéré beaucoup moins viable économiquement que prévu (pas de trace de l’or ni du pétrole escomptés), mais rêve américain oblige, est devenue une zone de spéculation immobilière et touristique. Par la suite elle se transforme en petit paradis pour riches qui viennent s’encanailler, profiter de leur argent et d’une population locale que le dénuement rend servile, sans pour autant perdre son côté Far West.
Ambiance sombre, traits classiques mais classieux, couleurs pastelles, on se trouve embarqué dans un thriller qui éclaire les relations de classes pratiquées à cette frontière mexicaine qui reste toujours un sujet sensible à l’ère de Donald Trump.
Berthet et Fromental se sont fortement inspirés, pour camper leur personnage principal, de l’expérience américaine de Georges Simenon lorsque ce dernier a voulu découvrir l’Amérique de l’après-guerre (une extension de l’album permet d’ailleurs d’approfondir ce sujet). L’intrigue de cette BD polar, son déroulement, son rythme constituent un bel hommage au grand écrivain belge.
Dargaud - 15.99€
Un ordinateur appelé Teletraan 1 est réactivé au sein d’un vaisseau spatial qui s’est écrasé sur terre. A l’intérieur d’énormes robots géants, très endommagés, qui semblent avoir lutté avant la catastrophe. Deux jeunes humains, Carly et Spike, partis à l’aventure dans la montagne sur laquelle a eu lieu le crash se retrouvent alors au milieu du chaos : les robots géants, grâce à la puissance de Teletraan reviennent petit à petit à la vie mais tous ne semblent pas habité par le même état d’esprit. D’un côté les Decepticons, dont le leader Starscream prend la forme d’un avion de chasse, est prêt à tout pour semer la désolation sur terre, et en premier lieu réduire à néant l’autre faction de robots, les Autobots qui paraissent plus pacifiques. Mené par leur leader Optimus Prime, un superbe camion rouge et bleu, ils vont essayer de limiter les velléités de destruction des Decepticons et protéger les humains. Ces derniers dans un premier temps vont avoir du mal à différencier ces nouveaux arrivants et ne vont pouvoir qu’être les témoins d’une lutte acharnée pour l’énergie et les matières premières, ressources dont auront besoin des robots géants pour reconstituer leurs forces. Et la bataille ne fera alors que recommencer, en espérant qu’elle n’entraîne pas la destruction de la terre, comme ce fut le cas sur la planète natale des Transformers : Cybertron.
Reboot de la série originale, Transformers, pleins gaz ! c’est le plaisir de retrouver les robots ayant marqué les enfants des années 80 , avec un design tout droit sorti de cette époque. Pour l’histoire, rien de bien original, avec les « méchants » contre les « gentils » et des humains au milieu comme des fourmis fragiles, L’album vaut surtout pour son rythme d’enfer, son découpage des planches qui met en valeur les combats titanesques entre les deux camps irréconciliables.
Il plane sur ce premier tome une ombre menaçante : celle d’un robot appelé Megatron. Pas de doute que ce dernier jouera un rôle important dans la suite de la série !
Urban – 18 euros
Voici une BD sociale, qui fait réfléchir. Qui sont les ennemis du peuple ? Dans ce roman graphique, il est question exclusivement de conflits. L’action se déroule en Italie (mais pourrait très bien se passer en France en 2024) et comme dans beaucoup d’endroits, une usine qui risque de fermer, laissant sur le carreau des ouvriers désemparés, des migrants qui attisent les passions (bien souvent négatives) qui parle aussi de relations homme/femme compliquées. Qu’est ce qui provoque ces tensions, ce sentiment de dépréciation, de déclassement, qui donne peur quant à l’avenir, tous ces éléments qui finalement rendent la vie si difficile ? Au cœur de la BD, l’aspect culturel est aussi abordé avec la mise en abyme d’un auteur de BD qui peine à faire publier son travail, se heurtant aux diktats de la mode, de ce qui marche et bien souvent une approche qui n’apprécie que moyennement la singularité ou l’originalité. Suivre le mouvement ou ne pas le suivre ? Résister et se battre mais de quelle manière ?
Le travail proposé par les deux auteurs est donc tour à tour une critique acérée de l’individualisme, du repli intellectuel, de la facilité au détriment de la réflexion, des contre-feux qui éloignent des véritables raisons entraînant toutes ces difficultés : les disparités entre ceux qui n’ont rien, ceux qui pensent ne plus avoir assez et ceux qui favorisent cet état de fait et font tout pour que rien ne bouge.
Une histoire de profiteurs et de victimes, une histoire de société qui ne vit pas bien, une histoire qui se passe en Italie…mais qui reste universelle.
Glénat – 22.50 euros
« Bukowski, de liqueur et d’encre » se présente sous la forme d’un « Docu BD » et nous expose le parcours atypique d’un écrivain majeur et culte du 20ème siècle, Charles Bukowski, disparu il y a trente ans. De sa jeunesse au début des années 1920 dans une famille qui sous des aires du plus parfait « american way of life » cachait un père violent qui battait trois fois par semaine le jeune Charles, on voit évoluer la philosophie qui sera la sienne toute sa vie : il ne faut pas juste vivre, il faut bruler. Alors Charles va devoir tout de même survivre en enchaînant les boulots dont il se fera le plus souvent virer pour absence, alcoolisme et ou violence, mais parviendra tout de même grâce à « la poste » à avoir une certaine stabilité pendant des périodes plus ou moins longues lui permettant d’écrire et de développer son style. Il se servira d’ailleurs de ces expériences personnelles pour créer son alter ego Hank Chinaski et fortement influencé par son modèle John Fante, autre auteur américain culte, composera une œuvre basée sur le vécu, la seule façon pour lui d’assurer une authenticité et une légitimité devant ses lecteurs. Il sera aussi question de sa (non)gestion de l’alcool, de ses rapports plus que compliqués avec les femmes (un avertissement de l’éditeur au début de l’album nous prévient que certaines scènes contiennent des attitudes et des propos qui s’apparentent à de la misogynie, de l’hyper sexualisation envers les femmes et de l’homophobie ».
Le roman graphique se compose de grandes cases, maximum une demi-douzaine par page, qui se concentrent sur les protagonistes au dépend de l’environnement, pour se focaliser sur le récit biographique. Entre chaque période de la vie de l’auteur (jeunesse, galère, premier succès, reconnaissance publique…) s’intercalent des rappels documentés sur ce qui vient d’être présenté en dessin, avec même des conseils de romans, de films, pour mieux appréhender l’univers de Bukowski.
« L’écrivain, le poète, l’ivrogne, le vagabond…sa vie s’est écoulée à la manière d’un robinet qui fuit…un robinet qui n’a jamais su fonctionner correctement ». La publication proposée par l’éditeur Petit à petit donne tout de même une belle perspective à ce personnage hors norme, et malgré ses travers, ses mauvais penchants et une attitude qui lui vaudrait en 2024 minimum la prison, un être humain attachant de par ses névroses et défauts qui donne envie de lire ou relire son œuvre.
Petit à petit – 19.90 euros
Troisième et dernier tome de l’adaptation du roman de Pierre Lemaitre. Dans la continuité des deux premiers épisodes, cet album est très fidèle au roman originel et vient conclure cette histoire de cadre au chômage prêt à tout pour retrouver un emploi, un statut, une position sociale, quitte pour cela à franchir allègrement les lignes rouges et s’exposer à la vengeance de personnes beaucoup plus puissantes que lui. Mais peut-être pas aussi malignes…
Un album composé de nombreux plans rapprochés, comme pour essayer de pénétrer la psyché de Delambre, de ses complices, de ses ennemis, de sa famille, tous emportés dans le tourbillon qu’il a créé. Delambre évoque dans les dernières pages Pyrrhus, ce qui laisse imaginer l’issue de cette histoire de David contre Goliath et du coût que Delambre devra payer pour avoir voulu jouer dans la cour des grands.
Rue de Sèvres – 16 euros.
Après un tome 3 un peu en retrait, voici de nouveau une bonne fournée d’humour décalé avec ce nouvel épisode de la phrase devenue familière « Faut pas prendre les cons pour des gens », ce qui est, il faut le reconnaître, de plus en plus pertinent.
La recette ne change pas : des sketchs sur une page, le plus souvent des plans fixes dont seul le contenu des phylactères change, et pour le reste il ne reste plus qu’à aller puiser dans le quotidien. Et bien entendu en allant y chercher tout ce qui peut donner matière à l’ironie, à l’humour noir et à la dérision. Ainsi, avec le prix des matières premières qui flambent, doit on être surpris de voir un boulanger itinérant faire sa tournée dans un fourgon de convoyeurs de fonds ? Pourquoi lors d’un entretien à Pôle Emploi ne pas demander un emploi fictif…et l’obtenir ? Et que répondre à des chasseurs qui lors d’une rencontre avec un gendarme justifient les cartons réalisés sur les promeneurs sous couvert qu’il y en a bien trop et qu’il faut bien réguler leur expansion ?
Un bon retour à l’efficacité du premier tome, une BD parfaite pour rire de tout le potentiel humoristique que nous offre notre époque, ce qui n’est pas la première idée qui vient lorsqu’on y pense…
Fluide Glacial – 13.90 euros
Justin Fleuri De Saint Sauveur n’est pas une belle personne. Noble dévoyé du XVIIIème siècle, il profite de sa situation pour mettre à mal ses victimes, faisant souvent partie de la gent féminine. Libertin assumé, il se met en tête de vouloir ridiculiser un autre noble en cherchant à séduire, quoiqu’il en coûte et en faisant preuve de toutes les audaces son épouse. Mais à jouer les fiers à bras, il est possible également de s’égarer et surtout de s’attirer des inimitiés dévastatrices. Mais un homme de défi tel que Saint Sauveur ne peut que relever le gant !
Tout comme Perspective(s) de Laurent Binet paru chez Grasset, cet album est construit sous la forme d’un échange épistolaire entre Saint Sauveur et la mystérieuse Madame de M*** dont ce premier volume ne révèle pas l’identité. Le scénariste Alain Ayroles, a qui on doit déjà l’excellent titre « Les Indes Fourbes » paru chez Delcourt en 2019, nous fait donc raconter son histoire par son personnage principal, un anti-héros plutôt antipathique, qui se plait à se jouer des autres, à manipuler, humilier et se gargariser de ses exploits. Le dessin concocté par Guerineau resitue l’ambiance des salons versaillais et plus généralement de la noblesse du XVIIIème siècle, en parsemant l’album de quelques planches au contenu « explicite » qui rendent hommage au côté lubrique de Saint Sauveur.
Un premier tome d’une trilogie qui laisse entrevoir une suite plutôt dépaysante une fois la dernière page tournée. Son originalité tient au fait de s’appuyer sur un héro antipathique à souhait, retors et méprisable. « Vice d’un homme, vice d’un ordre, vice d’une époque », voici l’effarant portrait d’un malfaisant dont la réussite et la chance ne seront peut-être pas éternelles…
Delcourt – 22.95 euros
Voici de retour les vikings ! Alors pas des plus fringants, plutôt ceux dépassés par les évènements, avec toujours Lupano au scénario. La tradition, à savoir aller réaliser quelques expéditions punitives et revenir au bercail si possible couvert d’honneur et de butin, est toujours de mise mais de plus en plus difficile à réussir. Les temps changent et la notion de prestige aussi : lorsqu’on pouvait espérer épater la galerie en ramenant un bel otage (au hasard un membre ecclésiastique haut placé) et en tirer une rançon conséquente, il faut se rendre à l’évidence que ceci ne suffit plus. A présent, il faut faire dans l’exotique, s’orienter vers le sud (c’est-à-dire accepter de dépasser la Bretagne…) pour aller chercher le petit supplément d’âme qui redorera un blason qui a un peu perdu de sa superbe. Cela signifie aussi aller affronter le soleil, les températures élevées (au-dessus de 0…) et affronter de nouveaux adversaires qui ne se feront pas prier (leur propres Dieux d’ailleurs alors que tout le monde sait bien que c’est Odin qui présente le meilleur rapport qualité/prix !) pour mettre en difficultés des fiers guerriers qui ne sont plus au top de leur forme.
Toujours grâce à de petites saynètes de 6 cases, tout en suivant un arc narratif, le ressort humoristique tissé par Lupano avec Ohazar aux dessins (les cases sont remplies de petits détails subtils) fonctionne aussi bien que dans le premier tome. Le chef Arnulf doit s’accommoder des capacités plus que limitées de ses hommes tout en continuant d’assurer l’éducation « soldatesque » de son fils en gardant comme épée de Damoclès, sa chère moitié, et ce qui pourrait lui en cuir si jamais il arrivait malheur à son rejeton (bien peu intéressé par le maniement des armes ou de l’issue des combats sanglants).
Les petites histoires s’enchainent avec plaisir pour nous raconter une grande histoire plus subtile qu’il n’y parait, enchaînant les jeux de mots, les personnages attachants (mention spéciale à l’évêque qui a eu le malheur de croiser la route des belliqueux scandinaves) tout en apportant des réflexions sur la religion et le sens de la vie.
Un très bon album de BD humoristique, léger mais de qualité, prouvant qu’il est encore possible de faire passer des bonnes vibrations pour faire rire sans pour autant céder à la facilité et aux recettes réchauffées et insipides.
Dargaud – 14 euros
Zaroff est un être exquis : une sorte de dandy mondain, vivant dans d’importantes masures, qui aime s’exprimer par le biais de citations de Marc Aurèle, son maître à penser. Par contre, il a également une autre face, beaucoup plus aride, qui peut se résumer en trois verbes : traquer, trouver, tuer. Son histoire débute dans les années 1930, le comte Zaroff d’origine russe, chassé par la révolution de 1917, vit sur une île où il exerce avec délectation sa passion de la chasse. Avec si possible des proies humaines qu’il a su capturer après avoir favorisé leur échouage sur son île paradisiaque/horrifique. C’est donc ainsi que débute le premier tome, avec une chasse dont a été victime un dirigeant d’un clan irlandais de Boston et dont les héritiers vont chercher à venger sur la propre famille de Zaroff. Dans le deuxième tome, qui se déroule une dizaine d’années plus tard, c’est le gouvernement américain qui va chercher à s’attacher les services du sémillant comte pour participer à l’extradition d’une scientifique, accessoirement son ancienne compagne : une savante réputée dans le monde de l’atome, qui devra participer, de gré ou de force, en compagnie d’autres scientifiques huppés, à la mise en route d’un projet de « super bombe » pour mettre enfin un point final à la seconde guerre mondiale.
Que ce soit dans le premier ou dans le deuxième tome, on ne peut que rester ébahi devant le talent de Zaroff à mettre en place des stratégies et pièges pour assurer son instinct de tueur au sang-froid. Ce personnage diabolique (il aime à exhiber les têtes de ses victimes sur les murs de ses résidences…) est inspiré de la nouvelle « The most dangerous game » de Richard Connell paru en 1924 et adapté au cinéma en 1932 sous le titre « Les chasses du comte Zaroff ». Les albums resituent la violence de ce véritable stakhanoviste de la stratégie mortifère, à l’immortalité manifeste. Le premier tome se déroule sur une île luxuriante, peuplée d’animaux sauvages au milieu de ruines inconnues. Le second a pour cadre l’hiver russe et des scènes de combat intenses entre soldats allemands et russes. On ne peut que rendre hommage au sens du détail du dessin, que ce soit sur les visages (notamment lors des nombreux moments de douleur…) ou dans des décors extrêmement travaillés.
Zaroff, un anti-héros que l’on aime détester et qui prouve que l’on peut exceller dans l’art des citations tout autant que dans le maniement de l’arbalète !
Le Lombard – tome 1 : 16.95 euros, tome 2 : 18.45 euros.
Cet album paru en février 2023 partage le même thème que le roman de Marlen Haushofer intitulé « Le mur invisible » dans lequel une femme se retrouvait isolée de l’humanité, décimée par un mal mystérieux. Dans cette BD il ne sera pas question de mal autre que l’humanité elle-même, placée en situation d’extrême tension pour sa survie…mais aussi de quelques créatures d’origine inconnue. On rencontre au début de l’aventure Lino, parisien qui s’apprête à prendre son avion, l’attention entièrement tournée vers ses projets professionnels lorsque soudain l’apparition de la muraille va venir exploser (au sens propre) son quotidien. Il ne sera alors plus question que de trouver la nourriture susceptible de le faire tenir un jour de plus. En parallèle, nous suivons la progression d’un groupe de cinq personnes qui semblent maîtriser les conditions de survie dans ce nouvel environnement : en effet, ces derniers viennent du futur, enfin d’un futur, car les murailles en plus de cloisonner le monde, ont entraîné des fluctuations temporelles pour peu qu’on puisse traverser les brèches de cet obstacle. Le groupe est équipé d’appareils permettant de localiser ces failles et naviguent donc entre différents univers. Et bien entendu, comme dans tout bon récit apocalyptique/science-fiction, il n’y a pas que les gentils qui parcourent la terre désolée…
Ce premier tome laisse beaucoup de questions en suspens, sur cet univers à la fois familier mais aussi intriguant par ses fluctuations spatio-temporelles qui donne lieu à des visions (de Paris notamment) relativement cauchemardesques. Malgré un dessin des personnages et des arrières plans somme toute assez simples, l’aspect « design de jeu vidéo » donne une originalité à ce titre sur un sujet classique de la SF. Et l’occasion de se pencher sur « Le mur invisible » de Marlen Haushofer disponible en poche chez Babel.
Dargaud – 17 euros
Pour rembourser son prêt étudiant, Kate Beaton va travailler dans les mines de sables bitumineux au Canada. Loin de chez elle, de sa famille qu'elle ne veut pas inquiéter, elle ne parlera pas de son isolement, des horaires, de la dangerosité de cet emploi mais surtout, elle taira le harcèlement et le sexisme quotidiens au point qu'il lui faudra des années avant de libérer sa parole. Elle décrit, en dégradés de gris, un système fonctionnant en huis-clos, dans lequel les abus ne sont jamais dénoncés et sont concomitants de la domination sur la nature.
Entre journal intime et reportage, cet environnement toxique est un témoignage de plus montrant que l'emprise extractiviste de l'Homme s'accompagne inévitablement, rendement oblige, de violences envers les hommes et plus encore, envers les femmes. Avec beaucoup d'empathie et une force non dénuée d'humour, Kate Beaton nous plonge dans un univers industriel aliénant et destructeur. Remarquable.
Casterman - 29.95 euros
La couleur des choses a reçu le Fauve d’or (prix du meilleur album) au festival d’Angoulême 2023. Le jury ne s’est pas trompé en récompensant un album dont l’originalité ne peut pas être contestée. Dans cette « BD » de Martin Panchaud (même si le terme BD ne correspond pas véritablement à la réalité effective de l’objet), chaque personnage est représenté par un rond de deux couleurs. L’action se déroule en Angleterre, dans une famille populaire au sein de laquelle la mère (ronds bleu clair central, bleu foncé en périphérie) confectionne des gâteaux pour arrondir les fins de mois que son fils (ronds orange et marron) doit aller vendre (en évitant de se faire racketter par ses « camarades ») pendant que le père (ronds vert clair, vert foncé) s’adonne sans grand succès aux paris hippiques. Après les quelques pages d’adaptation au style de narration (la majeure partie des planches sont composées de vues de dessus avec parfois des dessins hors cadres habilement esquissés) c’est pourtant un thriller haletant qui débute sur fond de gros lot et de baleine! (ah oui, il faut se laisser porter !)
A découvrir de toute urgence pour une expérience de lecture particulière : on ne peut que féliciter l’originalité et la pertinence des dessins de l’auteur qui nous a concocté un récit bien loin de la farce pâtissière, au contenu détonant.
Ça et là – 24 euros
Ed Brubaker nous prévient dès l’avant-propos de l’album : ses bouquins jeunesse des années 70 sont toujours restés nichés dans un coin de sa tête. Avec le premier tome de Friday, qui en comportera 3, il donne libre court à sa hantise en nous proposant l’histoire intrigante de Friday Fitzhugh. Cette jeune fille de 18 ans revient à Kings Hill, une petit ville portuaire débordant de mystères aux échos surnaturels, dans laquelle elle a mené longtemps l’enquête avec son acolyte Lancelot Jones. Mais voilà qu’en grandissant, les deux amis se sont éloignés. Ils vont pourtant devoir retrouver leur complicité après qu’une chose étrange soit arrivée du côté de Crescent Rock : une mystérieuse Dame Blanche se présente comme adversaire de notre duo reconstitué. On peut légitiment penser à la série Stranger Things en tournant les pages de cette histoire qui nous entraînera dans des bois hantés aux créatures maléfiques.
Glénat- 19 euros
Glénat publie en cette fin d'année un magnifique et terrible album relatant l'histoire d'un naufrage et de la tragédie qui s'ensuivit pour les quelques rescapés. En introduction, Xavier DORISON, le scénariste, prévient: il est des situations dans lesquelles l'humanité, qui nous caractérise, disparaît, et nous sommes abasourdis face aux réactions et aux agissements des créatures qui n'ont plus rien d'humain. Ce phénomène de perte de l'empathie a été au coeur d'un des épisodes les plus fascinants de l'histoire maritime, ayant inspiré de nombreux auteurs*.
En 1629, la Compagnie hollandaise des Indes Orientales (la VOC) est la plus riche et la plus puissante des entreprises: c'est la première multinationale dont les bateaux sillonnent les mers, rapportant des richesses (des épices valant de l'or) des îles indonésiennes. Tellement riche qu'elle impose, à bord de ses navires un représentant, le subrécargue, chargé de surveiller le chargement et le bon déroulé du voyage, et surtout dont les pouvoirs le place au-dessus du capitaine du navire.
Le Jakarta (ou Batavia du nom de l'île de destination), un des plus gros navire de la flotte, appareille avec à son bord plus de 300 personnes dont une trentaine de femmes, un équipage issu des bas-fonds d'Amsterdam, le capitaine Jakob, le subrécargue Francisco Pelsaert recruté par la VOC pour réussir l'exploit de rejoindre leur destination en 120 jours et son second, le sombre et tortueux Jeronimus Cornelius, apothicaire ruiné doublé d'un esprit imprégné des idées hérétiques qui se répandaient aux Pays Bas en ce début de XVIIème siècle. Le bateau est secrètement, mais pas suffisamment, chargé de richesses immenses pour financer des opérations commerciales dans les comptoirs de la Compagnie, richesses qui excitent les imaginations et les convoitises.
Et au centre de cette histoire, il y a une femme, Lucrétia Hans, montée à bord à la suite d'une tragédie personnelle pour rejoindre son mari qui l'attend aux Indes. Accablée, sans espoir, elle suscite cependant une rivalité entre les hommes à la tête de l'expédition pour attirer ses faveurs. Argent, pouvoir et jalousie seront le terreau de la mutinerie qui s'organise. Le voyage devient invivable, la mégalomanie et la paranoïa de Cornelius contribuent à la dégradation de l'ambiance jusqu'au cauchemar: le naufrage sur des rochers hostiles et désolés au large de l'Australie ressemble presque à un dénouement...
Le tome II retracera ce qu'il va advenir des quelques 200 survivants du naufrage et des précieuses caisses de la Compagnie.
Une BD magnifiquement illustrée par le travail de Thimothée Montaigne qui sait rendre toute la noiceur des personnages et les conditions ahurissantes de navigation à bord de ces navires sur lesquels les lois des dirigeants sont appliquées de façon brutales et inhumaines.
Glénat -35 euros, parution 16 novembre
* Simon Leys "Les naufragés du Batavia" (Points Seuil), Mike Dash "L'archipel des hérétiques" (Libretto), Marc Biancarelli "Massacre des innacents" (Actes Sud), Colin Thibert "Torrentius" (J'ai Lu), Philippe Godard "La tragédie du Batavia" (L'Harmattan) et les 3 tomes de la BD "Jeronimus" (Futuropolis)
Cette BD narre l'épopée d'une jeune femme, deuxième fille du roi Arthur qui a bien mal vieilli: il est devenu alcoolique et tyrannique. Quand il annonce à Ysabelle qu'il la donne en mariage à un vieux baron libidineux, elle s'empare de l'épée magique créée par Merlin (celle-là même qui avait fait de son père un héros en lui permettant de repousser les démons) et elle s'enfuit.
Elle cherche à retrouver sa sœur (qui a fugué également): elle lui a décrit, dans ses lettres, la vie dorée qu'elle mène dans une ville éloignée du château paternel. Le baron, flanqué d'un monstrueux valet, se lance alors à sa poursuite.
Réécriture d'une légende arthurienne à la sauce fantasy, dans un univers drôle et inquiétant, cet album raconte surtout l'histoire d'une émancipation, d'une jeune femme qui cherche sa place dans une société patriarcale. Et quel plaisir de ne pas avoir affaire à une princesse nunuche: celle-ci a du caractère, le fait savoir et ses défauts comme ses qualités en font un personnage dont la normalité séduit, le tout servi par un dessin et des couleurs énergiques.
Dargaud - 25.50 euros
Deuxième numéro de Lowreader du Label 619 chez Rue de Sèvres et autant dire qu’on ne change pas une équipe qui gagne. Toujours des histoires « réjouissantes », ayant pour point commun un sujet assez costaud et qui débutent relativement calmement avant de s’épanouir dans un déferlement d’hémoglobine et de cases débridées où l’horreur n’est pas très loin…voire très proche. Ce sont ainsi trois récits qui nous sont proposés dans ce nouveau recueil ; le premier nous entraine dans les rues d’une ville qu’on peut imaginer être Manille à plus ou moins long terme (si ce n’est malheureusement pas déjà la situation actuelle…) dans lesquelles de jeunes enfants, devenus adultes avant l’heure, survivent en servant de mules aux trafiquants de drogues dures qui viennent ravager la population des ultra-pauvres, déjà fortement impactée par la pauvreté, la saleté et la misère. Le second nous plonge dans l’univers, feutré, ultra-policé de la K pop, cette branche coréenne de l’industrie musicale, qui cache derrière ses clips chorégraphiés et ses mélodies dansantes un côté beaucoup plus sombre. Cupidité des producteurs, harcèlement des réseaux sociaux qui font et défont les carrières, la vie n’est pas douce lorsque l’opinion a décrété que vous ne correspondiez plus à ce qu’elle attend de son groupe fétiche. Enfin le dernier nous amène sur une petite route du Canada, sur laquelle une jeune fille « autochtone » s’engage pour faire du stop et se rendre chez des amis. Elle ne semble pas perturbée par le fait que cette route soit très connue pour le nombre inquiétant de disparitions qu’elle semble provoquer…et pourtant.
La direction artistique toujours assurée par Run permet de rester fidèle à la ligne conductrice de ce qu’il pouvait déjà publier dans « feu » Doggybags. Les histoires sont toujours aussi dynamiques et nerveuses, elles abordent des sujets variés par le biais de la violence, sans pour autant rester uniquement à ce degré de lecture. Ainsi, chaque récit est accompagné d’un texte contextualisant ce qui vient de nous être évoqué par dessin et apportant un éclairage enrichissant. Tout ceci laissant à penser qu’il est encore possible de se divertir sans pour autant mettre au point mort son cerveau…
Label 619 – 14.90 euros
Au milieu des années 1990, Lavrine et Slava se sont associés sur les ruines de l'URSS profitant de toutes les opportunités pour s'enrichir. Slava, artiste peintre qui a connu un petit succès, n'a plus l'inspiration et n'espère plus que se faire de l'argent facile mais il n'a pas l'âme d'un trafiquant et sa conscience le taraude contrairement à son acolyte pour qui tout se vend et, en particulier, les lambeaux luxueux de l'empire effondré.
Alors qu'ils trouvent refuge dans un palais abandonné, squatté par Nina, une jeune femme qui vient de les aider lors d'une attaque de brigands, Lavrine ne peut s'empêcher d'y voir une chance supplémentaire de s'enrichir: récolter de l'argent et trouver des investisseurs véreux est chose aisée grâce à son réseau...enfin, à ce qu'il dit.
Pierre Henry Gomont, auteur des magnifiques albums Pereira prétend et Malaterre, lauréats du Grand Prix RTL de la BD en 2016 et 2018, s'intéresse aux peuples de l'ancien bloc soviétique, à ce qu'ils ont vécu après la chute de l'URSS, effondrement, renversement de valeurs, sauve qui peut, foire d'empoigne.
À travers la destinée de deux pieds nickelés emportés dans les soubresauts de l'Histoire, premier tome d'une future trilogie, Slava brosse le portrait d'un pays déboussolé en proie à la nostalgie du passé communiste. Une vieille utopie toujours présente dans les esprits, liant dans une camaraderie inaltérable la population malheureusement confrontée à l'appétit insatiable et à la roublardise de quelques oligarques prêts à dépecer la Russie.
Un bel album intelligent et aux illustrations très réussies,toutes en mouvement ,qui éclaire les années Eltsine et donne à réfléchir aux récentes évolutions de cet empire déchu.
Dargaud - 20.50 euros
Troisième et dernière partie de l’imposant travail sur lui-même de Jean Eudes de Cageot-Goujon, aka Manu Larcenet dans sa quête pour retrouver les sommets de la BD mondiale. Pour cela, et de nouveau, il ne va reculer devant rien. Tout d’abord, il tentera l’introspection et se plongera dans les gouffres des réflexions profondes (« ce n’est pas le chemin qui est difficile mais le difficile qui est le chemin »). Ensuite, ce seront ses enfants, devenus grands, à qui il essaiera de dérober leurs quotas « d’idée du siècle » (car oui il parait que c’est dans l’ADN toute cette histoire) pour de nouveau briller sur les plateaux télé et à la une des revues spécialisées. Cependant, il devra se rendre à l’évidence que cela ne suffit pas et que l’époque est à la BD engagée (et si possible à haute teneur féministe) et aux « romans graphiques sans concessions sur le terrain ». Cette fois, c’est du soutien de sa compagne qu’il sera question, mais pas facile d’obtenir un résultat mirobolant quand il faut s’inspirer d’une activité de vétérinaire en milieu rural (si ce n’est la difficulté de retranscrire la beauté émotionnelle de la rencontre abrupte entre un teckel et une bétonnière…). Manu devra se résoudre en dernier ressort à ne compter finalement que sur sa propre capacité à reconvoquer son génie du 9ème art ; il rencontrera ainsi de manière onirique (où est-ce un effet indésirable du « zanax » ?) un grand peintre torturé du 19ème siècle avec qui il pourra palabrer sur les principes incontournables lorsqu’on veut jouer dans la cour des grands artistes.
Une fois de plus, la patte de Manu Larcenet fait mouche et démontre sa capacité à naviguer avec aisance dans les différents courants de la BD (à noter un passage bluffant dans l’univers manga qui aurait fière allure dans n’importe quel shonen). Sa capacité à se tourner en dérision est toujours aussi efficace, que ce soit lorsqu’il insiste « beaucoup » sur son physique ou « beaucoup » sur son mental défaillant.
Une très bonne fin de série qui prouve que malgré ses dires, Manu Larcenet reste un acteur majeur de la BD en France, capable d’autodérision, tout en distribuant quelques petits coups de crayons bien sentis au milieu de la BD, de ses travers et de ses petites facilités éditoriales…
Dargaud – 16 euros.
Ambiance très « The Big Lebowski”, le film mythique des frères Cohen, dans cet album publié chez Denoël Graphique. Au lieu d’un tapis, mystérieusement disparu (alors qu’il meublait bien la pièce) qui vient troubler la vie harmonieuse du Duc, il est ici question d’un chien qui apparaît de manière abrupte dans la vie de César, un quinquagénaire américain qu’on imagine assez disponible lors de ses journées. D’où vient ce chien et surtout comment s’en débarrasser ? Car oui, César ne semble pas avoir beaucoup la fibre animaliste, plus inquiété par son bras gauche qui refuse de fonctionner normalement depuis quelques temps. Il sera rejoint dans sa quête par Alex (qui fait beaucoup penser à Walter Sobchak du film des frères Cohen toujours) et qui ne cesse de bassiner les personnes avec ses étranges rêves dans lesquels Le King Elvis s’adresse à lui…Cette histoire de chien perdu, au demeurant banale, va tourner un peu plus au tragique lorsque les deux compères vont apprendre que l’ancien propriétaire de l’animal vient de périr de manière tragique dans l’incendie de sa propre maison, le crâne défoncé ante mortem…
On sent une grande influence « américaine » dans le travail réalisé par l’auteur de Hound Dog, que ce soit avec ses plans très cinématographiques ou son histoire plongée dans une torpeur intemporelle, avec ces anti-héros losers à souhait, plus maladroits et paumés que méchants.
Une très bonne découverte qui dépeint une américain résignée pour laquelle même Elvis en personne ne peux plus grand-chose.
Denoël Graphic – 24.90 euros
Derrière les noms de Peter Grump et des Sauvages animaux, utilisés dans cet album, se cachent ceux de Peter Grant et Led Zeppelin soit le manager musical et le groupe de rock le plus marquant des années 70. Les auteurs Johan DE MOOR et Stephen DESBERG ont choisi l’angle original de la fausse biographie, fortement inspiré de Grant et du groupe anglais, en les représentant sous forme d’animaux ! Le choix de l’ours pour Grump est plutôt cohérent tant Grant avait une stature impressionnante, dont il savait se servir lorsque des négociations n’allaient pas suffisamment dans son sens. Les membres du groupe sont eux aussi incarnés par des bêtes sauvages (quoi de mieux qu’un lion pour jouer le rôle de Robert Plant ?) tout en côtoyant d’autres personnages qui eux sont toujours « humains ». Les grandes étapes du groupe sont abordées, des premiers pas jusqu’au succès mondial, marqué par des secousses et des sorties de piste que même Grump/Grant avait bien du mal à canaliser, jusqu’à la disparition tragique de ce zèbre de John Bonham qui mit fin à la belle histoire. Entre temps, de nombreux concerts eurent lieu, les scandales de tout genre presque aussi nombreux et surtout également une dimension pécuniaire loin d’être négligeable. Grant a été l’un des managers des plus influents de l’histoire du rock, qui savait se faire respecter à la fois par les artistes mais aussi par les maisons de disque.
Comme le mentionne la quatrième de couverture, cette BD nous propose un récit jubilatoire, pop et allumé, au cœur des années 70, très librement inspiré de la vie du manager au allures de mammifère plantigrade mais certainement pas très éloignée de la réalité…
Casterman – 19 euros
Les pirates sont souvent présentés comme de dangereux bandits, alcoolisés, sans foi ni loi, belliqueux, faisant régner la terreur sur les mers et ruinant la vie des braves marchands européens en attaquant sans vergogne leurs précieuses cargaisons. Cet album, dans son introduction et sa conclusion finement documentés, donne un axe de lecture différent. Les pirates étaient surtout des « victimes » de la fin des guerres entre nations européennes, pendant lesquelles ces derniers avaient servi sur les navires de guerre et se retrouvaient du jour au lendemain sans ressource et inadaptés à une vie « classique ». Restant cependant fortement attachés à un code d’honneur, ayant recours à la démocratie participative pour régler les différents ou prendre les décisions sur leurs vaisseaux, ces hommes ne pouvaient pas se résumer aux brutes épaisses et sanguinaires tels qu’ils ont été caricaturés dans les romans ou films de pirates.
Mais la violence faisait tout de même partie de leur quotidien et c’est ainsi que début notre histoire de La République du Crâne, quand le capitaine Sylla, doté d’un charisme à toute épreuve, épaulé par son quartier-maître Olivier de Vannes, très à l’aise dans la navigation, prennent le contrôle d’un navire de la Navy anglaise et soumettent son équipage. Sylla donne néanmoins la possibilité aux vaincus du jour de rejoindre les rangs des pirates, ce qu’ils acceptent sans beaucoup d’hésitation tant le comportement de leurs supérieurs à leur égard était exécrable. Le navire capturé a donc besoin d’un nouveau capitaine et il est alors temps pour Olivier de Vannes d’en prendre le commandement. Le fraichement promu capitaine va rapidement devoir endosser son rôle de leader, de décideur quand il va se retrouver devant une frégate battant pavillon portugais dans un bien triste état. Paraissant abandonnée, il va découvrir à son bord un équipage et une personnalité qu’il était bien loin d’imaginer. Et remettre en cause peut être son mode de raisonnement.
Un très bon album, avec des pleines pages de combats et des plans originaux axés souvent sur les regards et expressions des combattants, loin des clichés sur le fond et agréable à la lecture. Des personnalités charismatiques dans un scénario qui aborde les préceptes d’honneur, de liberté. Une portée philosophique également sur la notion de servitude et sur la façon dont ces hommes intrépides se l’étaient appropriée : « mourir libre la corde au cou plutôt que vivre les fers aux poings ».
Dargaud – 25 euros
Tout a commencé un soir d’été et d’ennui devant la télé. Dans son appartement du quatrième étage, Ben recevait comme souvent la visite de Zara, la chatte de l’appartement voisin, agile félin habitué à franchir le vide entre les deux balcons pour venir profiter du sofa. Or, ce soir-là, Zara a eu la malheureuse initiative de griffer de manière assez sournoise le dévoué Ben qui ne méritait très certainement pas telle sanction pour des caresses prodiguées avec application. Le lendemain matin, quatre étages plus bas, la sidération a été de mise. Et notamment pour la gardienne qui a commencé à vouloir établir des hypothèses. Pénible du coup. Par la suite il y a eu la conseillère pôle emploi, qui préfère boire de cafés avec ses collègues plutôt que d’honorer de manière sérieuse les rendez-vous pour lesquels elle est payée et auquel Ben assiste contraint et forcé, motivé en ce sens de manière assez pressante par Christine, sa compagne, qui souhaiterait bien avoir « enfin » une vie normale avec travail, maison, enfant et sérénité. Agaçant. Donc Ben en a eu assez. Il a décidé de se faire justice. Des hommes, des femmes, des animaux, des représentants de l’ordre, des « trop biens comme il faut » des « trop mal polis », Ben a été entrainé dans la frénésie et a trouvé le dénominateur commun à toutes ses victimes : DES CONS !
Les 132 pages de cet album nous donnent l’occasion de suivre le parcours singulier de Ben dans sa croisade anti-cons, qui au-delà de la satisfaction physique, passera également par une fine analyse de la perception de la connerie, les raisonnements flirtant allègrement avec la sociologie voire la philosophie.
BD au trait soigné avec une mention spéciale aux visages dont les expressions peuvent suffire à résumer les postures des différents personnages, un très bon moment de lecture plus profond qu’il ne paraît. Alors faites comme Zara : plongez* (dans la chasse aux cons** !).
*Ce n’est pas un très gros « divulgâchage », la scène intervient page 6 et il en reste donc 126 !!!)
**Hasard du calendrier, ce compte rendu est réalisé le jour où un footballeur défraie la chronique pour avoir frappé son animal de compagnie : un chat. Etonnant, non ?)
Editions Jungle – 18.95 euros
Franz Kafka est connu comme étant l’auteur, entre autres, du chef-d’œuvre « La Métamorphose » dans lequel un homme se transforme progressivement en blatte devant les yeux médusés des membres de son foyer, afin de manifester sa résistance à la société et ce qu’elle veut qu’il devienne. Cet album est l’adaptation d’une nouvelle moins connue de l’auteur qui consiste à inverser le processus de la Métamorphose, avec un singe qui en cinq années va petit à petit se changer en homme et intégrer la grande société humaine. C’est devant un parterre de spécialistes qu’il va se présenter et tenir une conférence organisée par l’Académie des Sciences pour expliquer son parcours et son incroyable expérience.
Cet album dégage une ambiance très début 20ème siècle (l’action se déroule en 1905) dans une atmosphère bourgeoise et collet monté, qui tranche avec ce personnage de singe transposé dans le beau monde. Ce dernier va décrire la façon dont il a été capturé, ramené à la civilisation par les hommes et surtout son état d’esprit, tenant plus de la survie à tout prix plutôt qu’une véritable volonté délibérée : « je ne trouvais pas d’attrait à imiter les hommes. Je les imitais parce que je cherchais une issue, pour aucune autre raison. » Il s’est donc plié à leurs jeux, à leurs moqueries, parvenant à mimer leurs manières jusqu’à faire illusion.
Il vient donc s’exhiber devant ces hommes, subjugués par son éloquence, démontrant ainsi son incroyable intégration et sa réussite à faire partie d’une communauté. Il a pour cela du s’accommoder des bons et mauvais côtés de la nature humaine. A tout prix. Et peut-être même celui de se perdre en cours de route…
Un beau roman graphique philosophique avec plusieurs angles de lecture dans lequel on trouve ces citations ouvrant des champs de réflexion infinis : « on est tous le monstre de quelqu’un », « on ne naît pas homme, on le devient », « l’humanité est une entreprise surhumaine ».
Dargaud – 19.99 euros
Connu pour ses séries « Le scorpion » ou « Les aigles de Rome », Enrico Marini nous propose en cette fin d’année un polar plein de séduction. Slick est un truand, plutôt dandy et beau gosse, qui a raté un casse et qui doit encore beaucoup d’argent à son commanditaire, un chef de la mafia irlandaise de Philadelphie. Il s’agit là de son premier problème, le second se matérialisant sous la forme d’une superbe créature, Caprice, une plantureuse danseuse de boîte de nuit, qu’il a bien connue par le passé et qui projette de se marier avec son boss mafieux. Slick, qui est plutôt grande gueule et sanguin, ne se résout pas à s’en laisser conter et à accepter d’échouer piteusement devant ces deux écueils. Il va donc les affronter comme il sait le faire : frontalement.
Il s’agit donc d’une histoire d’amour/haine teintée de violence, de trahison et de rédemption que nous distille ce premier volume de Noir Burlesque (deux tomes sont prévus). Dans un album tout en gris et blanc, parfois déchiré de rouge (comme la chevelure éclatante ou les robes chatoyantes de Caprice mais aussi les traînées de sang…), Marini nous offre de sublimes expériences dans des bars obscures, des arrières salles enfumées et des scènes de burlesque (d’où le titre) dont émanent un glamour et une pulsion de vie indéniables.
Une très belle entrée en matière que ce premier tome de Noir Burlesque, un dessin magnifique, un choix esthétique parfait au service d’une histoire sombre, nerveuse et sensuelle au cœur des années 50 fantasmées.
Dargaud – 18 euros
Une femme est assassinée dans un hôtel parisien. Par qui et pourquoi? L'enquête débute et de nombreux personnages se croisent autour de ce corps : médecin, comédien, rappeur, petites frappes, sans-papiers, flics à la dérive...Toutes ces vies bancales, plus ou moins impliquées, s'entremêlent dans ce roman graphique noir saisissant.
Préfacée par Cédric Klapish, cette BD aux traits légers et épurés, sans case, nous plonge dans les sombres dédales de cette suite qui suit les ondes de choc du drame. Ce dernier a des répercussions sur la vie des personnages et nous apparaissent comme autant d'indices, de morceaux de puzzle pour déméler peu à peu l'écheveau de l'intrigue.
Même s'il est beaucoup question de viande hachée les végétariens peuvent lire cette histoire et oui d'autres personnes que moi sont capables de commander un menu végé dans un kebab!
Gallimard BD - 29 euros
Joe et Amédée sont deux voisins retraités. Le premier, Joe, est capable de raconter une multitude d’histoires plus trépidantes les unes que les autres. Depuis sa naissance à Madagascar, il a connu l’Indochine, l’opium et les traquenards les plus alambiqués. Il aime à parler de sa vie comme s’étant inspirée des récits de « Pinpin », les illustrés que lui offrait son père. Le second, Amédée ne peut qu’écouter de manière admirative et subjugué les récits de son ami. Sa carrière de notaire de province ne lui a pas donné les mêmes perspectives romanesques. C’est donc avec délice que les deux hommes partagent leurs soirées, pleines d’anecdotes et de rhum. Mais un jour, Joe vient à disparaître et Amédée se voit obligé de sortir de sa routine et à son tour de prendre la route, découvrant une nouvelle facette que son précieux ami s’était bien caché de lui montrer.
Sylvain Vallée, dessinateur reconnu notamment pour la série « Il était une fois en France » (l’histoire du controversé Joseph Joanovici), nous propose avec Mark Eacersall au scénario un road-trip émouvant racontant l’amitié entre deux hommes que pourtant tout oppose. L’un flamboyant et charismatique, l’autre casanier aux fortes tendances hypocondriaques. Et pourtant Amédée, ce paisible notaire en retraite, va faire preuve d’une abnégation digne des plus grands limiers et mener son enquête, à en devenir lui-même un personnage digne des récits de son ami Joe.
Une belle bande-dessinée, avec des rebondissements et de bons passages humoristiques qui font penser à la série « Les vieux fourneaux ». Et une fin toute en sensibilité et mélancolie.
Glénat – 19.50 euros
C’est Honoré de Balzac lui-même qui nous accueille dans les premières pages de ce roman graphique. Il nous avoue s’accorder une petite récréation, un petit plaisir avec en tête de rendre hommage à Rabelais. Car des plaisirs et de la truculence, il va bien en être question dans les quatre histoires adaptées par Paul et Gaëtan Brizzi, une sélection parmi les 30 contes écrits par Balzac à partir de 1832. On retrouve ainsi des ecclésiastiques tourmentés par la chair, une mise en situation quant à la différence entre le péché mortel et le péché véniel, une démonstration que la jalousie peut avoir des retombées tragiques et enfin que le diable ne se cache pas uniquement dans le détail…
« Les contes drolatiques » est un très beau roman graphique, en noir et blanc, proposant un trait fin et détaillé, certains dessins pleine page rappelant les anciennes illustrations que l’on peut trouver dans les livres d’histoires. Il s’agit plutôt de farces et de situations rocambolesques, derrières lesquelles on peut tout de même trouver des petites saillies envers l’hypocrisie des puissants, de l’Eglise et plus généralement de la société du XVème siècle.
Bien loin du père Goriot ou d’Eugénie Grandet, suivons le conseil avisé d’Honoré, toujours dans l’introduction de ce recueil de polissonneries légères, récréatives, superbement illustrées : « le rire semble n’appartenir qu’à l’enfance et à mesure que nous voyageons, à mesure que nous vieillissons, celui-ci s’éteint et dépérit comme l’huile d’une lampe. Donc épargnez-moi vos médisances et lisez ceci plutôt à la nuit que pendant le jour…et ne mettez pas ce livre entre toutes les mains car il pourrait prendre feu ! »
Futuropolis – 21 euros
Nouvel album de la série de Lapinot après que l'auteur ait décidé de ressussiter son personnage principal.
Une histoire "classique" de cette série avec un Lapinot toujours tourmenté, bien souvent perdus au milieu de questions existencielles qui le taraudent qui vont l'amener à couvrir le secret d'un de ses proches tout en essayant de ménager la carte sentimentale avec sa nouvelle dulcinée.
Une fois de plus, c'est le personnage de Richard qui sort du lot, faisant preuve d'arrogance, de mauvaise-foi à toute épreuve et jouant le rôle du parfait semeur de trouble dans l'existence policée de Lapinot.
Un album dans la continuité de la relance du personnage fétiche de Lewi Trondheim, ouvert sur l'actualité (il est question de pandémie, de cause environnementale) et qui dévoilera également les secret d'enfance de son personnage principal et notamment la raison qui le lie à son fidèle (et tellemment pénible) acolyte Richard.
L'association - 13 euros
Dix ans après la fin de la première guerre mondiale, les nations ne s’affrontent plus à coup de baïonnette ou de gaz moutarde. En 1928 ont lieu à Amsterdam les jeux olympiques d’été avec comme exergue les mots de Pierre de Coubertin envisageant l’évènement comme « le culte de l’honneur et du désintéressement qui permettra à l’athlétisme de faire œuvre de perfectionnement moral et de paix sociale (…), citius, altius, fortius ! ». En 1956, Alain Mimoun remporte le marathon aux JO de Melbourne et va jusqu’à sa mort en 2013 être connu et reconnu pour cet exploit. Mais qui se souvient de El Ouafi Boughéra, son précurseur de l’entre-deux-guerres ? Modeste ouvrier chez Renault, ayant grandi dans un pays, l’Algérie Française, où l’échelle sociale était bien difficile à gravir, il va connaître une gloire très éphémère, toucher du doigt quelques dorures et lumières après son exploit avant de disparaître tragiquement dans des circonstances sombres en pleine guerre d’Algérie.
Cet album aborde uniquement les 42.195 kilomètres de l’épreuve et se découpe comme un véritable storyboard du film qui aurait pu être réalisé pendant la course si les moyens techniques de l’époque l’avaient permis. Les corps et les mouvements sont esquissés dans des dégradés de rouge, peut-être pour rappeler la couleur de la piste d’athlétisme et les champs de tulipe traversés par les coureurs, et de bleu, comme celui du maillot français arboré par le jeune athlète né 30 ans auparavant à Ouled Djellal. Très peu de dialogue mais des pleines pages d’effort, de plans serrés sur les jambes des coureurs avec les points de passages comme indicateurs de l’avancement dans leur souffrance jusqu’au fil de laine matérialisant la fin de la course.
El Ouafi Boughéra ne faisait pas partie des favoris, il était même moqué par les observateurs avisés de l’évènement. C’est pourtant lui qui parvint à supplanter les spécialistes de l’époque, avec comme moment de grâce ultime cette dernière foulée avant de franchir la ligne, immortalisée par une photographie présente dans l’excellente postface de l’album. Une sorte d’apogée avant l’oubli : honneur et désintéressement, les mots de Coubertin respectés au pied de la lettre…Nicolas Debon fait quant à lui œuvre de mémoire en lui rendant un bel hommage par le biais de cette superbe bande-dessinée.
Dargaud – 19.99 euros
Tout le monde connait les Misérables. Enfin tout le monde pense connaître les personnages principaux du chef d’œuvre de Victor Hugo : Jean Valjean, le forçat repenti, Cosette, la petite orpheline, les odieux Thénardier. Alors, autant prévenir, dans la version de Salch, ces personnages ont subi quelques petites évolutions : Jean Valjean a volé un écran plat chez Monseigneur Myriel en lieu et place de l’argenterie, Cosette comme toutes les ados est scotchée à son portable et les Thénardiers tiennent le camping de Montfermeil, le paradis des rodéos exécutés en Yamaha YZ 125. Vous l’aurez deviné, tout en restant fidèle à l’œuvre originale, Salch s’est autorisé une petite mise à jour dans ce récit dont la « voix off » est assurée par un rat prénommé…Victor ! Seule entorse au roman originel, un épilogue que l’auteur originel n’avait peut-être pas envisagé…
Avec un trait se rapprochant très fortement des dessins de Vuillemin (Sach est un habitué également de l’équipe Fluide Glacial), c’est une vision très personnelle de l’auteur qui nous est proposée, pleine de décalage et parfois de mauvais goût, ce qui pourra peut-être choquer les puristes de l’œuvre originale. Cependant l’esprit reste le même : une critique sociale remise au goût du jour avec des personnages outranciers, excessifs, peut être à l’image de notre époque.
Quoi qu’il en soit, il est très plaisant de voir déambuler Jean Valjean sur sa moto, qui le fait ressembler à Gérard Depardieu dans le film Mammouth de Kervern et Delepine, et puis surtout l’occasion de rire, ce qui n’était peut-être pas la fonction première de la version publiée en 1862 !
Glénat – 29 euros
Cette BD s’avère une très bonne alternative à une biographie « traditionnelle », car efficace et simple, elle va à l’essentiel pour retracer le parcours artistique et la longue carrière de Leonard Cohen. Outre ses débuts en poésie, sa percée tardive dans la musique (à l’orée des années 60, il passait déjà pour un ancien…) et son talent de compositeur, ce sont surtout ses rencontres (bonnes et mauvaises) qui sont mises en avant dans cet album. Ainsi, on croise au fil des pages les grands noms des années 60/70, surtout des femmes d’ailleurs, Léonard Cohen ayant eu un certain succès avec la gent féminine, comme Joan Baez, Janis Joplin, Nico. On rencontre également d’autres compositeurs comme Lou Reed ou John Cale, mais aussi des producteurs avec notamment le déjanté Phil Spector et ses séances d’enregistrement épiques qui pouvaient se terminer à 8h du matin après avoir joué et rejoué le même morceau des centaines de fois tout au long de la nuit.
Intéressant également de voir la vie dissolue de l’artiste, véritable pharmacie ambulante, plusieurs fois annoncé mort artistiquement parlant mais aussi physiquement. Jamais véritablement à la mode, pas très bon businessman (c’est le moins que l’on puisse dire puisqu’il se fera souvent flouer dans sa carrière et notamment par son agente/épouse, l’amenant à remonter sur scène à plus de 75 ans) il est néanmoins parvenu à créer des titres intemporels, passés à la postérité comme « I’m your man » ou « Suzanne ». Capable d’autodérision, doté d’un humour pince sans rire sans œillères quant à sa carrière (lors de son intronisation au Rock’n roll Hall of fame en 2008, il prononça la phrase « j’ai vu le futur du rock’n roll….et il ne s’appelle pas Léonard Cohen ! ») ses textes demeurent, faisant l’objet de reprises parfois plus reconnues que les originales comme le titre Halleluja sublimé par Jeff Buckley dans les années 90.
Un trait simple, beaucoup de dialogues, cette BD constitue une galerie de personnages étendue et une excellente entrée en matière pour toute personne souhaitant obtenir une vision d’ensemble de la carrière de l’artiste canadien décédé en 2016. Et pourquoi pas se replonger dans sa discographie qui reflète son univers poétique teinté de spiritualité.
Casterman – 20 euros.
Le roman photo a connu sa période de gloire en France entre la fin de la deuxième guerre mondiale et le milieu des années 70. Les plus grandes « vedettes » étaient alors dépêchées pour participer à l’exercice de poses artistiques également souvent assez sportives. Rapidement, ce média a donné l’envie à certains d’exploiter sa puissance comique en détournant le texte des phylactères ou, comme le faisait le Professeur Choron entre autres, en exploitant le potentiel de ridicule de certaines scènes. Car la capacité de détournement de ce support est véritablement exponentielle et c’est donc dans cette grande brèche que s’est engouffrée avec volupté Clémentine Mélois.
En utilisant des supports très marqués années 70, elle laisse l’absurde et le décalage faire son œuvre dans des histoires qui, à n’en pas douter, devaient déjà avoir un intérêt scénaristique indéniable avant d’être détournées. L’art moderne, le milieu de l’entreprise et surtout « l’art de faire des phrases » se révèlent sous nos yeux qui brillent. Des déclarations d’amour entièrement constituées de paroles de chansons de variété, de la novlangue qui distribue sans vergogne les irritants « pas de souci/genre/javou », l’auteure sait appuyer sur ce qui titille la langue française et se veut également une critique de notre joli petit monde. Roland Barthes est même convié à la fête, arborant pour l’occasion une moustache/calvitie digne de Jean-Claude Dus dans les bronzés.
« Des mots, de l’actions, de la lascivité, du suspense, tellement réaliste qu’on peut presque toucher les larmes » nous annonce la quatrième de couverture. Ah qu’il eut été agréable de lire ce type d’ouvrage à l’arrière d’une R12 Brake, avec C Jérôme dans l’autoradio à cassettes, en route pour faire des provisions au Record de La Grande Motte au milieu du mois de juillet…Chienne de vie, chienne d’époque.
Editions du Seuil – 14.90 euros
Rien ne va plus dans la vénérable société Maharadchat. Auparavant, fleuron de l’industrie de la nourriture pour chats, même la recette spéciale pour Noël à la dinde et aux marrons n’a pas permis de redresser la barre. M Berdemol, le directeur, en a pris son parti. A présent, ce qu’il veut c’est que tout s’arrête et qu’il puisse se consacrer à sa véritable passion, le vin (car la terre, elle, ne triche pas). Désiré Bignous, lui du vin, il ne veut plus en entendre parler. Marre de s’entendre appeler « L’ami Déchiré » à longueur de journée, cette cure de 6 mois qu’il vient de réaliser semble lui avoir fait le plus grand bien. De plus, il vient de décrocher un CDD de 4 mois…dans la respectable société Maharadchat. Bon, il ne sait pas encore deux choses : la situation financière de l’entreprise et que son emploi va consister à devenir un « nez » (qualifier les odeurs des produits fabriqués…mais après la phase de digestion des félins !).
Sur ces entrefaites, des Coréens sont annoncés en tournée prochainement sur le territoire afin de superviser et investir dans des structures innovantes. N’est-ce pas l’une des principales caractéristiques de Maharadchat ? Autre fait marquant, Micheline, l’ancienne secrétaire vient de prendre sa retraite et c’est donc Jessica, sa petite fille qui vient de reprendre son poste. Charmé par ses solides « atouts », M Berdemol va se lancer comme un tigre, ou tout du moins comme un gros chat, dans ce dernier combat, en faisant une affaire très personnelle, avec bien entendu la perspective de séduire Jessi…de sauver l’entreprise et ses employés bien sûr !
Le tandem Lupano/Relom, qui avait si bien fonctionné avec la série Traquemage, est de nouveau constitué pour une BD remplie de losers magnifiques, qui distribue au passage quelques coups de griffe bien sentis aux végans, antispécistes, politiciens et autres forces de l’ordre qui passent à porter de patte. Une immersion sans concession dans l’univers méconnu de l’agro-alimentaire félin, disposant comme l’indique la couverture d’une ouverture facile et dans laquelle l’haleine fraîche, tout comme l’humour, sont garantis !
Delcourt- 15.50 euros
Trenchfoot signifie “Les pieds de tranchée » dans la langue de Shakespeare et c’est le charmant nom de la ville de Louisiane où va se dérouler l’action de ce one-shot. Le fondateur de la localité n’a pas trouvé meilleure appellation, en souvenir de son passage rapide en Europe au début du 20ème siècle où il avait su démontrer ses talents de « boucher » au service des blessés de guerre. Au début du siècle suivant, c’est une autre sorte de guerre qui va avoir lieu à Trenchfoot. Au programme des réjouissances, sexe, drogue sur fond de combats de chien, paris clandestins et enfin, pour parfaire l’ambiance, des petits règlements de compte entre amis autour d’un billet gagnant de loterie.
Nouvelle parution dans la collection Doggybags, Trenchfoot rend hommage aux pulps et comics d’horreur des années 50. Voici l’occasion de s’offrir un moment de lecture défoulant, sans chercher une conscience politique, philosophique ou sociétale mais uniquement profiter du shoot d’adrénaline, comme devant une série Z sanguinolente. La petite touche de fourberie en plus. Le printemps de la poésie c’est pour bientôt…mais pas là !
Edité par Ankama, il existe déjà une quinzaine de titres dans cette collection, avec des histoires plus brutales et horribles les unes que les autres. Comme l’annonce l’éditeur : « Sortez vos p’tits sacs pour toutous, parcqu’il va y avoir de la viande en rab’ ! »
Doggybags/Ankama – 14.90 euros.
Sous la plume et les pinceaux de deux femmes, l'expérience de la journaliste Nellie Bly prend vie. A partir du reportage "10 jours dans l'asile" de la pionnière du journalisme d'investigation, elles retracent le parcours de cette femme d'exception qui n'a pas hésité à se faire passer pour folle afin d'enquêter sur les conditions de vie des résidentes de l'institut Blackwell à New-York. Cette dernière va découvrir un univers carcéra, violent, glacial, saidque et misogyne. La moindre vélléité de révolte ou d'abattement (compréhensible pour ces femmes placées par leur famille pour une simple fièvre ou des soupçons d'adultère) suffit à prouver une aliénation qu'aucun médecin ne cherche à confirmer ou infirmer. Un constat terrible que Nellie Bly aura à coeur de révéler et de faire évoluer avant de passer à d'autres combats.
Un graphisme sombre, des tentacules qui se baladent de case en case accentuant une sensation d'emprise, une BD très réussie pour un témoignage poignant sur la condition des femmes internées à la fin du XIXème siècle.
(A lire sur le même sujet l'excellent roman de Victoria Mas "Le Bal des folles".)
Glénat, collection Karma- 22 euros
La BD commence de manière brutale : la première page met en scène Patrick Dewaere manipulant sa 22 long rifle. Dans quelques secondes, en cet été 1982 alors qu’il est en pleine préparation pour un film qui portera sur Marcel Cerdan et Edith Piaf, il va commettre l’irréparable.
Nous sommes alors plongés dans un long flashback, transportés dans les 35 années de la vie de l’acteur, de manière autobiographique. Très peu de dialogues, un enchaînement de belles illustrations crayonnées, commentées et contextualisées par l’acteur lui-même qui met à nu ses sentiments et ses démons. De son enfance agitée avec ses drames, son statut d’enfant acteur qui le mènera à devenir rapidement une vedette de l’ORTF, c’est finalement le cinéma français des années 70 que nous voyons défiler. On croise ainsi l’équipe du Café de la Gare (Coluche, Miou-Miou…), ainsi que les grands réalisateurs de l’époque (Bertrand Blier en tête), avec comme fil conducteur un Patrick Dewaere avide de reconnaissance et de légitimité, dans un milieu qui le sous-estime (notamment lors des remises de prix). Une très grande importance est donnée par LF BOLLEE (le scénariste ayant participé au titre La Bombe chroniqué sur le site) au personnage de Gérard Depardieu, avec qui Patrick Dewaere entretenait une relation d’amour/haine, se sentant toujours dévalorisé par rapport « au gros ». Comme si le film Les Valseuses avait été un cadeau empoisonné, enfermant Dewaere dans des rôles souvent alambiqués, ayant certainement influé sur un état psychique déjà fragilisé.
Cet ouvrage, très émouvant, permet de découvrir un acteur écorché vif, avec ses faiblesses et ses blessures, qui ne se voyait pas devenir vieux. Mort à 35 ans, il laisse une filmographie à son image : un homme habité, torturé, tourmenté.
Glénat -22 euros.
Quatorze albums de Blake et Mortimer sont sortis depuis la mort de Edgar P Jacobs en 1987, soit deux de plus que ceux qu’avait créés lui-même l’auteur originel de cette série mythique. Des scénaristes tels que Van Hamme ou Sente se sont succédés pour prolonger la carrière des deux protagonistes, toujours avec la difficulté de satisfaire les fans exigeants et pointilleux.
C’est donc Dufaux qui s’est chargé de ce titre, suite de L’ordre Septimus qu’il avait publié en 2013. On retrouve Olrik interné en hôpital psychiatrique après avoir participé au sauvetage de Londres, menacée par une entité extraterrestre, Orphéus. Or, il semble que le danger ne soit pas complétement écarté puisque des scientifiques mènent des expériences sur un pilote alien baptisé Moloch. Le flegme de Blake, l’intrépidité de Mortimer et toujours et encore Olrik seront bien indispensables pour sauver une fois de plus l’humanité.
On retrouve avec plaisir cette ambiance intemporelle, encrée tout de même dans les années 50, et ce traitement de la science-fiction qui font le charme de la série. Alors, comme souvent, certains diront que l’esprit de Jacobs n’est plus là, mais il est tout de même plus agréable de connaitre un nouvel album redonnant vie à ses personnages que de rester bloqué sur le passé. Après tout, Jacobs a réalisé à présent moins de la moitié de la série. Donc, by jove, profitons ! et rien n’empêche de se replonger dans les anciens titres, La Marque Jaune par exemple qui permettra d’apprécier encore plus cette nouvelle histoire. Et de valider ou non le fait que c’était mieux avant. Et pourquoi pas aussi bien après tout !
Editions Blake et Mortimer – 15.95 €
Dans le royaume de Holmgaard, loin du monde des hommes, les animaux vivent en paix sous le règne du très respecté roi-ours Von Noord. Un élément perturbateur, en la personne d'un jeune garçon qui prétend être revenu du monde des morts, va éveiller les soupçons du souverain et l'obliger à reprendre contact avec les royaumes voisins: seront-ils des alliés ou manigancent-ils d'autres complots? Dans une ambiance sombre et nostalgique, le jeune prince du royaume est envoyé à la rencontre d'une sorcière rancunière, pour tenter de déjouer une ancienne prophétie.
Des dessins soignés, des personnages anthropomorphiques à la Blacksad, une quête, un brin d'humour, des références aux classiques de la fantasy, bref, on passe un bon moment. Vivement la suite!
Glénat - 14.50€ (4 tomes prévus)
Il y avait bien eu des signes avant-coureurs mais passés jusque-là sous les radars. Tout s’est déclenché en août 2057 lorsque des typhons nuageux sont apparus. Situés à de nombreux points du globe, ils ont provoqué un réchauffement de l’atmosphère, entrainé une inéluctable montée des eaux noyant bon nombre de centres urbains proches des côtes et surtout déclenché une pluie de cendres. Cette dernière, composée d’une matière inconnue, a entrainé des difficultés respiratoires puis rapidement l’anéantissement d’une grande partie des êtres vivant sur terre, insectes exceptés qui parviennent décidément toujours à s’en sortir.
Autant dire que ce n’est pas du côté de « la grippette » que les spécialistes doivent se tourner mais plutôt lever les yeux vers l’espace et espérer comprendre et enrayer cette menace létale.
Sans dévoiler l’histoire, il s’agit bien d’une BD de SF pure et dure, qui sera composée de deux tomes, et dont le scénario se rapproche du film Armageddon avec un rôle majeur donné à un artiste/autiste souffrant du syndrome du savant (trouble mental lui donnant le statut de prodige).
De nombreux dialogues dans ce premier tome qui prend son temps pour cadrer l’intrigue tout en restituant très bien l’état de panique absolue qui frappe les décideurs de la planète. Comment réagir devant l’inconnu ? Comme riposter quand l’inconnu vient de l’espace et que les connaissances humaines semblent archaïques ? Pas de Bruce Willis au casting, mais des hommes et femmes tout autant décidés à sauver l’humanité.
Glénat - 14.50€
Ambrosius Morgan, aka ‘Old Spur’, est un vieux cowboy. En cette fin du 19ème siècle, il fait partie des derniers vachers qui parcourent les ranchs, décrochant du travail pour s’occuper des clôtures et du bétail pendant une certaine période. L’aire industrielle est en plein essor, les pâturages se transforment en champs de pétrole et les lignes de chemin de fer ont redessiné les paysages. L’avenir professionnel semble assez compromis pour cet homme d’un autre temps.
En plein cœur de l’hiver, au moment de la relève d’une mission qu’il a réalisée dans un ranch retiré du nord Dakota, le ‘lonesome cowboy’ prend connaissance d’un courrier qui lui est adressé. Ce dernier, rédigé par une de ses anciennes conquêtes, lui apprend que depuis plus de 20 ans, il est le père d’une jeune fille, Liza. La situation est critique car sa fille a disparu depuis deux mois non loin de la frontière mexicaine qu’elle avait rejoint avec son jeune époux. Pas le temps de réfléchir pour Ambrosius qui endosse son costume de cowboy au grand cœur, récupère son revolver qu’il avait mis au clou et part à la recherche de Liza.
C’est donc une traversée nord/sud de l’Amérique que le nouveau père va entreprendre, affrontant les changements de climat, les brigands et de nombreux dangers. Il va trouver un soutien inespéré en la personne d’un jeune indien, mutique, qu’il dénommera, faute de mieux, Ghost Kid. Mais cet enfant énigmatique n’est-il pas plutôt une hallucination dûe au soleil qui tape décidément de plus en plus fort à l'approche du Mexique ?
Voici donc une bonne BD western, alternant les scènes d’action et les plans plus contemplatifs (notamment de superbes illustrations pleine page). Un travail particulier a été réalisé sur les chevaux, magnifiquement mis à l’honneur comme des alliés indéfectibles de l’homme, souvent pour leur plus grand malheur (cette civilisation crasseuse comme l’appelle Ambrosius…).
Des cowboys, des indiens, des chevaux, une femme enlevée, des plans dignes d’un film en cinémascope, pas de doute, nous sommes dans un vrai bon western et cela est fort agréable ! Attention avec le pop-corn cependant, ce n’est pas pratique pour tourner les pages !
Grand Angle - 18.90€
Après Les Dominants, déjà chroniqué sur le site, voici une nouvelle BD, sortie dans le premier trimestre de cette année, qui décrit un monde ravagé, proche de l’effondrement. Ici, pas de science-fiction, nous sommes dans une alternative crédible avec uniquement des êtres humains face à un cataclysme sanitaire.
Dans ce récit, l’action se déroule en majorité en milieu urbain, dans une ville qui pourrait tout aussi bien être européenne qu’américaine, plongée en plein chaos. Les indicateurs économiques sont dans le rouge, des signes de crise s’enchainent, des records de chaleur tombent les uns après les autres.
A cela est donc venu se greffer une grippe ‘estivale’ qui a touché dans un premier temps des milliers de personnes…puis des centaines de milliers. Les hôpitaux sont à présent débordés, des experts auto-proclamés évoquent dans les médias (qui tournent en boucle…) une campagne de vaccination, le port généralisé du masque, le cloisonnement de la population en zones de quarantaine. Cela vous rappelle quelque chose ? La population recherche en priorité de la nourriture et l’armée quadrille les rues. Anticipation ?
C’est dans cette ambiance anxiogène qu’un père de famille et ses deux enfants vont devoir (ré)apprendre la survie en milieu hostile et tenter d’échapper à cette ville devenue un enfer à ciel ouvert.
BD troublante de par son réalisme, on peut reconnaitre une réelle faculté à l’auteur d’avoir créé un univers tout à fait plausible. Avec ses traits réalistes et l’utilisation d’une palette de couleurs claires, évanescentes, il parvient parfaitement à retranscrire le sentiment de basculement. Comme si la lumière disparaissait petit à petit.
Ce premier tome visionnaire se termine par un cliffhanger qui donne envie de connaitre rapidement la suite. Peut-être pour envisager une fin heureuse et se rassurer quant à ce qui pourrait nous arriver…
Futuropolis - 15€
Voici le deuxième volume de la série DCEASED dans lesquels les personnages de l’univers DC sont confrontés à une terrible menace technologique sous la forme d’un virus (et oui encore un…) qui s’est propagé par le biais d’internet et qui a contaminé 600 millions d’êtres humains. Ces derniers le sont beaucoup moins depuis puisque le virus entraine une perte de contrôle totale et une agressivité décuplée. Résultat : les simples individus et même les super-héros s’entretuent joyeusement.
Après un premier épisode, dont nous ne dévoilerons pas l’intrigue mis à part le fait que de nombreux super-héros se sont trouvés en fâcheuses postures, ce deuxième tome fait la part belle à des personnages moins connus tels que Deathstroke, Red Hood ou le Maître des Miroirs dans une lutte sans merci contre les hordes de zombies. Les voici réunis pour maintenir un mince espoir de sauver l’avenir de l’humanité. L’idée de quitter la terre est même envisagée par certains.
Comics pour lecteurs avertis, les scènes d’action s’enchainent à un rythme soutenu. La lecture est agréable et le fait que les personnages « moins connus » soient au centre de l’intrigue donne l’occasion d’aborder de manière originale la richesse de l’univers DC.
Comme souvent dans les comics, on peut surtout lire de manière détournée une critique acerbe de notre société connectée et le fait qu’arrive un moment où même les ‘méchants ‘ doivent s’unir devant l’adversité et le désastre. Car « la vie est fugace. C’est la seule vérité. La mort est éternelle ».
Dans la même collection DCEASED Tome 1.
Urban Comics - 23€
Aujourd'hui, Maria est heureuse : ses cinq enfants sont réunis autour d'elle, ce qui n'était pas arrivé depuis des années. Mais c'est autour de son cercueil qu'ils se retrouvent. La voix off de la mère sert de fil rouge aux 5 tranches de vies correspondant aux 5 frères et soeurs dont on découvre les fêlures et les difficultés. Les flash back de la vie de Maria mettent en lumière les épisodes marquants de sa vie; les recettes typiques de la cuisine sicilienne pimentent le tout. Dans un chapitre final détonnant, tous les secrets inavouables sont mis à jour.
Un travail de dessin remarquable, un scénario inspiré des films d'Almodovar, Basilicò est un récit captivant qui surprend à chaque page.
Ankama - 14.90€
En 1970, Soledad, fille de paysans sans terre, a 15 ans et va s'installer dans un campamento, un campement situé sur un terrain occupé illégalement, à Santiago.
Les élections approchent, le peuple espère la victoire de Salvador Allende, les rêves et les espoirs sont aussi immenses que la misère et la faim qui les animent. La politique fait ainsi irruption dans la vie de Soledad ainsi qu'un certain Alejandro: elle s'engage de toute son âme dans la lutte pour un monde meilleur. S'ensuivent les mille jours de la présidence de Salvador Allende durant lesquelles les réformes s'enchaînent : cogestion, réforme agraire, augmentation des salaires, distribution gratuite de lait aux enfants, droit au divorce... Avant le coup d'Etat du 11 septembre 1973 qui anéantit les espoirs du peuple et dévaste la jeunesse chilienne.
Le 16 avril dernier, Luis Sepulveda disparaît: "Une perte immense pour le Chili d'aujourd'hui qui avait tant besoin de la voix de ce grand écrivain pour faire entendre ses luttes au-delà de ses frontières." Il avait fait l'honneur aux auteurs de présenter leur livre dont le bandeau cite cette dédicace: " Plus qu'un roman graphique, cette oeuvre de D. et A. Frappier est une saga qui raconte les mille jours du gouvernement d'Unité populaire dirigé par Allende et de la volonté du peuple chilien de s'approprier son destin".
Steinkis - 25€
Fabcaro est de retour pour sa deuxième tournée « Open Bar ». Le cocktail d’humour est toujours composé de ses ingrédients fétiches à savoir décalage, cynisme et dérision et nous expose ainsi sur le comptoir toutes les petites bêtises, les faux semblants, les fausses grandes idées de notre société.
On se retrouve au fil des pages devant de grands classiques (l’écologie, le sexisme ordinaire, le politiquement correct, bien entendu repoussés dans leurs derniers retranchements…) mais surtout la remise en question par l’absurde de notre quotidien : au programme, entre autres, un concours d’introduction de couette, un mouvement de grève de sauteur de triple saut ou l’acharnement d’une coach en développement personnel voulant porter assistance à une victime d’accident de la route.
Suite logique du premier tome à succès, cette BD est toujours composée d’histoires courtes (une page avec généralement 3 à 6 cases), de saynètes le plus souvent statiques. L’humour réside dans la prise de distance, de hauteur, qui rend l’issue de chaque séquence imprévisible.
Petit rappel : l’abus de Fabcaro ne nuit aucunement à la santé, à consommer par conséquent sans modération !
Delcourt - 12.50€
De ses premières considérations au sanctuaire d’Atechgah, près de Bakou, où la population pouvait s’émerveiller depuis 2 000 ans devant un feu qui ne s’éteignait jamais jusqu’aux derniers rêves d’exploitation des réserves cachées sous les calottes glaciaires, le pétrole est devenu depuis le début du 20ème siècle l’élément central de nos économies, jouant un rôle de plus en plus influant sur nos modes de vie et habitudes de consommation.
Au départ simple moyen d’éclairage, cette matière première s’est révélée au fil du temps comme un ange de destruction massive, accompagnée de ses compagnons de jeu préférés à savoir la guerre et l’argent.
Le terme de malédiction est très bien adapté tant son emprise traverse les années, parvenant toujours à mener son influence néfaste sur la situation économique, géopolitique et écologique de la planète.
Au fil des pages, nous rencontrons les frères Nobel, Rockefeller, Staline, les principaux présidents/dictateurs des grands puissances mondiales, gravitant autour de cet astre funèbre. Tous ont du ou su composer avec son incroyable potentiel et assouvir leurs desseins.
Composé d’illustrations en noir et blanc avec très peu de dialogue, cet ouvrage propose une approche chronologique, distinguant les grandes étapes de cette prise de pouvoir absolue. Le ton se veut acide, cynique, à la hauteur du niveau destructeur de la ressource et de son utilisation. Il s’agit d’une excellente analyse qui mêle à la fois l’histoire, l’économie, la géopolitique. Sa lecture provoque un sentiment d’inéluctabilité, comme si nous étions pris dans une trajectoire diabolique dont il est impossible de sortir.
On annonce de plus en plus le dépassement d’un pic de production, qu’un élan écologique frémit et qu’une autre voie est souhaitable et souhaitée. Cependant, et comme le représentent très bien les auteurs, le pétrole peut être représenté comme une hydre que les hommes veulent à tout prix maintenir en vie.
Delcourt - 17.50€
Pour ceux qui aiment les chemins de traverse, les OLNI, objets littéraires non identifiés, l'art brut, voici un trés bel ouvrage écrit et déssiné à quatre mains par Dominique Goblet et Dominique Théate.
Ce projet est né d'une collaboration entre les éditions Frémok et le collectif artistique " La S Grand Atelier", http://lasgrandatelier.be/ collectif d'artistes d'art brut.
L'ouvrage alterne entre le journal de Dominique Théate, ses BD où il nous raconte les aventures de Hulk Hogan et la femme à barbe, et les trés beaux dessins de Dominique Goblet.
La langue de Théate est unique d'une invention folle tout comme ses histoires naives, délirantes et pleine d'humour.
Fremok - 34€
Le nom de Chris Kyle n’est peut-être pas très familier en France mais de l’autre coté de l’Atlantique il est considéré comme celui d’un véritable mythe.
Déjà immortalisé par le film "American Sniper", réalisé par Clint Eastwood en 2014, Kyle a participé en tant que tireur d’élite Navy SEAL à la deuxième guerre du Golfe, en 2003. C’est durant ce conflit qu’il a abattu « officiellement » 160 personnes. Il s’agit d’un chiffre à relativiser, le nombre de morts ayant très certainement été sous-estimé (ce recensement morbide ne tenant compte que des exécutions ayant fait l’objet d’un témoignage…)
Kyle a bien entendu reçu de nombreuses décorations pour ses faits d’arme une fois de retour aux Etats-Unis et a pu profiter de sa notoriété et se lancer, avec sa famille, dans les affaires juteuses (publication de ses mémoires, lignes de vêtements, partenariats divers et variés) avec le même déterminisme et la même soif de succès.
Véritable modèle de réussite « à l’américaine », Kyle a vu son statut de héros vivant évoluer vers celui de légende posthume lorsqu’il a croisé en février 2013 la route d’Eddie Ray Routh, son assassin.
Fabien Nury, connu pour ses séries « Il était une fois en France » ou « La mort de Staline » nous présente un nouveau décryptage de l’histoire de Chris Kyle. Ici peu de retour sur sa carrière militaire mais plutôt un regard glaçant (le découpage et le style du dessin favorisant ce ressenti) sur la culture de l’arme à feu aux Etats-Unis, à base de storytelling et de fantasme de la réussite individuelle sous couvert de patriotisme exacerbé. Comme souvent, le Roi Dollar reste au centre de la cible.
Au-delà du personnage de Kyle, cet ouvrage évoque le phénomène de stress post traumatique qui fait des ravages dans le rang des vétérans et face auquel la société et les pouvoirs publics se trouvent le plus souvent démunis.
Si vous avez vu le film de Clint Eastwood, cette bande dessinée sera très complémentaire pour étoffer l’image du tueur à sang froid. Si vous ne l’avez pas vu, vous aurez l’occasion de découvrir la trajectoire mortifère d’« Al Shaitan-Al Ramadi » (le Diable de Ramadi)
Dargaud - 22.50€ Parution le 29/05
En 2015, Joe Sacco s'est rendu par deux fois dans les territoires du Nord-Ouest du Canada, au-dessous de l'Arctique. Il est allé à la rencontre des Denes, un peuple autochtone.
Sous forme d'un reportage dessiné, il nous raconte l'histoire de ce peuple resté longtemps protégé sur des terres inaptes à l'agriculture. Mais la découverte de pétrole dans le sous-sol va bouleverser les traditions de ce peuple, leur rapport à la nature: ils n'ont pas été massacrés, ils ont "donné" la terre qui les faisait vivre en échange de quelques dollars et de promesses vides, des traités administratifs qui les spolient. Cette administration leur a enlevé leurs enfants: une scolarisation forcée pour une assimilation forcément ratée.
Perte de repères, incompréhension totale entre 2 visions radicalement opposées de l'exploitation de la terre auxquelles s'ajoute aujourd'hui la pollution provoquée par la fracturation hydraulique, procédé hautement dommageable pour l'environnement utilisé pour l'extraction du gaz de schiste. Un récit douloureux et des portraits saisissants de personnages déterminés à défendre une culture en voie de disparition.
Futuropolis & XXI - 26€
Après avoir adapté le personnage de Robert Louis Stevenson dans la série Long John Silver, Mathieu Lauffray revient à la barre et nous entraîne dans un nouveau cycle intitulé Raven.
Dans ce premier tome, impossible de s’égarer pour tout amateur d’aventure et de piraterie : un jeune flibustier malicieux et débrouillard, une femme pirate intrépide et vénéneuse, un gouverneur fourbe et manipulateur, ces protagonistes naviguent dans les eaux troubles d’une île mystérieuse à la recherche d’un trésor légendaire.
Aucune mauvaise surprise : cette bande-dessinée reprend bien tous les codes du genre, avec en supplément une pointe de malice revigorante comme une gorgée de rhum. Le lecteur peut alors se laisser porter par les flots nerveux et tumultueux de l’intrigue.
Comme d’habitude avec l’auteur, des cases richement détaillées et une ambiance corsaire magnifiquement illustrée. Ajoutez à cela une atmosphère lourde et humide et vous voici embarqué dans l’expédition. Attention tout de même aux récifs et au coup de Trafalgar !
Casterman - 15€ Parution 5 juin
(d’après le personnage créé par William VANCE)
Au XVème siècle, l’ordre des Templiers a été décimé sur ordre de Philippe Le Bel et leur grand Maître Jacques De Molay exécuté. Un navire est parvenu à s’enfuir avec à son bord une cargaison mystérieuse. Quatre siècles plus tard, nous retrouvons le Lieutenant Hawker en pleine bataille navale opposant les anglais aux espagnols. En plus des combats âpres, une tempête se lève et Hawker est secouru par un bâtiment qui navigue sous pavillon inconnu : des voiles surmontées de croix rouges. Précédé d’une réputation de marin maudit, Hawker se retrouve embarqué pour une nouvelle aventure : sur ce navire se trouve la comtesse de Rochefoucauld qui après avoir divorcé de son mari, a entrepris la traversée de l’océan atlantique pour se rendre en Amérique. Elle a bon espoir de retrouver la trace et mettre la main sur le fameux trésor des Templiers…ou définitivement le considérer comme une légende. Sur place, Hawker va jouer un rôle important dans cette recherche qui va s’avérer beaucoup plus compliquée que prévue.
Voici un très bel album pour les amoureux d’histoire, de grands mats, de chasse au trésor. Le trait adopté par les auteurs se rapproche du photoréalisme, un travail d’autant plus flagrant sur les visages et expressions des protagonistes du récit. Une histoire bien ficelée qui vient relancer un personnage créer à l’origine par William Vance sans pour autant avoir besoin de connaître nécessairement ses premières aventures.
Le Lombard – 15.95 euros.
Au seuil de la mort, Toto Riina semble avoir, même s’il s’en défend, quelques états d’âme. En tout cas, c’est bien avec sa conscience, ou tout du moins cette dernière réincarnée dans un Salvatore Riina « alternatif » qu’il échange et revient sur sa vie, ce qu’il aurait pu être s’il n’avait pas délibérément choisi la carrière de criminel et de tueur en série. Jusqu’à l’apothéose et son règne en tant que « Capo dei capi » de la Cosa Nostra. Une vie donc émaillée de meurtres, d’exécutions, dont la plus célèbre reste l’attentat perpétré contre Giovanni Falcone, ayant nécessité 600 kilos d’explosifs, pour faire tomber ce juge d’instruction qui avait eu le malheur d’engager une procédure contre la mafia et ses principaux acteurs, dont faisait bien entendu partie Riina.
Cet album retrace le parcours de ce personnage hors norme, de « Toto u curtu » (Toto le petit du fait de sa taille) jusqu’à la révélation de « La belva » (le fauve), un être assoiffé de sang et surtout de pouvoir, bien qu’aimant se présenter, notamment devant ses juges lorsqu’il sera enfin arrêté puis jugé en 1993, comme un modeste paysan, soucieux de sa famille et de sa tranquillité.
Très peu de couleur ni de dialogue dans ce roman graphique, comme pour montrer la noirceur et l’absence de toute humanité des mafieux, enchaînant les exécutions, rétorsions et vengeances. Les auteurs reviennent également sur le drame familial originel, qui a peut-être été l’élément déclencheur de toute une vie consacrée à impitoyablement écarter et supprimer celles et ceux qui osaient se mettre en travers de son chemin.
Delcourt – 19.99 euros
Pour le lecteur qui apprécie les récits sur le Moyen-Age, les grandes querelles entre ambitieux seigneurs et avec l’Eglise toujours en juge et partie, « Les Piliers de la Terre » est LE roman de Ken Follett à lire. Mais les 1056 pages de l’œuvre peuvent parfois refroidir même les plus courageux. Cette BD est donc le compromis parfait ; certes il s’agit que du premier tome (sur 6 annoncés) mais la centaine de pages la composant peur s’avérer déjà plus digeste !
L’action se déroule au XIIème siècle en Angleterre en pleine tensions successorales. Tom est un maître bâtisseur qui parvient difficilement à faire vivre sa famille composée de deux enfants déjà, son épouse attendant le troisième. Il passe donc de chantier en chantier, ne parvenant pas à se sédentariser à son grand désarroi. Ellen est une jeune veuve qui vit en pleine forêt avec son fils Jack. Leur contact avec la civilisation est des plus limité depuis qu’elle a vu son mari pendu pour avoir dérobé des biens à l’Eglise, à qui elle voue depuis une haine farouche. Frère Philip est le prieur d’une communauté de moines dans laquelle son sens de la justice et son intelligence relationnelle permettent de la faire vivre sans trop de heurt. Son destin s’inscrit très certainement à avoir d’autres responsabilités à moyen-terme mais son étique et son sens des valeurs est-il compatible avec les jeux de pouvoir ? Enfin, il y a aussi Aliéna, une jeune fille de bonne famille qui ne veut pas qu’on lui impose un mari qu’elle n’aurait pas choisi et qui va payer chèrement son indépendance d’esprit. Une chose est certaine : tous ces personnages vont être entraînés dans le flot de l’Histoire risquant de mener l’Angleterre à l’anarchie…
Avec Stephen Dupré au dessin (Kaamelott) et Alcante au scénario (La Bombe), voici une fidèle adaptation du titre de Ken Follett qui s’est écoulé à plus de 28 millions d’exemplaires. De superbes planches, un soin particulier apporté aux bâtiments (un chargé des modélisations 3D, Quentin Swysen a participé au projet), et les prémisses d’une ville appelée Kingsbridge qui va devenir elle aussi une héroïne importante.
Vous n’avez donc plus d’excuse pour découvrir ou redécouvrir « Les Pilliers de la Terre », une fresque historique tout simplement monumentale et incontournable.
Glénat/Robert Laffont – 19 euros.
Joseph n’est pas le chef indien le plus connu de l’Histoire. Pourtant, il a une place particulière de par sa posture et son comportement dans la longue lutte entre les colons et les membres de la nation indienne. Né en 1840, fils ainé d’un chef des « Nez percés », tribu vivant à la frontière de l’Oregon de l’état de Washington et de l’Idaho, il est élevé suivant les principes chrétiens étant lui-même baptisé, d’où le nom de Joseph qui lui a été attribué. Il se retrouve à devoir gérer un conflit de territoire, les colons cherchant à s’approprier des terres en échange d’une rétribution dérisoire. Devant le risque d’effusion de sang, Chef Joseph va faire preuve de sagesse, tenter de limiter les pertes humaines et se résoudre à conduire son peuple hors de la vallée de la Wallowa. Malheureusement, tout ne va pas se passer selon ses prédictions et la démarche pacifiste va se transformer en marche sur le sentier de la guerre.
Toujours dans la collection « La véritable histoire du Far West », cet album nous permet de découvrir un personnage peu connu, un homme décidé à faire valoir le droit et les prérogatives de son peuple en faisant preuve de sagesse et de pragmatisme, évitant à tout prix de s’enliser dans un jusqu’auboutisme mortifère. La BD donne également un coup de projecteur sur le fonctionnement des réserves amérindiennes et la façon dont les autorités fédérales les considéraient surtout comme des obstacles au sacro-saint progrès de la civilisation anglo-américaine. Les colons ont cherché avant tout à transformer les indiens en cultivateurs sédentaires, en ouvrier agricoles, alors que ces derniers se considéraient avant tout chasseurs et nomades dans l’âme. Politiques et notables véreux étaient aux manettes et provoquaient des catastrophes humaines, regroupant même parfois des tribus ennemies depuis toujours sur le même territoire restreint.
Un nouveau tome de la série qui fait la part belle aux dialogues, dans lequel l’action est peut-être un peu plus en retrait. Comme pour insister sur la tentative de Chef Joseph de privilégier la parole aux gestes. Malheureusement, à sa disparition, le médecin constatant le décès mentionnera que le Chef Joseph « serait mort de chagrin » ce qui laisse imaginer la conclusion de sa tentative.
Glénat – 14.95 euros
La bataille de Little Big Horn est restée un épisode marquant de la Guerre des Black Hills, opposant les sioux et leurs alliés à l’armée des Etats-Unis. Elle s’est soldée par une écrasante victoire des Amérindiens. Deux noms sont éternellement liés à cet évènement : celui de Crazy Horse, le chef/chaman indien qui avait prédit à la suite d’une de ses visions l’issue de l’affrontement ainsi que celui du lieutenant-colonel Custer, vétéran et élément insaisissable de l’armée régulière nordiste durant la guerre de Sécession, qui perdit la vie à l’issue des combats qui se sont déroulés les 25 et 26 juin 1876.
L’album Little Big Horn, quatrième publication de la série « La véritable histoire du Far West » chez Glénat/Fayard, débute lors des préparatifs du choc entre les deux armées, et met en avant les mésententes le manque d’organisation, et surtout la mauvaise appréciation des forces en présence des membres de l’armée fédérale, prenant mauvaises décisions sur mauvaises décisions, face à l’union (éphémère et exceptionnelle) des Sioux et des Cheyennes. La Bd revient également sur les origines de la Guerre des Black Hills, sur fond de gisements d’or et de terres sacrées confisquées aux amérindiens.
La série reste toujours dynamique, alternant les phases de pourparlers, de prises de (mauvaises) décisions et les scènes de batailles acharnées. A noter toujours en fin du recueil un dossier historique pour recontextualiser et approfondir les points historiques abordés dans les cases de l’album.
Glénat/Fayard – 14.95 euros
Que se passe-t-il au musée d’Orsay, la nuit, une fois les visiteurs repartis ? Comment des œuvres, scrutées, analysées, ignorées, vivent-elles le retour au calme, dans la solitude des salles ? Le dessinateur Christophe Chabouté a imaginé ce qui se mijote alors en coulisses : des personnages de tableaux qui décident de sortir de leur cadre et d’aller vaquer dans leur univers parallèle, des statues qui se donnent rendez-vous près d’une fenêtre pour observer ces drôles et étranges boîtes à roulette et leurs lumières. Berthe Morisot au bouquet de violettes quant à elle s’inquiète pour un promeneur et son chien, des bustes s’occupent des potins pour compenser la frustration de ne pouvoir parcourir les couloirs comme le fait la statue d’Héraklès, étrangement attirée par les sanitaires.
Une BD pleine de poésie et d’émotion, que ce soit du côté des visiteurs ou des hôtes, qui rend hommage par un superbe noir et blanc aux œuvres du prestigieux musée.
Vents d'ouest - 23 euros
Après Jesse James et Wild Bill Hickok, la collection « La véritable histoire du Far West » s’enrichie d’un nouveau personnage historique, ayant joué un rôle important dans la conquête de l’Ouest, Jim Bridger. Ce dernier, né au tout début du 19ème siècle, est la figure emblématique du mouvement « Mountain Man », ces hommes qui sévissaient dans les endroits les plus sauvages. Ces derniers vivaient surtout de la chasse, notamment du massacre des castors dont la peau était fortement appréciée en Europe, et constituaient une communauté digne des différents groupes d’indiens qui se partageaient alors le pays. Bridger était aussi le chantre d’une certaine idée de l’Ouest, épris de liberté tout en étant farouchement individualiste mais sachant s’adapter pour s’en sortir à moindre mal. Il fut également un compagnon de route apprécié pour sa capacité à se repérer et tracer des routes dont se servirent les compagnies de chemin de fer qui, au milieu du 19ème siècle, se mirent à quadriller le pays. Il eût également un rôle certain dans les relations entre les indiens et les forces armées, sachant virevolter habilement entre des adversaires irréconciliables.
On retrouve donc dans cette BD de belles illustrations de nature, des scènes de violence aussi du fait des contentieux existant entre les différents protagonistes (indiens, militaires, pionniers) qui s’entretuaient pour tirer au mieux leur épingle du jeu. Un tome dans la lignée des deux premiers épisodes, qui parvient à restituer de manière suffisamment synthétique sans être simpliste l’existence de ces personnages qui ne manquent pas de panache. A noter, à la fin de l’album, un dossier pour accompagner et approfondir les points historiques abordés ce qui est toujours appréciable si on souhaite en savoir plus sur cette période charnière et décisive dans l’évolution des États-Unis.
Glénat – 14.95 euros
Nous sommes en 1970, Joe est un sexagénaire dynamique qui parcourt le désert de l’Arizona dans son camping-car. Il semble apprécier par-dessus tout le calme et la solitude mais parait tout de même heureux de trouver un jour au pied d’un arbre un jeune chiot, (il va vraiment avoir les pires difficultés pour lui trouver un nom…) à qui il va raconter son parcours. Car en fait, Joe s’appelait avant Giusepe et a pendant très longtemps baigné dans de nombreux trafics. Après s’être fait une place au soleil, la justice s’est penchée sur le cas de ce brillant truand. Face aux ennuies qui s’annonçaient, Giusepe/Joe a préféré répondre favorablement à un nouveau protocole expérimental appelé le WITSEC : ce dispositif permet de placer un criminel qui accepte de témoigner contre ses anciens complices sous la protection du gouvernement américain en échange d’une réduction de peine, voire d’une nouvelle identité et donc la promesse d’une vie loin de la pègre. Cependant, cela ne signifie pas que les « anciens complices » adhèrent pour autant très bien à la démarche…Joe et son nouveau compagnon a quatre pattes vont devoir redoubler de prudence…et même cela ne sera peut-être pas suffisant.
Ambiance digne du film « Les affranchis » de Scorsese dans cette superbe BD qui n’est pas avare sur les plans de nature sauvage, le plus souvent désertique. Le personnage de Joe est bien troussé, un mélange de lonesome cowboy taciturne et malin qui va devoir affronter les flics ripoux, ceux qui comptent sur lui pour l’avancement de leur carrière et des « anciens collègues » n’ayant pas forcément de très bonnes intentions envers lui.
Un très beau one shot qui s’inspire de fait réel pour un scénario original, non dénué d’humour noir (les punchlines entre les différents personnages sont souvent savoureuses), qui dévoile les mécanismes mis en place par la justice américaine pour pérenniser le programme WITSEC, qui a permis de combattre la mafia notamment et a mené la vie dure à de nombreux acteurs du crime organisé.
Le lombard – 23.50 euros
Attention : cette BD évoque un temps disparu : celui où la presse quotidienne nationale tirait encore à plusieurs centaines de milliers d’exemplaires, qui battait souvent des records de diffusion le jour de la disparition d’un « grand de ce monde ». Les journalistes avaient un ton, une image de passeur culturel, une influence sur les idées qui fleurissaient à une époque où tout semblait encore possible notamment au niveau culturel (développement des radio-libres, prix unique pour le livre, fête de la musique). Marie Colmant et Gérard Lefort ont bien connu cette période charnière et ont joué un rôle important dans ce qu’on peut appeler l’âge d’or du journal. Avec Serge July aux commandes, Libé devient un incontournable dans le monde culturel, notamment pour le cinéma (pour lequel les deux journalistes étaient spécialisés) et les passages de la rédaction au Festival de Cannes deviennent aussi épiques que celles qui se dérouleront un peu plus tard avec les équipes de Canal +. Ce recueil nous propose ainsi des souvenirs, des passages savoureux comme ce jour où Yves Montant n’a que peu apprécié le traitement dont il avait été « victime » et qui voulut en découdre physiquement avec le journaliste incriminé. On aborde aussi le chroniqueur Bill Chernaud (1986 et la centrale nucléaire était passée par là…) dont les papiers acerbes, réalisés à tour de rôle par les critiques de la maison (dont le regretté Philippe Vecchi) viendra troubler le milieu (Huppert a 30 ans depuis 30 ans…). Un condensé du Libé de cette époque, désinvolte à l’humour acéré, qui participa grandement à son succès.
Mais malheureusement, toutes les bonnes choses ayant une fin, on assiste à l’arrivée de nuages noirs se matérialisant par les nombreuses disparitions ayant marqué le journal (le sida n’a pas épargné la rédaction) et l’évolution des habitudes/comportements des lecteurs. Nos deux journalistes sont ainsi représentés à la fin de l’album devant une colonie d’oiseaux (de malheur ?) affublés d’écharpes sur lesquelles figurent des mots tels que « néo-libéralisme », « réchauffement climatique », « communautarisme ». Le temps de l’insouciance n’était plus mais la lecture de cet album a permis d’y replonger avec plaisir. Une lecture résolument nostalgique.
Casterman – 23 euros
Au cours de l’année 2015, Pauline, une jeune policière provinciale de 25 ans, accède au prestigieux 36 quai des Orfèvres à Paris. Ayant suivi un parcours classique de gardien de la paix, à l’issue d’un stage pendant lequel elle s’est faite remarquée pour son professionnalisme, la voici propulsée dans le grand bain avec pour indicatif radio « Cristal 417 ». La jeune fille, déjà aguerrie malgré son jeune âge, va devoir vite apprendre les ficelles du métier au sein d’une équipe déjà en place, déjà constituée et expérimentée après ce qui vient de se dérouler au mois de janvier à Charlie Hebdo. Pauline va donc découvrir une nouvelle vie, apprendre à se fondre dans les procédures et les codes, tant officiels qu’officieux de l’élite de la police, en respectant également les égos qui font partie aussi des pièges du quotidien. La première affaire qui va lui être confiée est une enquête laissée à l’abandon, celle de la découverte d’un corps féminin retrouvé sur un terrain vague près d’un échangeur autoroutier, qui date déjà de 2009. Une affaire comme une autre, qui n’est plus depuis longtemps sous le feu des projecteurs médiatiques, mais qui a impacté et impacte encore la vie des proches de la victime. Comment raviver la braise de pistes datant de plus de cinq ans, et sous quels angles, inexplorés pour l’instant, Pauline va-t-elle aborder sa première affaire dans la cour des Grands ?
Voici une BD Polar bien amenée, avec un respect scrupuleux du jargon policier des habitués du 36 Quai des Orfèvres, qui était à cette époque et encore pour quelques mois le siège de la direction de la police judiciaire de la préfecture de police de Paris. La mise en case de Boris Golzio (bien connu pour son album Francine R et fidèle habitué du festival de BD d’Ambierle) est dynamique et parvient à capter les moments d’extrême froideur (notamment au sein des locaux de la police) et de chaleur humaine (lors des témoignages ou lors des moments « off » entre collègues) à une période où la police avait été déjà fortement sollicitée pour les attentats de Charlie Hebdo et de l’Hyper Casher et qui allait devoir affronter les cruels évènements du 13 novembre.
A noter que le scénario de cet album a été confié à Mark Eacersall à qui l’on doit, dans un autre registre, l’album « Tananarive » dont la chronique est toujours accessible sur le site de la librairie.
Glénat – 19.50 euros
Voici un titre bien intrigant, promettant le pire au groom le plus célèvre de la BD franco-belge. Tout commence par un cadre de chez Dupuis qui s'inquiète de l'absence de Spirou pour fêter l'anniversaire de la maison d'édition. Ensuite, nous retrouvons Spirou et son acolyte Fantasio en pleine séance de camping, loin du remue-ménage de leur employeur. Avant de rejoindre l'éditeur, ils décident de faire un détour par Champignac et pourquoi pas de découvrir une nouvelle invention du comte. Un article de presse va alors attirer leur attention : il concerne le sombre Zorglub qui semble impliqué dans un projet détonnant. La fête de Dupuis attendra, les deux héros, accompagnés de Spip, sont repartis pour de nouvelles aventures.
Pas facile de rester original au bout de 56 albums et pourtant ce nouveau Spirou parvient à intégrer des éléments "actuels" pour ces héros âgés de plus de 80 ans (même si au niveau du dessin, cela ne se voit pas!!!). Des voitures électriques, des réseaux sociaux, des clins d'oeil plein de malice (à des auteurs de BD actuels) et toujours le sens de l'aventure et la capacité à se mettre dans de beaux draps à chaque fois. Avec en plus ce titre mystérieux qui n'augure rien de bon...
Dupuis - 11.90 euros
Ofélia et Otto sont frère et sœur. L’intrigue se déroule pendant la première guerre mondiale et les deux jeunes enfants vadrouillent sur les champs de bataille, portant secours et assistance aux poilus. Ces derniers sont cordialement invités par les enfants à les suivre dans un orphelinat laissé à l’abandon. Ils retrouvent alors sur place Maurice, un autre enfant livré à lui-même et préposé aux basses besognes. En effet, bien que paraissant inoffensifs, ces enfants n’en sont pas à leur coup d’essai et les poilus recueillis n'ont que peu de chance de voir la fin du conflit, terminant plutôt leur destinée dans le garde-manger de ce terrible orphelinat. Pour rajouter un peu de lugubre à l’ambiance déjà bien campée, il va être également question de poupées enchantées et d’yeux (perdu), comme le laisse deviner la couverture de l’album.
On retrouve dans l’atmosphère et l’ambiance de cette BD un coté Labyrinthe de Pan avec ces enfants tentant de survivre dans un monde lui-même désespéré. Comment résister physiquement et psychologiquement, gérer ses problèmes de conscience et bâtir des murs protecteurs pour ne pas sombrer dans la folie pure. Otto sera le personnage qui essaiera de faire bouger les lignes, de ne plus se satisfaire de l’horreur ordinaire et de s’extraire de cet enfer.
Les superbes dessins et le choix de couleurs rendent ce titre intriguant, il pourrait même passer sans problème pour un titre jeunesse, mais la lecture des premières pages le classe définitivement dans la catégorie adulte d’une bédéthèque. Cette opposition entre la dureté de l’histoire et la douceur des traits, tout en rondeur, viennent rajouter un côté dérangeant, oppressant à ce titre original. Une lecture provoquante dans laquelle on sombre dans l’horreur la plus absolue, amplifiée par le fait que ce soient des enfants qui commettent les pires exactions.
Dargaud – 16.50 euros.
En 1814, sur l'île présumée déserte de Pitcairn, un équipage découvre un village doté d'une église et pourtant uniquement peuplé de femmes et d'enfants mélanésiens...La cheffe du village, Maimiti, parle même parfaitement anglais ! Le mystère s'éclaircit quand on découvre une Bible qui semble provenir du HMS Bounty, le navire dont l'équipage s'est révolté et dont les principaux mutins ont disparu sans laisser de trace, vingt-cinq ans plus tôt. Maimiti va alors raconter l'histoire de l'île et de ses habitants: en 1790, les mutins du Bounty, accompagnés de dix-huit hommes et femmes tahitiens, accostent à Pitcairn dans l'espoir d'y fonder une société plus juste. Très vite cependant, des tensions entre les marins et les Tahitiens vont apparaître : les différences culturelles entre les deux peuples conduiront rapidement les hommes à s'entretuer.Avant que l'isolement de la communauté ait raison des derniers d'entre eux. Mais le récit de Maimiti est-il sincère ? Tous les mutins ont-ils vraiment disparu ?
A lire en parallèle de Pitcairn, cette BD chez La boîte à bulles vaut plus par son intérêt historique et anthropologique que par les dessins qui manquent de profondeur.
Boite à bulle - 21.01 euros
Comment réagirait un enfant de 1989 à notre quotidien? Quand on lui parlerait d'application, de téléphone portable, de Deliveroo et autres Uber Eat? Et si en plus cet enfant, c'était nous trente ans plus tôt?
David Snug nous plonge ainsi dans une réalité alternative où il vient lui même se rendre visite avec 30 ans d'écart et le moins que l'on puisse dire c'est que le ressenti est assez violent.
Au delà de l'aspect humoristique, ce sont des questions bienvenues qui sont posées, comme par exemple le fait de commander sur un site de livraison de repas d'un restaurant de proximité et attendre 15 minutes...soit le temps qu'il aurait fallu pour être servi à table...
A lire également du même auteur "Dépot de bilan de compétence" avec le même sens de l'ironie et d'humour qui grince.
Nada - 15 euros
Envie d'une BD humoristique, sans prise de tête sans pour autant oublier la qualité? "Vikings dans la brûme" est le titre parfait.
Au fil des pages, nous suivons les aventures de Reidolf, un chef guerrier, qui une fois la saison revenue, va reprendre la mer accompagné de ses hommes, pour aller faire brûler et piller quelques villages isolés le long des côtes. Oui mais voilà, les augures ne sont pas bons (comme souvent) et l'aventure va vite consister à se retrouver "plantés", la brûme s'étant révellée trop épaisse pour espérer se diriger correctement. C'est à coup de baffes sonnantes et régulières que Reidolf va essayer d'inculquer à son fils (et aussi à son équipage) l'art de la navigation et des excursions punitives réussies. Pendant ce temps, les femmes restées à bon port, pourront enfin respirer et faire un peu de rangement dans leurs halles...en attendant les nouveaux souvenirs de la croisière de leurs conjoints (souvent sous forme d'un casque subtilisé à l'ennemie - avec sa têtes toujours à l'intérieur :-))
Humour très bon esprit sur le côté looser de cette bande de joyeux pilleurs, et comme toujours avec Lupano, les répliques font mouche sans pour autant sombrer dans la facilité.
Un très bon titre dans la continuité des dernières créations de Lupano (Les vieux fourneaux, Le loup en slip, Traquemage et autres Bibliomule...)
Dargaud - 13 euros
Et si Dieu, comme tout le monde finalement, avait des petits coups de moins bien et qu’il peinait à assumer et gérer sa création, pourtant divine ? C’est ce que nous donne l’occasion de constater cet album humoristique dans lequel les grands préceptes de la genèse, qui commence par la création du monde et qui relate par la suite la création du premier couple humain, ne se mettent pas en place tout à fait comme souhaité. En effet, que se passe-t-il vraiment quand on extrait, sans anesthésie une côte à Adam pour créer Eve ? Comment Jésus peut-il arriver à prendre un bain ? Comment présenter les tables de la Loi à des analphabètes ? Comment construire une Arche fonctionnelle quand on ne fourni pas les plans adéquats ?
Une BD au style simple et efficace, peu de décors mais axé sur des personnages qui ne rendent pas la vie facile à Dieu ; un Dieu déjà assez ébranlé qui se rend compte que d’avoir créer l’homme à son image n’est peut-être pas la plus grande réussite de l’univers !
Pataquès – 13.50 euros
On avait assuré Roberto Saviano que sa protection policière, exigées après les menaces de mort reçues liées à la publication de son roman Gomorra, véritable brûlot contre les agissements de la mafia napolitaine, durerait au maximum deux semaines. Cela fait à présent quinze ans que l’auteur italien est obligé de mener cette existence qu’il compare à celle d’un détenu, d’un criminel. Comme si avoir osé présenter la vérité et ainsi se mettre à dos les pires dirigeants du crime organisé et leurs tristes serviteurs l’avait voué à la prison à vie. Roberto Saviano nous plonge dans ses souvenirs d’enfance, quand il jouait au Subbutéo avec son frère ou ses rapports privilégiés avec sa tante, mais aussi des choses simples du quotidien comme faire ses courses ou déambuler au hasard dans la rue, qui lui ont été volées.
Alternant les échanges introspectifs, les rappels historiques, l’incompréhension à laquelle il se heurte parfois (il a fait cela pour l’argent…), ce roman graphique se caractérise par peu de dialogues au profit de nombreux textes qui viennent appuyer un dessin simple, ne consistant parfois qu’en Saviano représenté sur un fond coloré. Des illustrations plus stylisées, plus travaillées, viennent aussi exprimer les attitudes, les réflexions de l’auteur ou de ses ennemis.
Le duo Saviano Hanuka parvient à exprimer avec talent l’extrême solitude mais aussi la rage de l’auteur italien. Ce dernier, malgré les moments de découragement, ne se résigne pas à abandonner et continue son combat qui passe notamment par la sensibilisation à la situation des migrants qui viennent mourir sur les plages italiennes. Comme un exemple d’opiniâtreté et l’expression d’une volonté farouche de ne jamais rendre les armes « intellectuelles » face à l’adversité.
Et au bout du compte, cette fierté de pouvoir dire « salopard, je suis toujours vivant ! »
Gallimard/Steinkis – 20 euros
Et si Walt Disney avait complètement déformé notre perception des contes de fée. Et s’il avait même participé à ce mythe du « contes de fée où les méchants sont méchants, les gentils très gentils et où tout se termine bien à la fin » ? En tout cas, à la lecture de cette BD, lorsque vous apprendrez les versions « originales » de Cendrillon par exemple (car oui, « un conte de fée » peut avoir plusieurs fins alternatives selon le narrateur), il n’est pas certain que vous lisiez de la même façon à vos enfants cette jolie histoire de bal et de pantoufle de vair. Lou Lubie va se faire un malin-plaisir de vous présenter les interprétations des grands contes par Basile, un auteur napolitain du 16ème siècle ou par les plus connus frères Grimm et Charles Perrault. Le moins que l’on puisse dire, c’est que leurs histoires sont légèrement plus pimentées.
C’est une véritable désacralisation qu’opère l’autrice, en rendant aux histoires leur sens premier, à savoir des fables qui se transmettaient surtout par voie orale et pour lesquelles il a fallu attendre le 18ème siècle pour que des transpositions écrites soient établies. Avec des ajustements et adaptations liés à chaque époque. C’est ainsi que Blanche Neige s’est vue affublée dans son titre de sept nains avant la seconde guerre mondiale, selon le bon vouloir du toujours sémillant Walt Disney, soucieux d’aseptiser et rendre mignonne un récit pas si anodin.
Au programme, vous découvrirez de l’ultra violence, des petites touches de sadisme parfois, pas mal de sexisme souvent, et des morales plus que douteuses sur fond de cupidité ou de stupre. Le dessin, simple dynamique et moderne, permet d’enchainer les anecdotes sur les contes que l’on pense connaître par cœur et on apprend donc au final beaucoup de choses sur une époque. Un régal pour les psychanalystes.
Comme l’indique l’autrice, bien veiller à ne pas utiliser cet album pour la lecture du soir…le monde de Walt n’est finalement pas si mal jusqu’à un certain âge.
Delcourt – 24.95 euros
A la fin de la série animée et de son 74ème épisode (en 1977 !!), Actarus, ayant accompli sa mission et vaincu les forces de Véga, s’en est retourné sur Euphor, son monde qui avait été ravagé par les belliqueux extraterrestres. Goldorak l’a donc accompagné et quitté lui aussi la planète bleue, à cent mille lieues (au moins…). Mais dix ans plus tard, une étrange activité se manifeste sur la face cachée de la lune, là où se trouvait justement la base de Véga. La menace se concrétise rapidement lorsqu’un objet inconnu (mais dont on devine très très vite la nature) vient s’écraser sur le Mont Fuji. Les autorités du Japon et plus généralement de la Terre, sont très rapidement submergées. Elles n’ont plus d’autre choix que de faire appel aux vétérans, Vénusia, Alcor et au professeur Procyon en superviseur, tous pourtant rendus à la vie civile. Ils vont devoir se remettre en urgence au maniement des commandes de leurs vaisseaux au sein de « La patrouille des Aigles » et affronter la menace inconnue. Oui mais voilà : il leur manque celui qui avait pour habitude de jaillir du fond de la mer, de bondir jusqu’à Jupiter, le terrible géant des nouveaux temps, le grand Goldorak ! Mais qui sait, peut être que ce dernier n’est peut-être pas si éloigné, bien que là-haut, là-haut, très loin dans l’espace !
C’est donc une équipe française d’auteurs (et surtout de fans) qui a repris les manettes de la mythique série de Go Nagai. Un projet somme toute logique du fait que Goldorak a été une véritable révolution en France et un succès énorme…alors que la série a été beaucoup moins célébrée au Japon ! Bien entendu le style et le rythme ont évolué, on est loin du design « daté » des années 70/80 (excepté bien sur Goldorak qui n’a pas changé d’un pouce !) et des éléments modernes sont apparus (les téléphones portables, internet). Pour le reste de l’histoire, nous sommes en terrain connu : il est bien question de « golgoth », de « métamorphose ! » mais sans le côté caricatural. On peut même rester quelque peu sur sa faim quand on se souvient (peut-être à tort, le temps faisant son œuvre…) des « astéro-hache », « cornofulgure » et « fulguropoings » qui s’enchainaient de manière inéluctable et à un rythme effréné généralement en fin de chaque épisode.
Et c’est en cela que réside la réussite de ce « nouveau » Godorak car on se retrouve avec tous les éléments nostalgiques avec une histoire plus mature, plus sombre et complexe, une reflexion sur la violence et la peur beaucoup moins manichéenne que pouvait être l'animé. Un retour en arrière de plus de quarante ans mais qui ne joue pas uniquement sur l’effet « madeleine de Proust » et qui donne une lecture « adulte » à l’œuvre. Il est conseillé tout de même, avant de débuter la lecture, de revisionner le générique mythique (celui de Noam bien entendu pour le petit côté kitch ») afin de replonger de manière optimale et avec plaisir dans l’univers Goldorak! Et qui sait, peut être que les aventures d’Actarus et de toute son équipe ne font que (re) commencer !
Kana – 24.90 euros
Dans les années 1930, les noms de Lucky Luciano ou Dutch Schultz raisonnent comme les patronymes de dangereux mafieux, pour lesquels la ville de New-York est un terrain de jeu fort lucratif. Il n’en est pas de même du nom de Stéphanie St Clair, resté méconnu alors qu’il était porté par une redoutable gangster-e qui sut tirer son épingle du jeu, justement à la tête de la loterie clandestine du quartier de Harlem. A la fin de la prohibition, celle qu’on tolérait devint une concurrente pugnace et les autres bandits se regroupèrent pour la faire rentrer dans le rang. Sauf que Queenie allait défendre chèrement sa peau.
Ce roman graphique en noir et blanc, aux lignes claires pleines de finesse et aux interludes originaux, retrace la vie de cette femme hors norme, plongée en milieu hostile dès son enfance. Par le biais d’aller-retours dans le temps, de sa jeunesse en Martinique, pauvre et isolée jusqu’au développement de son empire qui la rendra riche, on croisera outre les dangereux truands, des célébrités telles que les musiciens Duke Ellington, Telonious Monk ou l’activiste des droits civiques W.E.B Du Bois ainsi que d’autres figures des mouvements artistiques et culturels de l’époque, tant le quartier de Harlem était un lieu d’effervescence. On lit donc cet album comme si le personnage de Queenie était tout droit sorti de l’imagination d’un scénariste inspiré et on découvre le portrait d’une véritable femme émancipée, dotée d’une autorité naturelle, une personnalité astucieuse, crainte et respectée (pour son aide aux déshérités notamment).
Comme mentionné dans l’excellente préface, permettant de contextualiser la lecture, « la liberté a un prix, la liberté n’a pas de prix, l’Histoire est toujours une affaire de version ». Celle que s’est choisie Stéphanie St Claire, bien loin d’être la plus simple et au-delà de la seule dimension morale (la dame n’était définitivement pas une sainte…), en fait en tout cas un excellent personnage méconnu.
Editions Anne Carrière – 24.90 euros
Juliette Lefevre avait quatorze ans lorsque, le 11 septembre 2001, des avions sont venus frapper les deux tours du World Trade Center, entraînant la mort de 2753 personnes, sans compter par la suite les nombreux décès liés aux émanations toxiques dégagées lors de la destruction des immeubles. Comme lui font remarquer les auteurs de ce roman graphique documentaire, « c’est vraiment le genre d’évènement dont tout le monde peut dire où il était et ce qu’il faisait quand il a su ». A l’occasion d’un voyage à New York 20 ans plus tard, Juliette se remémore le drame et surtout les composantes et impacts de l’attentat : bien entendu les morts mais aussi la riposte politique et militaire, la déstabilisation mondiale, le « Patriot act » et autres mesures visant à protéger mais également surveiller et espionner en remettant en cause les libertés individuelles de chacun. Également le ressenti d’une gamine de 14 ans, démunie devant ces images qui tournent en boucle et que même les adultes ont bien du mal à analyser et expliquer.
Cet ouvrage retrace la catastrophe en exploitant le point de vue de différents protagonistes (salariés du WTC qui sont parvenus à fuir, les pompiers présents sur le site, Juliette à plus de 6 000 kilomètres…) permettant de mesurer ses effets à la fois de manière individuelle mais aussi sur la trajectoire de l’humanité dans son ensemble. Avec un dessin sobre, nuancé de gris rappelant la fumée dégagée lors du drame, les auteurs Baptiste Bouthier, journaliste et Héloïse Chochois, illustratrice spécialisée dans la vulgarisation scientifique, nous donne un angle de réflexion allant au-delà de l’aspect émotionnel, une contextualisation froide d’autant plus glaçante que s’ouvre en France le procès des attentats de novembre 2015.
Avec la destruction du WTC, qui se targuait d’être le centre névralgique de l’économie, c’est une conception du monde qui s’est également écroulé : une nouvelle ère dans laquelle la terreur peut frapper à tout moment, n’importe qui et n’importe où. Un rappel nécessaire sur la fragilité de notre condition.
Topo Dargaud – 18 euros
L’histoire de ce comics débute par un interrogatoire serré d’un homme, Mickael Blackburn. Ce dernier a été envoyé pour le compte de la Terre sur une exoplanète habitable qui intrigue et dont on veut avoir une description plus aboutie en haut lieu. Fait prisonnier, Blackburn va essayer d’échapper à ses geôliers et résister aux représailles du gouvernement local qui voit d’un très mauvais œil qu’un individu puisse donner l’idée aux armées terriennes de débarquer sur leur territoire. Blackburn va rencontrer au sein de la prison Grace Moody, une prisonnière de droit commun, avec qui il va s'associer dans sa tentative de fuite. Leur objectif va être de rejoindre « La plage cimetière », un secteur qui a servi de point de chute à Blackburn et qui représente donc leur seule chance de salut pour retrouver la Terre. Mais avant cela, une folle course poursuite va rapidement s’engager avec les autochtones composés à la fois d’humanoïdes mais aussi de créatures monstrueuses, bien décidés à contrecarrer leur envie d’ailleurs.
Titre « one shot » chez Urban Comics, une intrigue qui tient sur un timbre-poste mais un récit rythmé dans lequel les phases d’action s’enchaînent et laissent peu de temps au lecteur de se poser des questions métaphysiques. Ambiance Mad Max pour les phases en véhicules (mais volant et fortement armés), Alien pour les autochtones qui cohabitent (plus ou moins) avec les humanoïdes, des plans acrobatiques et des explosions qui succèdent aux cascades les plus débridées.
Alors, adepte de BD contemplatives avec des petites fleurs de champs et de la guimauve, ce n’est peut-être pas le titre qu’il vous faut. Par contre, en recherche d’une BD d’action pure qui ne laisse pas le temps de reprendre son souffle et bourrée de rythmes syncopés et de sensations fortes, foncez !
Urban Comics – 16 euros
L’actrice Hollywoodienne Jayne Mansfield, connue également sous le surnom « Le Buste », s’est retrouvée dès sa sortie de l’adolescence dans une situation paradoxale : être dotée d’un physique sculptural (102-53-91 pour 1m68) et vouloir percer dans le milieu de la comédie qui la faisait rêver depuis son enfance et s’en servir sans pour autant être réduite à cette unique approche « plastique ». Parlant plusieurs langues, avec un QI de plus de 160 et une capacité de mémorisation supérieure à la moyenne, ses caractéristiques auraient pu/dû lui permettre de parvenir à tirer son épingle du jeu. Manifestement, ce fut un échec puisque sa carrière l’a trop souvent vue endosser les rôles de ravissante idiote blonde très loin des jeux d’actrice de grands classiques shakespearien qu’elle imaginait. Enchaînant tout autant les histoires d’amour boiteuses que des rôles insignifiants, alternant les happenings médiatiques et les soirées cabaret au rabais, elle attendait la rencontre avec un pygmalion qui aurait sut (re)lancer sa carrière. Malheureusement, le cocktail alcool/médicaments et la progressive immersion dans le côté maléfique du showbiz la mènera à cette nuit de juin 1967 sur une route de Louisiane où elle rejoindra dans la légende son modèle de toujours Marylin Monroe.
Paraissant dans la collection Glénat 9 ½ (déjà chroniquée pour l’album sur Patrick Dewaere) voici une BD parfaite pour mieux connaître le parcours d’une actrice mythique. Le dessin assuré par Roberto Baldazzini, illustrateur et auteur de BD italien principalement connu pour des œuvres érotiques, a su rendre hommage aux charmes de l’actrice peroxydée (très bel Art Book en fin de l’album). Le scénario, confié à J M Dupont connu pour son roman graphique Love in vain sur Robert Johnson, nous présente une femme indépendante et forte, avide de reconnaissance et mal entourée, qui peu à peu s’est retrouvée dans une boîte qui s’est refermée sur elle et dont elle n’a pas pu s’extirper.
Finalement une triste histoire et assez banale du rêve Hollywoodien des années 60 : comme souvent une jeune fille née avant la seconde guerre mondiale qui se voulait la nouvelle Marylin, qui tout comme elle a emprunté les chemins tortueux de la gloire et finalement s’est retrouvée exploitée et conditionnée par une industrie toujours friande de beautés décadentes pour sublimer sa légende.
Glénat – 22 euros
Basée sur des faits réels, cette BD nous expédie aux Etats-Unis, en pleine récession à la fin des années 30 et plus précisément dans une région rapidement surnommée « Dust Bowl ». Du fait de conditions météorologiques exceptionnelles (il n’avait pas plu pendant de très longues périodes) des surfaces jusqu’alors couvertes de prairies sont devenues arides et une zone ovale (englobant une partie du Kansas, du Texas, du Nouveau Mexique, du Colorado et de l’Oklahoma) s’est peu à peu dessinée. A cette époque, il n’était pas rare que la nuit y tombe en pleine journée car des tempêtes dantesques balayaient tout et ensevelissaient même les habitations.
Dans cette histoire, John Clark, un jeune homme de vingt-deux ans postule à un emploi proposé par la Farm Security Administration consistant à photographier cette situation catastrophique. L’objectif est d’une part de sensibiliser la population américaine à ce véritable fléau et d’autre part d’accompagner le programme d’aide et de relocalisation pour les habitants de la zone qui souffrent à la fois économiquement et physiquement (le poids des mots mais surtout le choc des photos…). C’est un véritable cahier des charges qui lui est remis avec des figures imposées (immortaliser une tempête de sable en gros plan, des orphelins, des maison abandonnées), mais une fois sur le terrain, la froideur émotionnelle d’une photo se heurte à la réalité. Il lui faudra alors accepter de sortir du cadre de son appareil photographique pour se rendre compte de la réelle détresse et du drame humain en cours.
Magnifique album, alternant les photos d’époque et des plans de paysages ravagés par la poussière qui s’insinue partout, les dessins de DE JONGH dépeignent parfaitement l’extrême dénuement des habitants, qui étaient poussés à l’exode pour espérer seulement survivre. Le thème de cette BD rappelle bien entendu « Les raisins de la colère » de Steinbeck et associe le choc sociologique de la grande dépression aux aléas climatiques. Points fort également de ce roman graphique : mesurer l’impact écologique de l’homme sur son territoire qui est parvenu à rendre invivable une partie du pays (des labours intensifs ont accéléré l’érosion de la terre…). Et la nature de son côté resta souveraine : un jour il se remit à pleuvoir…
Dargaud – 29.99 euros.
Quand on ne supporte plus les chouquettes du boulot à 10h, que le réveil sonne, sonne, sonne (quand il ne triche pas…) beaucoup trop longtemps, que la sortie loisir dans son couple consiste à assister à la circoncision des bébés loutres à 17h au parc zoologique, il est grand temps de franchir le pas : tout plaquer et se mettre enfin à l’écriture de ce roman dont on rêve et qui comme de nombreux rêves peine à devenir réalité. Peut-être aussi l’occasion de changer de psy, de compagne et pourquoi pas faire de nouvelles rencontres (une jeune et jolie éditrice par exemple ??). Mais est-ce si simple ? Partir un jour, sans retour comme le disaient si pertinemment les 2B3 (surtout le regretté Filip…) et sans se retourner, ne pas regretter…mais manifestement, la voie du bonheur n’est pas la plus facile à trouver.
Cet album, nous présente donc un quarantenaire parisien assez caricatural qui ne sait plus où il habite, qui se retrouve face à lui-même, à ses failles, ses peurs et ses lâchetés. On assiste donc à sa lente descente aux enfers, pleine d’humour, où quand la réalité s’avère beaucoup moins plaisante que la fiction et que les complexes et névroses prennent le pas sur la meilleure volonté…
Une BD plaisante sur l’introspection, assez rude envers les psys et qui insiste sur la difficulté à réussir à vaincre ses démons et profiter pleinement d’une nouvelle vie idéalisée. Déjà, avant toute chose, décider une bonne fois pour toute que les chouquettes du boulot à 10h ça suffit (et même si c’est jeudi et qu’à la cafète c’est couscous !) Après…advienne que pourra !
Casterman – 21 euros
Quoi de mieux pour fidéliser ses paroissiens/clients que d’avoir installé un bar le long d’un des murs de l’église de Kilkenny ? Sur le papier (ou le zinc) cela fonctionne plutôt bien mais certains ne le voient pas du même œil. Le curé reste stoïque, assidu à sa tâche divine, et exerce même son art oratoire devant un public conquis : un troupeau de moutons qui paissent paisiblement derrière l’église (décidément bien entourée). Le représentant de dieu a même acquis un certain statut divin auprès de ces fidèles ouailles ovines (bien qu’ils ne comprennent absolument pas ce qu’il leur raconte…mais, faute de vin de messe, il sait les récompenser par des petites friandises fort appréciées). Tout va donc à peu prés jusqu’au jour où le curé ne se présente pas devant ses moutons. Le lendemain non plus. Un écureuil et un vieil hibou (atteint d’insomnie…) vont donc mener l’enquête pendant que les moutons se chamaillent quant à la succession de l’homme de foi et que les hommes, fidèles à eux même, ne sont pas en reste. Il se dit même que le bon curé a été assassiné…
BD qui utilise à merveille l’anthropomorphisme pour aborder la cause religieuse et ses rapports de force plein de petites perfidies que ce soit à deux ou quatre pattes. Un humour rafraichissant et une histoire qui mélange religion, pub irlandais, et surtout avec plein de moutons ce qui n’est pas si courant pour ne pas en profiter pleinement !
Soleil- 14.50 euros
Le travail d’un homme de loi, en l’occurrence notaire dans une étude qui se consacre à la copie d’hypothèques, de titres de propriété et de valeurs mobilières, nécessite rigueur et professionnalisme. Les affaires étant plutôt florissantes, les deux scribes employés au sein du cabinet peinent à suivre la cadence. Tout s’accélère en ce milieu du 19ème siècle, qui plus est dans ce centre névralgique des affaires que devient la ville de New-York et son quartier de Wall-Street. C’est donc avec un certain soulagement que le propriétaire de l’étude voit arriver Bartleby, un jeune homme bien sous tous rapport semble-t-il, envoyé par la ville pour soulager l’équipe. Il paraît sérieux, se montre appliqué dans ses copies mais lorsque son employeur va lui demander « un peu plus » que cette tâche, il va se trouver désarçonné par sa réponse : « je préférerais pas » lui rétorque-t-il. Sa décision semble irrévocable et va même devenir peu à peu sa seule objection à toute demande. Comment ramener la norme et donc la sérénité au sein de son étude avec ce genre de comportement ?
Roman graphique tiré d’une nouvelle d’Herman Melville, ce sont tout d’abord la qualité du trait et l’utilisation de couleurs froides, donnant un effet évanescent à la ville de New-York et à l’univers de Bartleby, qui attire l’œil. Par la suite, c’est le fond de l’histoire qui nous intrigue avec la facilité de ce jeune scribe à se mettre en retrait, à ne pas accorder d’importance à ce qu’on lui demande, à briser les règles tacites des relations professionnelles. Et donc finalement plonger son employeur dans l’embarras. A ce rythme, la société, peu habituée à ce genre de comportement, s’en trouverait durablement bouleversée, perdant ses repères et se retrouvant face à une menace ingérable (excellente postface d’Alex Romero à ce propos). Et si c’était par cette résistance passive que résidait la solution à l’accélération, le toujours plus vite, plus et mieux qui nous est préconisé comme unique destin ?
Une très belle adaptation qui vous donnera surement envie de lire ou relire la nouvelle originelle, à moins que vous ne suiviez le mantra de Bartleby…et pour le coup, ce serait dommage.
Dargaud – 15.99 euros.
L’histoire se déroule en 1975 lorsque le fondateur de l’entreprise BERCOP, spécialisée dans les photocopieurs, confie à son fils Jean-Yves la direction du pôle recherche et développement. Ainsi, d’une fiction, on se rapproche tout de même fortement de la réalité puisque des ingénieurs ont travaillé et développé à cette époque un réseau intitulé « Cyclades » qui était très proche de notre internet actuel. Le labo va être la subdivision créée par Jean-Yves pour mettre en route un projet d’ordinateur révolutionnaire, avec système d’exploitation et « musaraigne » pour interagir avec lui, après qu’il ait eu une « illumination » (petit indice sur la couverture).
Comme souvent, la révolution va se heurter à la réalité et va donner lieu à des tensions avec les autres équipes de la boite, à une époque où les mœurs évoluent petit à petit mais dans un monde où les femmes doivent encore supplier leur mari pour pouvoir passer leur permis de conduire. La sœur de Jean-Yves, Nicole, sera d’ailleurs victime de cette attitude paternaliste (mise à l’écart de l’entreprise familiale, comme transparente) mais saura tirer son épingle du jeu sur la durée.
La fin de l’histoire, vous la connaissez surement puisque la France optera pour le minitel qui triomphera pendant de nombreuses années…exclusivement en France (une célèbre libraire roannaise a même utilisé ce formidable outil jusqu’au milieu des années 2000 pour passer ses commandes ! pas de nom mais vous pouvez tout de même la retrouver au très beau magasin « Jardin de Papier » où depuis elle est entrée de plain-pied, et avec une certaine volupté teintée de nostalgie, dans le 3ème millénaire !).
BD très agréable avec une histoire fluide et bien développée, teintée d’humour et de situations qui bien que fictives paraissent totalement plausibles (jeux politiques, appropriation des « bonnes pratiques » par les entreprises américaines). A la fin de l’ouvrage, un historique nous est proposé, avec les vrais personnages et entreprises, et permet de mettre en avant le fait que les décisions politiques dans notre beau pays ne sont pas toujours des plus inspirées…
(En complément, nous vous conseillons le roman d’Eric REINHARDT publié en 2020 intitulé « Comédies françaises » qui aborde le même sujet)
Dargaud – 18 euros
Dans le premier tome, nous avions quitté Jean-Eudes de Cageot-Goujon aka Manu Larcenet en pleine dépression, effrayé de ne plus connaître l’inspiration et l’originalité. Nous assistions donc à son installation à la clinique psychiatrique « Les petits oiseaux joyeux ».
Depuis, Manu y est très bien traité, appréciant beaucoup les « remèdes » qui participent grandement à son bien-être qui reste fugace car sa quête est malheureusement pour lui toujours dans l’impasse. Comment retrouver son statut « d’incomparable génie de l’art séquentiel international » comme l’avait qualifié au temps de sa splendeur le Washington Review of Fancy comics ?
Manu Larcenet, dans cette nouvelle aventure mentale, va donc inviter tour à tour Baudelaire, Nicolas Boileau, Friedrich Nietzsche, et connaître les joies de la création au sein de l’atelier de dessin de son institution préférée. Il prolonge ainsi cette plongée dans l’autodénigrement, avec beaucoup d’humour et de dérision sur lui-même, n’oubliant pas de donner quelques petits coups de crayons taquins à ses camarades du milieu de la BD (Fab Caro en tête et les auteurs sans inspiration qui se tourne vers le western ou des biographies de féministes mortes…).
Le style est varié, Larcenet a, quoi qu’il veuille nous faire croire, le talent pour passer dans son récit du style SF au western et même à s’approprier le style des autres auteurs. Quoi qu’il advienne, le travail introspectif ne semble pas encore terminé puisque l’ouvrage se termine sur un « A suivre » alléchant.
Dargaud – 15 euros.
1832 - Connecticut
Quand la charmante Miss Crandall, professeur de la charmante petite école pour jeunes filles, annonce qu'elle va accueillir des jeunes filles noires, la réaction des habitants est d'une violence inouie. 30 ans avant l'abolition de l'esclavage, alors que les noirs sont déjà libres dans cette partie nord des Etats-Unis, leur éducation et encore plus l'éducation des filles semblent inconvenable : elles n'ont pas besoin de savoir lire et écrire pour effectuer les tâches qu'on va leur demander.
D'autant plus que quelques mois auparavant, des tueries ont été perpétrées contre des propriétaires blancs par une bande d'esclaves menée par Nat Turner, un esclave qui savait lire et écrire ! Pour les habitants de Canterbury, instruction rime avec insurrection. L'affaire sera portée devant les tribunaux, Prudence Grandall sera emprisonné. Mais la graine est semée et rien n'arrêtera désormais la transmission du savoir.
La douceur du trait et des couleurs de Stéphane Fert ("La peau de mille bêtes") donnent une force d'évocation merveilleuse au scénario de Willfrid Lupano (les vieux fourneaux) qui s'inspire de faits réels pour raconter cette histoire de solidarité et de sororité.
Prenez le temps de lire l'émouvante postface de Joanie DiMartino, conservatrice du musée Prudence Grandall.
Ed. Dargaud - 19,99 €
Il n'est jamais bon à vouloir jouer au plus malin avec la mafia. Celle du Mexique ne fait pas exception et dispose même d'un certain savoir faire reconnu en la matière pour réagir si on la provoque. A première vue, Jacques Ramirez, entre deux âges, muet, employé plutôt modèle au sein de la Robotop (le plus grand fabriquant d'aspirateur du monde de l'univers de l'Arizona) semble bien loin de cette menace. Son principal fait d'arme reste tout de même sa capacité à réparer un aspirateur...les yeux bandés. Et pourtant, en plus de croiser la route des gros bras d'Hector Rodriguez, le parrain mexicain courroucé, il va pouvoir apprécier de plus près les plastiques avantageuses de Chelsea Tyler et Dakota Vacuumier 2000 (la poussière s'est son affaire !), la pression reposant sur ses frêles épaules ne va cesser de grimper.
Pour l'instant, deux tomes de cette série déjantée sont sortis. Hommage aux films "bad ass" des années 80, soupoudrés de situations tarantinesques, Nicolas Petrimaux s'est amusé avec les codes de cette période pour créer un mode alternatif, parsemant ses albums de pubs, de bande-annonces qui n'auraient pas eu à rougir si elles étaient sorties en 1987. Que ce soit dans l'esthétique générale (ah ces moustaches resplendissantes et ces petits blousons en skaï rouge...) ou grâce aux clin d'oeil présents pratiquement dans chaque case, on prend un plaisir certain à retrouver l'esprit et les icones des années 80, une époque où les "Tulip N'Rifles" auraient très bien pu être tête d'affiche d'un festival de rock !
Comme l'indique le sticker sur la couverture du second tome, "ne feuillette pas trop cet album, tu risques de te faire spoiler très fort" donc foncez d'abord sur le premier et "welcome to the jungle" !
(La bande annonce du premier tome : https://www.youtube.com/watch?v=i2fWR9qkcN4
Glénat - 19,95 et 22,95€
La nouvelle est un genre littéraire à part entière dans l’univers de la littérature. De nombreux auteurs se sont prêtées au jeu de ces créations courtes, qui doivent par leur intensité, réussir à plonger rapidement le lecteur dans une histoire crédible, dans laquelle la palette des sentiments et pensées des personnages doivent être concentrées, exacerbées.
Les exemples en BD sont moins fréquents, et c’est donc dans le cadre des 25 ans du festival du polar de Cognac que les Humanoïdes Associés présentent un projet intitulé Shots entre amis à Cognac. Préfacé par Olivier Marchal, réalisateur et Bernard Bec, le créateur et directeur du festival, ces derniers reprennent l’historique de la manifestation qui a lieu depuis 1996 avant qu’une trentaine d’auteurs, dessinateurs, scénaristes prennent le relais. Ainsi réunis, ils nous proposent dans cet ouvrage un large panel de styles et d’ambiances ayant pour sujet central le meurtre qui reste l’essence même du polar, comme le fût de chêne nécessaire au vieillissement du précieux breuvage éponyme du festival.
BD agréable par la diversité de ses genres, on peut aussi l’apprécier ne serait-ce que pour découvrir et noter les noms des différents participants et se plonger dans leurs travaux respectifs.
Humanoïdes Associés - 17.99 €
A la fin du 19ème siècle/début du 20ème, les Etats-Unis sont encore une jeune nation et ont besoin d’une main-d’œuvre serviable pour développer leur emprise économique mondiale. Espérée comme une terre promise par de nombreux européens, l’immigration est alors composée d’une forte communauté italienne qui quitte la misère, notamment du sud de la botte, pour en découvrir une nouvelle.
Après la traversée, qui a coûté généralement une bonne partie des économies des migrants et de leurs familles, des contrôles sont mis en place à l’entrée du territoire américain et ne sont pas une partie de plaisir. Exception faite, bien entendu, si vous faites partie d’une petite minorité de gens fortunés qui disposent alors de passe-droit. Pour les autres, c’est plutôt comme du bétail en sursis que sont gérés les postulants.
Ellis Island, située à l’entrée du port de New York pas très loin de la statue de la liberté qui fascine tant les nouveaux arrivants, a été spécialement aménagée pour le traitement administratif de ces nouveaux arrivants. Le passage entre les mains des zélés agents administratifs se solde parfois par un brutal retour au pays pour ceux qui ne respectent pas les critères minimums requis pour devenir de bons américains.
Le premier tome de cette BD nous propose de découvrir, entre autres, deux personnages, l’un ne parlant pas anglais, l’autre frappé par une difformité à un pied, qui vont devoir saisir rapidement les subtilités des agents administratifs et ainsi espérer franchir cette première étape cruciale. A la clé, les précieux dollars qui font miroiter une vie meilleure pour soi mais aussi par ricochet pour les proches restés au pays.
Dans la lignée du roman America de Michel Moutot, on découvre les difficultés et les douleurs psychologiques, subies par ces candidats au nouveau monde, gérés comme des animaux, pour qui le rêve américain passera par les critères par qui il s’exprime le plus souvent : argent, corruption, pouvoir, violence. L’occasion également d’aborder le sujet de la Mafia qui n’est jamais très loin et des drames humains qui en résultent.
Bamboo - 14.90 €
En ce début des années 70, il règne une ambiance délétère aux Etats-Unis. La guerre du Vietnam bat son plein et les troupes s’enlisent dans un conflit sans fin. Nixon semble perdre pied et la grogne prend de l’ampleur, notamment sur les campus étudiants principaux fournisseurs de la chair à canon.
Le complexe de Kent State, dans l’Ohio, est une importante université publique du pays avec 21 000 étudiants inscrits. Il s’agit d’une faculté « populaire », composée de fils et filles d’ouvriers de la Rust Belt. Ses jeunes se retrouvent d’autant plus impactés par la conscription qu’ils ne disposent pas des relations ‘utiles’ pour reporter voire annuler leur enrôlement (contrairement à un certain Donald T qui repoussera plusieurs appels et se verra finalement exempté pour une pathologie d’excroissance osseuse au talon…)
Le SDS (Students for Democratic Society) est l’une des plus vastes organisations de protestation étudiante et coordonne les manifestations qui naissent sur l’ensemble du territoire pour protester contre le prolongement du conflit armé. Implanté à Kent State, le SDS fait l’objet de toute l’attention du gouvernement qui a bien entendu infiltré le campus avec ses agents du FBI afin de surveiller une menace qui pourrait impacter l’opinion publique (avec une petite paranoïa communiste en arrière-plan, bien entendu). La garde nationale, composée de militaires au rabais, est également malheureusement de la partie.
La BD de Derf Backderf présente donc le contexte de l’époque en s’intéressant aux quelques jours qui ont précédé la mort de 4 étudiants innocents tombés en raison de l’incompétence, de l’épuisement et du zèle d’un ensemble d’individus non préparés (décisionnaires et exécutants).
Ouvrage qui a fait l’objet de recherches solides (on retrouve à la fin du recueil une vingtaine de pages de notes qui permettent d’approfondir la lecture déjà explicite), on peut lire cette BD comme un documentaire graphique dans lequel les années 70 sont retranscrites par un trait purement comics. L’occasion de se plonger dans un épisode douloureux de la présidence Nixon qui verra l’affaire du Watergate assurer définitivement sa sortie de scène politique.
Editions ça et là - 24 €
Cette BD est une merveille: dessin soigné, scénario fouillé, tout est parfait. Sur fond de colonisation de l'Inde par la Compagnie anglaise des Indes orientales et de conflits d'intérêts entre les souverains des royaumes autour de Calicut, un vampire débarque avec le désir de reprendre à zéro une existence trop compromise en Angleterre. Mais il ne se doute pas que d'autres créatures encore plus anciennes et puissantes règnent sur ces terres.
La violence et les légendes se côtoient dans cette région où se déchaînent les passions: les vampires ne sont pas les seuls insatiables et beaucoup de promesses ne seront pas tenues.
"Sur les rives de l’Indus, les jours sont brûlants, et les nuits, pleines de crocs."
à lire absolument!
HiComics - 17.90 €
A la fin de la Seconde Guerre Mondiale, une jeune russe, Evguenia, arrive à Berlin pour authentifier les restes d'Hitler. Elle occupe une chambre réquisitionnée chez Ingrid, jeune femme allemande sans nouvelles de son mari. La méfiance entre les deux femmes va évoluer vers une amitié en apparence impossible. Elles se dévoilent peu à peu à travers leurs journaux intimes. Si la guerre a pris fin, les combats pour survivre sont quotidiens dans un chaos dont l'occupant tire partie pour assouvir ses instincts les plus violents. Inspiré de faits réels, le récit n'en est que plus glaçant quand il aborde les épisodes les moins reluisants de cette période. Mais l'auteur sait aussi nous montrer que ces deux femmes, qu'il dessine sans bouches (!) dans ce monde largement dominé par les hommes, vont, malgré leurs profondes différences, apprendre à se connaître, à s'apprécier, à découvrir un sentiment de sororité qui laisse un espoir diffus à la fin de la lecture dont on sort révolté par tout ce dont les hommes sont capables en matière d'humiliations et de sévices envers les vaincus.
On pourra lire sur le thème de l'invasion de l'Allemagne par les russes, le bouleversant roman d'Alvydas Šlepikas, « À l'ombre des loups » paru chez Flammarion au mois de janvier.
Casterman - 25€
‘La peur. Le désintérêt. L’inconnu. Car l’épidémie qui vient de frapper la planète entière depuis la fin du mois de septembre 2020, ce virus inconnu que l’on a surnommé « la Grande Souche » et qui a déjà tué plus de 125 millions de personnes dans le monde en seulement deux semaines (…) constitue une menace sans précédent pour l’Humanité’.
Encore un ouvrage expédié par des Cassandre, visionnaires après coup (pas de nom, la liste est longue et nous ne sommes qu’au début…), qui surfent sur le COVID 19 ?
Et bien non. Cette BD a été imprimée en décembre 2019.
Dans ce premier tome, nous sommes immédiatement plongés dans une ambiance postapocalyptique qui se déroule quelques temps après l’épidémie. Un rappel contextuel sous forme d’extraits de journaux permet d’apporter des précisions sur la catastrophe planétaire qui a mis l’humanité à genoux, sans pour autant tout dévoiler.
Le peu d’humains encore en vie se sont regroupés. Certains avec une vision pacifique et l’envie de reconstruire quelque chose. D’autres se sont auto-proclamés comme étant la résistance et s’expriment par la violence. Une menace les écrase tous : Les Dominants. Ces derniers ont-ils un lien avec ce qui s’est passé ? En sont-ils la cause ? Le résultat ? Sont-ils ici pour détruire les derniers humains ou plus simplement matérialiser les travers de l’homme ?
BD nerveuse et dynamique, avec peu de dialogue et un découpage qui valorise les scènes d’action, ce premier volume laisse envisager de belles promesses pour la suite. Le tome 2 paraitra, si tout va bien, à la rentrée de septembre 2020...
Glénat - 14.95€
Florence Dupré La Tour signe sa deuxième BD autobiographique et aborde le thème de la sexualité, sujet tabou dans sa famille (mais pas que dans la sienne) alors que cet épisode se déroule dans les années 80. Forcément, en tant que femme devenue adolescente à cette époque, de nombreuses situations et questionnements relatés par l'auteure me sont revenus en mémoire. Non, on ne parlait pas de ces choses-là, et la colère intérieure ressentie par cette petite fille face aux non-dits des adultes, semblera familière à beaucoup d'entre nous. L'humour, l'autodérision, le dessin "cartoon" voudraient masquer la violence de la trahison psychologique subie par l'enfant en butte aux silences et à l'hypocrisie des grands, ceux qui savent. Comment grandir quand n'être qu'une fille semble être le pire des destins?
La religion catholique dans laquelle Florence est élevée, l'enferme un peu plus dans une culpabilité écrasante. Le dessin rose se mue en rouge colère et en rouge sang , en noir d'angoisse niché dans sa poitrine: sous l'apparence de la simplicité, le graphisme et le découpage servent une narration aboutie et va au-delà du récit personnel pour en faire un manifeste pour l'éducation des filles.
Prolongement: le roman de Camille Laurens "Fille" chez Gallimard, à paraître en août 2020.
Dargaud - 19.99€
Ce n’est pas uniquement le 1er janvier que l’on peut prendre des bonnes résolutions et décider d’arrêter de fumer. La période estivale, qui plus est post-confinement, peut donner envie de changer d’air et donc de mettre fin à sa terrible addiction à la nicotine.
Attention cependant. Dans cette petite BD, ne vous fiez pas au titre pourtant accrocheur, on est très loin des propos d’une énième méthode pour mettre fin au tabagisme. Il s’agit plutôt d’une succession de petites histoires loufoques, ayant pour vocation de restituer l’absurdité manifeste d’inhaler une centaine de produits toxiques à chaque cigarette grillée.
Une fois cette précision apportée, on appréciera les petites saynètes à leur juste valeur, simples, parfois « enfantines » et tout aussi légères qu’un rond de fumée.
Une petite bouffée d’oxygène qui ne se prend pas au sérieux, pleine de second degré sachant que l’objectif avoué de l’auteur est uniquement de rendre le monde meilleur en faisant des fumeurs repentis des personnes parfaites !
A noter d’autres méthodes aux éditions FLBLB pour arrêter de grossir ou arrêter de perdre ses cheveux. Tout un programme !
Editions FLBLB - 9.99 €
En cette année de commémoration de la naissance de Boris Vian (10/03/1920-23/06/1959), Glénat publie les adaptations en bande-dessinées des polars que l’auteur de L’écume des jours a écrit sous pseudonyme (Vernon Sullivan).
L’avant-propos de l’ouvrage précise que Vian avait choisi de sortir ainsi certains de ses textes pour régler ses comptes avec la société bien-pensante de l’époque, en souhaitant rester fidèle à sa pensée. L’art de mettre l’excentricité au service de la révolte et avancer masqué derrière son image de désinvolte.
Car dans ce titre « Les morts ont tous la même peau », il s’agit bien d’un sujet dramatiquement sérieux. Dan est un blanc qui mène le jour l’existence classique du couple américain avec femme et enfant dans ce milieu des années 40 où le jazz et la débrouille sont rois. Le soir venu, il endosse son costume de responsable de la sécurité dans un club de jazz louche. Il se transforme alors en être hyperviolent, se vautrant par la même occasion dans tous les péchés que peuvent lui fournir la nuit New-yorkaise. Les deux univers, qui jusqu’alors coexistaient de manière paisible, s’entrechoquent lorsqu’un dénommé Richard, qui se présente comme son frère, vient le faire chanter ; Richard est noir et il menace de révéler ce secret aux proches de Dan, en commençant bien entendu par sa femme. A partir de ce moment, les évènements vont se précipiter entrainant Dan dans une chute libre mêlant quête d’identité et perte de contrôle totale.
. S’adressant à un public averti, le trait retranscrit l’ambiance glauque des clubs de New-York à une époque où cette ville est encore la cité reine des vices et de la violence. A noter la présence de deux dessinateurs ce qui provoque de petits changements de style qui ne s’avèrent au final pas déstabilisant. Le sujet de cette BD est donc troublant quand on le compare avec ce qui vient de se passer aux Etats-Unis en juin 2020 avec le drame de Georges Floyd. Boris Vian a écrit son livre en 1947…
Glénat - 19.50€
Qui a dit « Quel homme eut été Balzac s’il eût su écrire » ou « La moralité publique y gagne beaucoup et la littérature n’y perd pas grand-chose » à la mort d’André Gide ? Vous le saurez en ouvrant cette Bd proposée par les éditions Lapin, basées à Lyon, connues pour leur ligne éditoriale à base d’humour noir et absurde.
A l’ère de Twitter et des snipers programmés pour dézinguer à tout va, il est fort à parier que ces flingueurs du 21ème siècle auraient eu de sacrés compétiteurs s’ils avaient côtoyé ces hommes et femmes de lettres. Une constante au fil du temps : il a toujours été difficile de se supporter, surtout entre individus dotés d’un certain égo.
Pour la majorité d’entre eux (elles), leurs textes sont étudiés à l’école, leur style et leur maîtrise de la langue française les ayant rendus immortel(le)s. Pourtant, il est rarement évoqué leur côté misogyne (« les femmes ressemblent aux girouettes, elles se fixent quand elle se rouillent » signé Voltaire), perfides (« la vie est trop courte et Proust est trop long » Anatole France) et leurs inimitiés qui donnaient lieu à des surnoms « affectueux » (Simone de Beauvoir devenant La grande Satreuse). On pourra découvrir aussi les propos racistes ou homophobes de certains…
Cet ouvrage aux dessins stylisés, simples, aux dégradés noir/gris/blanc, aborde les moments culte des auteur(e)s (le passage de Bukowski à Apostrophe par exemple), les rapports à la drogue, à la nourriture, aux animaux (!!!), les morts et comportements pas toujours glorieux de tout ce petit monde.
On apprend donc beaucoup au fil des pages, des éléments pas forcément essentiels pour apprécier les œuvres littéraires mais qui permettent de mettre en lumière des détails ou anecdotes plus ou moins connus. L’occasion aussi de donner du grain à moudre à la polémique sur la distinction entre l’œuvre et l’artiste…
En tout cas, comme le précise très bien la préface de l’ouvrage, entre les petits secrets, les mensonges, les insultes et les sales coups, derrière chaque grande femme ou grand homme de lettres, il y a (peut-être) un bon gros bâtard !
Editions Lapin - 13 €
Que les amoureux des chats et les âmes impressionnables passent leur chemin: cette BD, comme son titre l'indique, est très sombre et la violence quasi omniprésente.
Nous sommes dans les années 70 et nous suivons Jacques, 14 ans, dans un village près de Toulouse, que l'enfance maltraitée et les circonstances vont conduire, pour meurtre, en maison de correction. Les amitiés qu'il va y nouer et, il faut bien le dire, un certain penchant pour le chantage, vont le mener tout droit dans le crime organisé. Et il est plutôt doué, porté par un désir de revanche sur la vie et sur les adultes qui ont été si décevants.
Un polar bien noir, bien ficelé: c'est malsain à souhait mais d'une logique implacable. Le drame rural tourne au brigandage urbain jusqu'au final qui remet toutes les pendules à l'heure.
Au fait, quel goût a le pâté que vous vend votre boucher?
Grand Angle - 16.90€
Fatigué des polémiques ? Etouffé par l’actualité et besoin de changer d’air ? Si vous présentez ces symptômes, pas de panique, il vous suffit de vous plonger dans cette bande dessinée de Simon Hureau !
« Il faut cultiver son jardin ». L’auteur a pris au pied de la lettre cette citation en décidant de redonner vie à un terrain en friche. Une dizaine d’années seront alors nécessaires pour atteindre son but.
C’est à l’occasion d’un investissement immobilier que se profile l’opportunité de récupérer ce jardin « domestiqué » avec ses murs de parpaings, parterres de fleurs et tuyas normalisés. L’objectif ? supprimer ses entraves et lui rendre sa liberté.
Dans cette bande dessinée aux traits soignés et précis, l’auteur a su alterner les plans traditionnels qui développent l’arc narratif et de magnifiques planches de végétaux et d’insectes, dignes des plus solides encyclopédies.
Au fil du temps, la flore et la faune se réinstallent, la diversification amène la complémentarité. A chaque plante son utilité ou inutilité, ses habitants, ses prédateurs, la reprise finalement d’un cycle naturel dans lequel le rôle de l’homme est limité au strict minimum. Une belle leçon d’humilité.
Véritable ode au retour à la terre, dessiné et argumenté par un autodidacte (qui ose affirmer qu’il apprend aussi au fur et à mesure), on ressort de cette lecture apaisé, soulagé qu’il puisse encore exister des passionnés, laissant entrevoir que la nature et l’être humain peuvent vivre en osmose.
L’ouvrage insiste sur le temps nécessaire à la mise en place du projet car « Le temps adoucit tout ». Il développe une approche philosophique dans laquelle une araignée ne doit pas être systématiquement écrasée (aussi bien le matin que le soir…) et qu’il est tout à fait possible d’envisager un monde où la salade du déjeuner n’est pas issue d’un sac en plastique. Il permet enfin de corroborer la phrase « Si l’homme était parfait, il serait Dieu ».
Dargaud - 19.99€ (parution
"Si rien n'explose, c'est qu'elles se sont trompées quelque part." Nous sommes en 1911, dans le Paris des Merveilles où vivent des fées, des enchanteurs, des gnomes et même quelques dragons. Les Artilleuses font peut-être leur dernier coup : le vol d'une mystérieuse relique - la Sigillaire - vaut à Lady Remington, Miss Winchester et Mam'zelle Gatling d'être pourchassées non seulement par les Brigades du Tigre, mais également par les redoutables services secrets du Kaiser...
Coup de coeur pour cette BD qui rend hommage à l'univers du Paris des Merveilles de Pierre Pevel.
Drakoo - 14.50€
Dernière soirée de vacances pour une jeune femme récemment plaquée, qui a du mal à faire face à sa nouvelle situation de mère d’ados célibataire. Et c’est un crève coeur de fermer le chalet d’alpage où elle avait pour un temps trouvé refuge. Quand un orage de montagne d’une violence inouïe éclate, suivi de secousses sismiques, celle qui se croyait dévastée, va comprendre ce qu’est la vraie dévastation... Destruction en chaîne, fin des communications, des blessés et des morts partout et surtout des secours qui survolent la zone et ne s’arrêtent pas. S’engage alors une lutte pour la vie, où pour protéger les siens et continuer à avancer coûte que coûte il faut réapprendre l’instinct, les gestes de survie, tout en évitant de sombrer dans la sauvagerie.
Une saga survivaliste en 4 tomes
https://youtu.be/KKopz7B59ls
Casterman - 18€
Dans la continuité de “Moi, ce que j’aime, c’est les monstres », l’original et sélectif Monsieur Toussaint Louverture publie un nouveau roman graphique hors normes.
En effet, c’est dans le paranormal et dans le milieu des organisations cachées que la vénérable maison d’édition a décidé de nous entraîner.
Dans cet univers alternatif, certains individus sont dotés de pouvoirs allant de la manipulation mentale en passant par les dons de voyance ou de l’utilisation de capacités métapsychiques. Toutes ces activités sont encadrées par une agence gouvernementale qui, bien entendu, n’a aucune existence officielle.
Lorsqu’une journaliste écrivaine décide de s’intéresser d’un peu trop près à ces activités, les courses poursuites aussi bien mentales que physiques peuvent débuter…
De cette base de scénario somme toute très classique, qui pourrait très bien correspondre à celui d’un épisode de X-Files ou d’un énième film Marvel, Matt Kindle transpose avec son trait minimaliste et ses tons d’aquarelle, une histoire où l’aspect psychologique et la profondeur de lecture laisse entrevoir une future trilogie riche et pleine de rebondissements.
Comme souvent chez Monsieur Toussaint Louverture, les œuvres publiées nécessitent une concentration et une attention soutenue afin de capter l’ensemble de la sensibilité scénaristique. Ce ne sont pas de pleines pages d’explosion qui doivent être attendues lorsqu’on ouvre cet ouvrage (à noter la très belle couverture, elle aussi pleine de subtilités…) mais plutôt la perspective d’un thriller haletant et complexe que le dessin vient contrebalancer par sa relative simplicité.
« The truth is elsewhere »
Monsieur Toussaint Louverture - 24.50€
Dès les premières cases, le personnage principal de cette énorme BD (par la taille et la qualité) nous est révélé : 235U, plus connu sous le nom d’uranium 235. La suite ? une plongée dans la collusion entre l’univers scientifique, politique et plus inquiétant militaire jusqu’au tournant historique du 6 août 1945 à 8h15 et l’explosion de Little Boy à 600 mètres au-dessus de la ville d’Hiroshima.
Cet album retrace donc les stratégies, les résistances, les lâchetés devant la mise en œuvre d’une arme capable de réduire en quelques secondes l’ensemble de l’humanité à l’état de poussière. Se mêlent alors à la fois des personnages historiques et certains imaginés pour accompagner la mise en place de la bombe et ses effets. Des premiers tâtonnements en passant par la lutte pour l’accaparement des matières premières (entrainant des tensions parfois même entre nations alliées), nous assistons atterrés à cette course en avant vers l’arme ultime, capable de mettre tout le monde d’accord.
A notre époque de Fukushima et des centrales nucléaires dont on repousse sans cesse la date de péremption, cet ouvrage est salutaire pour se souvenir de la façon dont les nations se sont accordées pour que la guerre se termine sur ce point d’orgue et surtout qu’un nouvel ordre mondial puisse s’instaurer. Aujourd’hui, 9 pays possèdent de manière officielle ou officieuse la bombe atomique. Comme une épée de Damoclès au-dessus de nos têtes et très certainement des comptes à rendre aux habitants de la terre qui pourront toujours se pencher sur ces souvenirs dans quelques centaines de siècles.
Glénat – 39 €
Au début du 20ème siècle, un projet de barrage près de la ville (fictive) d’Arkham dans le Massachussetts va immerger les terrains d’une vallée reculée. Un ingénieur envoyé de Boston doit s’assurer de la bonne réalisation du projet et va rapidement être intrigué par une parcelle que la légende locale appelle « la lande foudroyée ». Il ne reste qu’un puits décati et lors l’exploration des alentours, il rencontre un voisin, Ammi Pierce qui paraît plutôt satisfait que l’eau recouvre prochainement la localité. Une cinquantaine d’années auparavant, il a bien connu les Gardner, une famille d’agriculteurs qui vivait de leur terre et qui ont vu un jour une météorite s’abattre près de leur maison. Après de rapides constats scientifiques, le quotidien des Gardner a été chamboulé par les effets de la chute de cette matière inconnue, détruisant petit à petit la terre, les animaux et la famille elle-même. Mais que pouvait transporter cette mystérieuse pierre et quel est ce mal qui a rendu cette terre, autrefois si prospère, maudite ?
Dans la lignée de l’Appel de Cthulhu déjà chroniqué, voici une nouvelle adaptation de HP Lovecraft par le mangaka Gou Tanabe. Ce dernier parvient à créer une ambiance pesante, lourde avec des plans serrés sur les visages hallucinés des protagonistes. Il a su restituer le climat de la nouvelle originale, emprise d’horreur et de stupéfaction, tout en réalisant l’exploit de rendre perceptible les couleurs et lumières…en noir et blanc !
Une adaptation d’une œuvre majeure parfaite pour tout lecteur souhaitant s’essayer à la lecture d’un manga et pour les autres, déjà plus familiers du genre, pour les changer de One Piece, Attaque des Titans et autre Demon Slayer !
Ki-oon – 15 euros
En 1996, Karen a 26 ans, elle est Française et vient d'atterrir à l’aéroport de Narita au Japon. Directrice technique pour une chaîne de télévision, elle choisit une destination plutôt insolite pour passer ses cinq semaines de congés payés.
Elle était loin de s’imaginer que ce pays, qu’elle avait choisi un peu au hasard, allait changer le cours de sa vie.
Un aéroport propre, un système qui fonctionne et respecte les horaires fixés, la foule de Shibuya, les différents looks extravagants, les annonces de la ligne Yamanote, les téléphones portables et l’i-mode, le kabuki, les kimonos, les toilettes...
Tombée amoureuse de ce pays, Karen n'a plus qu'une envie : s'y installer !
Suivez Karen dans sa rencontre avec le pays du soleil levant, son mariage avec un Japonais, ou encore l'éducation de ses deux enfants dans une société aux antipodes de la France !
Kana - SEINEN - 15 euros
Dans un Japon post-apocalyptique, nous suivons Léon ,un soldat d'élite, embarqué contre sa volonté dans une expédition secrète pour retrouver une arme biologique qui avait mené l'archipel à sa destruction.
Après le crash de son avion et perdu dans un Tokyo en ruines, il rencontrera Tsugumi une petite fille aux pattes d'oiseau et son tigre Tora. Il sera aussi rejoint par Doudou un ancien espion lui aussi chargé de la même mission que Léon.
Avec ses nouveaux compagnons, notre héros combattra pour sa survie dans la ville irradiée qui est aussi peuplée de nombreuses créatures hybrides et très hostiles... mais rien ne l’arrêtera dans son objectif car seul le succès de sa mission lui permettra de revoir un jour sa famille...
Gros coup de cœur sur ce manga, n'hésitez pas à plonger dans cet univers post-apocalyptique: les illustrations sont magnifiques et les personnages tous plus attachants les uns que les autres !
Ki oon - 7.90€ 3 tomes (en cours)
A partir de 14 ans
Nami vient d'emménager dans un nouvel appartement avec sa mère. Son père a déserté le foyer familial laissant une mère obligée de travailler jusqu'à l'épuisement et une fille désabusée et démotivée quant à ses études. Elle a comme voisin un de ses professeurs, divorcé, qui essaye tant bien que mal de nouer une relation avec son fils. Nami va se prendre d'affection pour le petit garçon malmené par la vie. La rencontre de trois êtres cabossés qui vont réapprendre à faire confiance. Une tranche de vie émouvante, sensible et juste particulièrement sur le rôle difficile du père après une séparation.
Akata - 8.05€ One shot
A partir de 14 ans
Manga basé sur une histoire vraie, Moi aussi raconte le combat de Satsuki pour dénoncer le harcèlement sexuel dont elle a été victime sur son lieu de travail.
La jeune femme se lancera dans un long combat qui changera profondément l'opinion publique et le système juridique japonais.
Manga féministe à lire sans hésitation !
Reiko Momochi connue pour ses mangas réalistes et sociétals ( Double je, Daisy lycéennes à Fukushima).
Akata - 6€99
Première balade après la fin du monde.
Deux jeunes filles, Chito et Yuri errent sans véritable but dans les décombres d'un monde dévasté. Elles déambulent à la recherche d’un toit et de nourriture. Leur périple dans ce monde sans vie est, pour elles, l’occasion de se poser de nombreuses questions sur l’existence et la vie que menaient leurs ancêtres, mais aussi sur le futur...
Girl’s Last Tour est une dystopie qui raconte la fin de notre monde, après les dérives de notre civilisation actuelle. Le regard naïf et innocent des 2 héroïnes offrent une vision inédite et même tendre sur notre humanité loin des récits anxiogènes et pessimistes des histoires post-apocalyptiques.
Seinen - à partir de 14 ans - série en 6 volumes (2 tomes parus)
Omaké books - 7,50€
La sortie du film d’animation en septembre 2021 donne l’occasion de redécouvrir une série manga très réputée et (légitimement) encensée : Le sommet des Dieux. Tout débute avec Fukamachi, un photographe fortement impacté émotionnellement après une expédition tragique, qui découvre dans une échoppe de Katmandou un appareil photo. Celui-ci est le même modèle que l’appareil dont se seraient servis les grimpeurs Mallory et Irvine pour immortaliser leurs exploits, dans ce qui reste l’un des plus grands mystères de l’histoire de l’alpinisme : que s’est il passé le 8 juin 1924 après qu’ils aient été aperçus une dernière fois alors qu’ils progressaient sur l’arête nord-est de l’Everest ? Intrigué par cet appareil, Fukamachi va pousser plus loin ses investigations et rapidement se voir dépossédé de l’objet. De retour au Japon, il se souvient avoir aperçu sur place un personnage mystérieux et taciturne. Il se rend compte alors qu’il s’agit du célèbre alpiniste japonais Habu Joji, spécialiste des ascensions extrêmes, talentueux mais particulièrement asocial et ténébreux. Et si lui aussi était à la recherche de cet appareil photo et surtout de ce qu’il pourrait contenir ?
Fin mélange d’histoire réelle et de personnages fictifs, ce manga qui ne court « que » sur 5 tomes (pour information, la série One Piece vient de voir sortir son tome…100 (!!!)) est une adaptation de roman qui a su parfaitement franchir le pas entre l’écrit et le visuel tant le séquençage et les plans de montagne sont majestueux. Les effets de vent, de neige, les mouvements des corps suspendus aux surfaces verticales sont très immersives. Le scénario laisse envisager un développement intéressant de personnages charismatiques, torturés et passionnés, comme happés par l’ivresse des cimes.
Ce premier tome et sa trame narrative donne raison à sa légende et l’envie de continuer avec plaisir cette ascension vers les sommets du genre.
Kana – 18 euros (série en 5 tomes)
Planètes est un manga de science-fiction, première œuvre du mangaka Makoto Yukimura, auteur et dessinateur connu notamment pour Vinland Saga.
On suit en 2075 l'équipage du Toy Box, qui a pour mission le ramassage des débris spatiaux, et plus particulièrement un jeune homme nommé Hachimaki aux grandes ambitions. L'une d'entre elles est de rejoindre les participants au futur départ vers Jupiter, qui permettrait à l'humain d'accéder à de nouvelles et nombreuses ressources.
Comme vous l'aurez compris que ce soit via le titre ou comme la fortement supposé mon court synopsis, Planètes est un manga où l'Homme s'est assez développé technologiquement pour la conquête spatiale. De nombreuses problématiques par rapport à ces avancées sont posés dans cette œuvre : les maladies, l'influences des conflits géopolitiques, la pollution, le terrorisme, la place de l'Homme dans l'univers, etc...
Il s'agit donc d'une œuvre où les grands questionnements humains reviennent : la Mort, Dieu, la famille, l'amour, des thèmes que l'on trouve en filigrane dans l'ensemble de cette intégrale et qui feront que l'on s'attache aux différents membres du Toy Box et à leur famille.
Pour finir, l'auteur arrive très bien à varier les scènes de vie et d'action, que ce soit au niveau de l'ambiance ou de l'atmosphère et particulièrement les doubles planches contemplatives dans lesquelles j'ai trouvé qu'il excellait.
Panini Manga - 35 euros
Qui a donc tué Oda Nobunaga il y a 431 ans ?
Nous suivons cet éminent seigneur de guerre qui avait réussi l'exploit d'unifier le Japon au 16 ème siècle durant les derniers mois de sa vie jusqu'à son assassinat lors de l'incident de Honnôji.
Il avait notamment forgé une incroyable amitié avec Yasuke, un esclave noir devenu le premier samurai non japonais.
Manga historique passionnant qui tente de résoudre la plus grande énigme de l'histoire du Japon.
Delcourt - 2 tomes en cours 8 tomes en tout - 7.99 euros
Avant de déménager de sa ville natale, la jeune Tsugu Miikura et ses amis d'école primaire avaient enterré une capsule-témoin sous la statue du golden sheep.
Selon la légende, lorsque la capsule est exhumée au bout de sept ans et sept mois, les souhaits qui y sont écrits se réalisent...
Sept ans plus tard, Tsugu est heureuse de retourner vivre dans sa ville natale et de retrouver ses amis d'enfance au lycée. Elle pensait que leur amitié était intacte mais elle va vite déchanter en voyant combien ses amis ont changé et comment la vie est bien cruelle... tentative de suicide, harcèlement et jalousie mettra leur amitié à l'épreuve mais Tsugu est bien décidée à ne pas rester passive et à faire bouger les choses !
Un manga touchant et pleins d'émotion sur l'amitié et le dur passage de l'enfance à l'adolescence.
Delcourt Tonkam - 7.99€
A partir de 14 ans
L’appel de Cthulhu est la nouvelle fantastique la plus connue de l’écrivain américain Howard Phillips Lovecraft. Ce texte, publié à l’origine en 1928, a inspiré de nombreux artistes, que ce soit au cinéma (Alien est une petite cousine de Cthulhu), dans les jeux de rôle ou dans la musique par exemple avec l’hypnotique Call of ktulu de Metallica. Son adaptation a déjà eu lieu en BD mais c’est une version manga que Gou Tanabe nous propose après avoir travaillé sur les Montagnes Hallucinées, la Couleur tombée du ciel et Dans l’abime du temps, toujours de Lovecraft.
Son interprétation reste très fidèle à l’œuvre originale dans laquelle un anthropologue Francis Thurston hérite des biens de son grand-oncle, George Angell, décédé brutalement. Il découvre alors une étrange représentation d’un être monstrueux, doté de six yeux, de tentacules et d’ailes atrophiées. Thurston, intrigué, va se pencher sur les travaux d’Angell et pénétrer un milieu dans lequel sont organisés des sacrifices humains terrifiants. Il va également apprendre qu’une cité sous-marine, R’lyeh, l’antre de Cthulhu, est réapparue, accompagnée de son lot de cauchemars et de catastrophes. Qui entre la créature ou son culte va s’avérer le plus dangereux ?
Edité dans une collection magnifique (couverture effet cuir avec des reliefs gravés, comme un vieux grimoire des temps anciens…), le dessin de Gou Tanabe, tout en nuances de noir et blanc, retranscrit parfaitement la vision cauchemardesque de l’œuvre. Son dessin, parfois difficile à cerner, se prête à l’univers de Cthulhu de manière très efficace et nous entraîne dans une plongée mêlant l’inconnu et l’effroi.
« Dans sa demeure de R’lyeh, le défunt Cthulhu attend en rêvant. Cthulhu Fhtagn ! »
Ki-Oon - 17€
L’histoire de ce manga débute en Allemagne en 1940 lorsque Heinrich Himmler annonce à son état-major une mission spéciale et délicate à accomplir : faire disparaître les enfants d’Adolf Hitler. L’Allemagne Nazie a lancé une expérience de fécondation par insémination artificielle et treize enfants ont ainsi été conçus. Ils ont été placés de manière anonyme aux quatre coins du pays et chaque enfant, désigné par un numéro, a été lié à un ‘ange gardien ‘ appelé Wand, chargé de le protéger quoiqu’il en coûte. NeuN peut donc compter sur Théo, tueur au sang froid très imprégné de l’idéologie nazie, qui ne sera pas de trop pour lui permettre d’échapper aux sbires dépêchés par les SS.
Premier tome d’une série courte (6 volumes annoncés), ce manga aborde un sujet délicat avec ce concept d’enfants ayant pour père l’un des plus grands monstres de l’Histoire. La transmission ‘par le sang’, une supposée programmation génétique qui prend un sens particulier avec l’idéologie nazie et les horreurs liées à ce régime.
Les traits des personnages sont en majorité européen, un soin particulier est donné aux décors (on a parfois même l’impression d’être devant une photo) et le découpage amène une atmosphère lourde et oppressante.
Ce premier volume de NeuN est donc idéal pour les lecteurs peu familiarisés au « style manga » en mélangeant les codes européens pour l’histoire et japonais pour le dessin. Le résultat est à la hauteur et donne envie de savoir comment NeuN et Théo vont pouvoir échapper au destin funeste qui leur est promis.
Pika - 7.75€
série en 6 volumes - 4 déjà parus
à partir de 14 ans
Que feriez-vous si vous étiez réincarné dans un monde où l’objet de votre passion était complètement inaccessible ? Avide lectrice vivant entourée de livres, Urano Motosu voit sa vie prendre fin, comble de l’ironie, écrasée par le contenu de ses bibliothèques. Mais la voilà réincarnée dans la peau d’une enfant nommée Maïn, au beau milieu d’un monde médiéval au taux d’alphabétisation extrêmement bas, où la lecture est un passe-temps réservé à l’élite. Face à cette situation, l’ex-rat de bibliothèque ne peut rester les bras croisés. Et s’il n’y a pas de livres, alors elle les créera elle-même !
"Avec un livre, je suis sûre que je pourrais survivre n'importe où." Une bibliofantaisie pour les amoureux des livres.
Ototo - 6.99€
tomes 1 et 2 parus, 2 autres tomes prévus en 2020
Sur la planète Jasperia, les First pensaient trouver une oasis de paix mais à l'arrivée des Seconds, une terrible guerre s'est déclenchée pour l'appropriation de la planète...
Vingt ans après le début des hostilités, Mana Oga a été choisie pour intégrer une section spéciale de l'armée composée exclusivement de femmes : « les forces spéciales de transfert ».
Elles confèrent a leur armée un avantage stratégique unique : grâce a des fœtus parasites implantés dans leurs utérus, elles détiennent la capacité de se téléporter.
Ignorant tous des enjeux et implications de cette guerre et arrachée de sa terre natale, Oga va devoir s’entraîner et se former si elle veut survivre...
Akata , 8,50 euros, terminé en 5 tomes au Japon
Miko est une lycéenne ordinaire ou presque: un jour pourtant elle se met à voir des monstres et des esprits...
Devant ces monstruosités, la jeune fille va faire tout son possible pour rester impassible pour ne pas attirer l'attention sur elle...ce qui l'entrainera dans des situations rocambolesques et hilarantes.
Manga vraiment sympathique entre horreur, humour et tranches de vie à ne pas hésité de s'y plonger.
Izumi Tomoki est un nouvel auteur pour la première fois publié en France
Ototo - 6€99
Ce manga plutôt orienté shōjo met en lumière un des animaux phares du Japon et bien au-delà : le shiba-inu. Le shiba est vraiment un drôle de chien… On a coutume de dire de lui qu'il est “un quart chien, un quart homme, un quart chat et un dernier quart singe”. Véritable raz-de-marée depuis quelques années, également en France, cette race de chien est très appréciée dans notre pays. Comment ne pas craquer face à une telle bouille aux allures de renard ?
Momo est une shiba croisée au caractère vif et entier, toujours prête à faire des bêtises, à partir en vadrouille, mais aussi à consoler sa maîtresse…C'est surtout une source quotidienne d'amusement, comme le montre ce récit qui fera fondre le cœur des amoureux des chiens !
A partir de 10 ans
Doki Doki - 7.99€
Kei Miyama, un détective indépendant de 17 ans, vit avec son grand-père français en Islande. Comme les autres hommes de sa famille, il dispose d’un pouvoir atypique. Le sien consiste à pouvoir communiquer avec les appareils électriques et les automobiles. Mais sa vie bascule soudainement lorsqu’un détective japonais en congés sur l’ile lui annonce l’assassinat de son oncle et sa tante par le propre frère de Kei. Qui croire ? Convaincu de l’innocence de ce dernier, le jeune détective va mener l’enquête.
Régulièrement cité parmi les meilleurs mangas publiés récemment au Japon, Dans le sens du vent - Nord, Nord-Ouest interpelle par son dessin très occidental, ses lignes allongées et ses paysages islandais oniriques.
Soleil Manga - 7.99€
Rintaro Okabe est un étudiant à l'imagination débridée. Savant fou autoproclamé, il passe ses journées avec deux de ses amis à inventer des objets farfelus dans son "Laboratoire des gadgets futuristes". Lorsqu'ils branchent un téléphone portable sur un micro-ondes, ils découvrent avec stupeur qu'ils ont la possibilité d'envoyer des messages dans le passé ! Ce grand pouvoir implique une responsabilité colossale, mais qui peut prédire ce qu'en feront ces trois otaku ?
Manga adapté d'un jeu vidéo
A partir de 14 ans.
Mana books - 7.90€
La Grande Guerre pour la suprématie globale, qui opposa les cinq races, se solda par la victoire de l'humanité, menée par le héros Sid. Les ennemis furent scellés dans de gigantesques tombeaux, dont Kai assure aujourd'hui la surveillance. Mais soudain, le monde est "réécrit" sous les yeux de ce dernier. Désormais, du fait de l'inexistence de Sid, des dragons et des démons dominent la surface, les humains doivent se cacher pour subsister et, étrangement, personne ne connaît Kai.
Le jeune soldat n'a pas le choix : il va se rebeller contre ce destin réécrit pour tenter de remettre en place le monde tel qu'il était avant !
Un univers original et intrigant.
Doki Doki - 7.50€