Bonne année à toutes et tous
(❁´◡`❁)
Nous vous souhaitons plein de belles découvertes littéraires.
Jacob Hampton est issu d'une famille aisée de Caroline du Nord. En ce début des années 1950, c'est la guerre de Corée qui occupe les velléités bellicistes de l'Amérique et tout comme des centaines de milliers de ses contemporains, il est contraint et forcé de s'engager et d'aller se battre. Au drame de l’enrôlement, s'ajoute le fait que Jacob va être père, sa compagne Naomi, fille d'un modeste paysan, attend un heureux évènement. Mais ce n'est pas Jacob qui va accompagner les derniers moments de sa grossesse. C'est Blackburn, jeune croque mort handicapé et défiguré par la polio, qui aidera Naomi et s'assurera que tout se passe au mieux pour elle. Un pacte de sang uni les deux hommes et Jacob ne peut encore imaginer que c'est sa propre famille, ne pouvant supporter le déclassement supposé de son union avec Naomi, qui va délibérément manipuler la réalité pour la faire correspondre à son idéal : protéger les intérêts de la famille et ce quel qu’en soit le prix.
Ron Rash nous revient avec un roman shakespearien, avec le thème de l'amour impossible décidé par une famille opposée à tout compromis.
Gallimard – 20 euros
Tout débute par une scène des plus traumatisante : deux jeunes se livrent à un canulard téléphonique dans une bonne vieille cabine telles qu'elles existaient encore à la fin du XXème siècle et tout à coup : le combiné téléphonique vient dévorer le malheureux plaisantin devant les yeux horrifiés de son camarade!
Comment faire alors pour justifier auprés des autorité la disparition du dit camarade et comment surtout tenir le choc lorsque d'autres faits horribles surgissent? Comme ne pas passer soi même pour un dangereux psychopathe?
Ce nouveau Jo Nesbo est bien loin des enquêtes habituelles de Harry Hole et c'est bien du côté de Stephen King que l'auteur norvégien est allé naviguer.
On peut toujours compter par contre avec son sens du rebondissement et des fausses pistes dans un roman qui va nous entraîner dans une histoire qui se dévalle comme une montagne russe!
Heureusement les cabines téléphoniques n'existent plus...mais le mal par contre...
Gallimard - 19 euros
Le roman commence avec l'histoire d'Anna Szajbel, femme puissante car propulsée au poste de présidente de la compagnie pétrolière de son pays. Elle a tout fait pour obtenir cet honneur : écarter des rivales ou des subalternes, coucher s'il le fallait, bref elle mérite cette place. Elle méprise ses parents si arriérés, compose avec son mari devenu paraplégique. Est-elle heureuse pour autant? Rien n'est moins sûr et un évènement va bouleverser le cours de sa vie et lui faire découvrir des secrets oubliés depuis des siècles.
Après avoir été surprise dans une position et dans une tenue bien peu digne d'une PDG, son esprit bascule et dérive vers celles qui, depuis toujours, l'appelaient dans ses rêves. Dans ses rêves où des femmes brûlaient dans des fours.
Projetée 400 ans en arrière auprès d'une communauté de femmes qui ont choisi de vivre dans la forêt, de vénérer la Vieille Pucelle et de faire l"amour à la Terre-Mère, divinité bien plus ancienne que ce Dieu que les catholiques, masculins bien sûr, cherchent à imposer, elle va découvrir la vie des Terreuses, Hélène Spalt et sa fille Mathilde.
Cet ovni littéraire est une bombe dégoupillée : humour et rébellion rythment ce roman éco-féministe qui déborde d'énergie, de vitalité primaire et de sororité.
Résolument transgressif, hautement jubilatoire, jamais l'empouvoirement des femmes n'avait été raconté de cette manière, femme et nature intrinsèquement liées, tyranisées par les hommes.
Noir sur blanc - 24 euros.
Parution le 5 septembre 2024
Paris, banlieue, dans le contexte politique très tendu de l'époque (attentats de l'OAS, répression policière sous les ordres du préfet Papon, ratonnades...) Sorb, alter-égo de l'auteur, délaisse ses cours de droit pour une entrée en petite délinquance, faite de vols de voitures et de coups de poings. Cette voie guidée par l'amitié va inévitablement se transformer en pente glissante.
Ian Manook nous retrace tout le portrait d'une époque chaotique et transitoire, autant pour lui que pour la France.
En s'éloignant de ses polars ethniques qu'il affectionne, il signe là un TRES GRAND ROMAN personnel et au rythme tenu du début à la fin.
La manufacture de livre - 18.90 euros
Après les romans de Paul Auster, Cormac McCarthy ou Russel Banks, voici le titre de Richard Ford, octogénaire lui aussi, qui nous propose un récit de fin de vie délicat.
Le narrateur, agé de 74 ans, est aidant de son fils de 47 ans atteint de la maladie de Charcot (une maladie neurodégénérative pour laquelle il n'existe pas de traitement). Son quotidien consiste donc à accompagner ce fils avec qui il entretient des relations conflictuelles qui cachent un réel attachement entre les deux hommes.
Pour essayer de trouver "un peu de bonheur", le couple infernal va se lancer dans un road trip dont l'objectif ultime est d'aller visiter le mont Rushmore! Mais avant cela, ils devront se supporter et traverser de nombreuses aventures (du quotidien), réaliser des compromis dans leurs attentes respectives de la vie...
Un roman au sujet grave mais qui sous la plume de Richard Fort prend une direction parfois comique, souvent tendre et émouvante entre ces deux personnages qui se connaissent trop et son surtout trop pudiques pour exprimer leurs réels sentiments.
Editions de L'Olivier - 24 euros
Parution le 20 septembre 2024
Des lettres, des gravures, des plans, des chroniques historiques, des chants, "seule restait la forêt" est un roman multiforme dont le point d'ancrage, inamovible, est un petit terrain, quelques hectares en lisière de la forêt au nord des Etats Unis.
Sur quatre cents ans, les propriétaires vont se succéder, vivre, aimer, mourir; ceux qui arrivent ne connaissent pas leurs prédécesseurs ou si peu. Ils devinent certaines choses ou pas, tentent à leur tour de donner à ce lieu, un sens, de le rendre confortable. A quel point un endroit peut-il être transformé par ces habitants? Comment font-ils entendre leurs voix plusieurs générations après? La terre est-elle imprégnée de leurs larmes, de leur sang? Leurs os mêlés aux racines révèleront-ils un jour les drames qui se sont joués ici?
Dans ce roman vivant, vibrant, luxuriant, Daniel Mason fait entendre les oiseaux et les insectes, les pommiers et les murs, les fleurs et la mousse et au milieu de tout ce foisonnement, parfois, quelques humains apparaissent, semblent tisser des liens avec la nature qui les entoure et qui finit par retrouver ses droits.
C'est un merveilleux roman dont on ressort apaisé, mais l'imagination enflammée et le regard affûté : les balades en forêt seront l'occasion de lire le paysage comme un livre d'histoires, les écorces des arbres, les murs effondrés prendront des allures de demeures ancestrales...
Un livre hors du temps.
Buchet Chastel - 25 euros
Parution le 22 août 2024
Tout débute d’une manière des plus que classique : deux jeunes étudiants se rencontrent. Issus de milieux différents, ils habitent l’un en face de l’autre dans le Chicago un peu bohème/rock’n roll des années 90 et un jour le miracle s’accomplit. Elle, Elizabeth, famille de riches industriels, est inscrite dans plusieurs cursus, puisqu’avant tout elle recherche l’excellence, dans tous les domaines. Partout. Toujours. Lui Jack, famille de fermier du Kansas, est inscrit dans une formation d’art. Sa spécialité : des photos polaroids auxquelles il essaie de donner « une puissance artistique ».
A cette époque, tout est neuf, tout est beau, tout est encore possible. La pragmatique Elizabeth et le rêveur Jack ne peuvent qu’envisager un avenir radieux. Bon dans le temps. Vingt ans plus tard, Elizabeth et Jack toujours, mais aussi un petit Toby qui a vu le jour entre temps et un monde qui a beaucoup changé.
L’apparition des réseaux sociaux, la gentrification des grandes villes, les conditions matérielles devenues plus sereines, une sorte d’embourgeoisement finalement, loin des aspirations de leurs années d’étudiants. Mais après tout, n’est ce pas le cours naturel de la vie ? Elizabeth est à présent dans une entreprise, la bien nommée clinique du Bien-être dont la mission est d’ « aider les gens à aller mieux » et quel que soit le sujet et les moyens employés pour y parvenir (quitte à un très grand recours à l’effet Placebo ?). Jack se contente lui d’enchainer les postes de vacataires dans le même établissement scolaire où il « enseigne » l’art. Surtout ne pas sortir de sa sacrosainte zone de confort. Il serait tout de même temps de penser encrer toute cette merveilleuse vie, et « une maison pour la vie », un projet immobilier ambitieux, dans un quartier porteur, est très certainement l’affaire à ne pas rater. Problème : dans la conception de l’appartement, les deux tourtereaux, ayant quelques plombs dans l’aile, ne parviennent à s’entendre sur 99% de l’agencement du nouvel appartement. Ennuyeux. Et il faut alors bien se résoudre à l’évidence : le couple Elizabeth/Jack est en pleine zone de turbulence et sa survie ne tient qu’à un fil.
« Bien-être » c’est donc un roman dont le thème ultra-classique du couple au bord de la rupture a déjà été exploré, notamment en littérature américaine et on pense forcément à Jay McInerney. Nahan Hill parvient à lui redonner un second souffle, en ne mettant pas en avant uniquement l’opulence matérielle (l’aboutissement de l’american way of life) pour expliquer la sorte de dégout qui vient dégrader la vie du couple. Au-delà de la classe sociale, qui a malgré tout une importance, c’est surtout du côté obscur, celui de l’enfance, des secrets, des zones sombres, que l’auteur va puiser pour nous faire comprendre les causes de la situation périlleuse que rencontre le couple de quadragénaires.
Il a surtout le talent de permettre à son texte de nous faire sourire, voire rire, pendant les deux tiers de son roman (les passages sur les repas du petit Toby, les explications du fonctionnement des algorithmes de Facebook et beaucoup d’autres que l’on ne peut dévoiler, sont assez remarquables en ce sens) puis basculer lors du dernier tiers, et prendre une direction, un ton et une envergure beaucoup plus sérieuse et bouleversante.
Une lecture plus que plaisante avec des personnages ayant une réelle charpente (bien qu’assez fragilisée) qui va nous faire réfléchir sur le paraître en société, la façon dont chacun est à même d’appliquer une couche de vernis pour masquer les craquelures, voire les failles profondes, qui constituent pourtant aussi la personnalité et le comportement vis-à-vis de l’autre.
Un roman à la fois distrayant, surprenant et poignant. Un des coups de cœurs de la rentrée littéraire 2024 à coup sûr.
Gallimard – 26 euros.
Parution le 22 août2024
Voici un titre à rallonge intriguant pour un roman dont le sujet peut paraître léger mais qui s’avère beaucoup plus sagace et malin qu’il n’y paraît.
Des stripteaseuses, Justin Sykes, avocat commis d’office dans le nord-est des Etats-Unis, va être amené à en côtoyer alors que rien ne présageait que cette collusion ait lieu. Habitué aux affaires sordides, sur fond d’alcoolisme et de menus larcins, il est familiarisé avec la justice de bas étage, après avoir pourtant tutoyé les sommets comme nous l’apprendrons au cours du récit.
Quoiqu’il en soit, son quotidien à présent, ce sont donc des affaires par dizaines pour des prévenus qui n’ont pas les moyens de s’offrir les services d’un avocat et consiste à trouver des compromis avec les procureurs et les juges, évitant au maximum les procès chronophages.
Justin a tout de même une certaine opiniâtreté dans le traitement de ses dossiers et il ne va pas céder lorsque Dick Farrell, un procureur adjoint, va vouloir faire du zèle en cherchant à condamner de manière disproportionnée un individu qui a eu maille à partir avec la police.
Il est vrai qu’il est toujours bon de savoir brosser dans le sens du poil les policiers en période d’élection.
Mais Justin ne veut rien lâcher : de quoi bien l’occuper et cela sans compter une proposition qu’il ne va pouvoir refuser. Un homme va se mettre en contact avec lui pour lui faire une offre surprenante : tenir une sorte de permanence pendant une heure par semaine dans un club de striptease pour que les salariées puissent le solliciter pour leurs problèmes juridiques ; prestation rémunérée 1000 dollars en cash, sous réserve d’accepter de rester la nuit qui suit dans le motel jouxtant le club. Surprenant, non ? Réponse : surprenant, oui ! Et dangereux peut être…
Le dernier roman de Iain Levison aborde le milieu de la justice américaine de manière ironique et sévère : les petits arrangements, les décisions expéditives, les juges dont l’état psychique l’emporte sur le capacité d’analyse des faits, les structures d’aide croûlant sous les dossiers qui, en attente de jugement, viennent engorger les prisons, et avec tout cela les magouilles et affaires criminelles qui peuvent continuer de manière sereine, tout ceci sous la forme d’un grand show fait de business sur fond de carriérisme forcené.
Une lecture des plus plaisante avec une histoire bien ficelée et des personnages charismatiques, teintée d’humour et d’un certain désenchantement. Du bon roman, satisfaisant comme une lap dance bien exécutée !
Liana Levi - 22 euros
Parution le 29 août2024
James Ellroy est de retour avec ce roman noir qui se passe en 1962. Plus précisément aux alentours du 4 août de cette même année, et donc de la disparition de Marilyn Monroe retrouvée comme on le sait morte/suicidée/assassinée dans sa chambre.
Avant cela, et répondant à la mission de Jimmy Hoffa, grand dirigeant syndicaliste apparenté à la mafia, Freddy Otash, le flic bien connu des lecteurs d'Ellroy qui l'ont déjà croisé à moultes reprises, devait justement suivre l'actrice, la surveiller, l'espionner afin de maintenir sous pression les frères Kennedy, avec qui parait-il, elle entretenait des relations épisodiques...
En parallèle, une autre actrice a été enlevée et là aussi Freddy O a été mis dans la boucle pour retrouver son ou ses agresseurs...ses méthodes n'étant pas des plus douces, l'intervention va se révéler sauvage.
Mais sur ses entrefaites Marilyn meurt. Mystérieusement. Et Freddy O va être entrainé dans le sillon de l'actrice déchue qui était peut être beaucoup plus qu'un simple cadeau d'anniversaire pour JFK et un motif de frustration pour Bobby.
Comme toujours avec Ellroy, de très nombreux personnages, on retrouve également sa délectation à vouloir présenter le milieu du cinéma de l'époque comme l'antichambre de l'enfer, où tous les vices sont permis et admis.
Son talent est toujours là pour rendre les évènements décrits comme plausibles et c'est donc une nouvelle alternative de la disparition de Marilyn Monroe qui est proposée.
Rivages/Noir - 26 euros
Parution le 18 septembre 2024
Après s’être intéressé au parcours du nazi Josef Mengele, Olivier Guez nous fait (re) découvrir un personnage central dans la diplomatie britannique du tout début du 20ème siècle, également espionne et grande archéologue, Gertrude Bell. Issue de la haute bourgeoisie, cette dernière fut rapidement attirée par le Moyen Orient et s’est découvert une passion pour une culture, des rites bien éloignés de son milieu de naissance. Plutôt très brillante, elle a donc été tout naturellement approchée et missionnée pour la grandeur du Royaume-Uni.
Ainsi, par le biais d’allers-retours dans le temps, Olivier Guez nous dessine une femme, reconnaissons le assez antipathique ou tout du moins à laquelle on ne s’attache pas vraiment mais l’intérêt manifeste de ce roman peut être vu différemment. Il s’agit de mieux comprendre les grandes manœuvres réalisées au début du 20ème siècle par les nations européennes pour obtenir une relation privilégiée avec les pays du Moyen Orient, et notamment un pays appelé Irak, et comprendre tout ce qui a pu en découler par la suite. L’or noir était d’une importance déjà incontournable au moment de la première guerre mondiale et son utilisation, en lieu et place de la vapeur, pouvait assurer de maintenir la domination britannique sur les mers et plus généralement dans les rapports commerciaux de l’époque. Il était donc primordial d’avoir sur place des personnes de confiance, mais le modèle qui avait si bien fait ses preuves en Indes ou dans l’Empire, ne fonctionna pas aussi bien et le Royaume-Unis ne sorti pas totalement vainqueur de ses grandes manœuvres, officielles et officieuses.
Le roman remet donc au premier plan le rôle joué par Gertrude Bell dans cette approche géostratégique, une femme qui s’est fait voler la vedette dans l’imaginaire collectif par un certain Thomas Edward Lawrence mieux connu sous le nom de Lawrence d’Arabie qui, il est vrai, a eu le droit aux honneurs du grand écran pour établir sa légende. Gertrude était une personne peut être plus austère, traumatisée par la perte de sa mère alors qu’elle n’était qu’une enfant, une personnalité complexe tissant une relation fusionnelle avec son père mais ne parvenant pas à s’attacher à un homme ou tout du moins à quelqu’un qui ne soit pas déjà marié ou non issue de sa classe sociale. Pourtant de par son professionnalisme, son implication et son absence d’état d’âme, elle fit beaucoup pour son pays…qui ne lui reconnu le talent bien entendu et comme souvent, qu’une fois défuntée.
Un roman qui peut se lire comme un récit historique et qui permet de mieux comprendre toutes les subtilités de la géopolitique, la quasi impossibilité de mettre au pas le Moyen Orient, une région à l’instabilité politique chronique et sur laquelle il est bien difficile d’interférer sans se bruler les ailes.
Grasset – 23 euros
Parution le 21 août 2024
Voilà LE roman de développement personnel de la rentrée... C'est bien sûr, une plaisanterie! Il n'empêche que Daphné Tamage nous offre un joli roman sur la difficulté d'une autrice dépressive sommée, par son éditeur, d'écrire un livre de conseils (joyeux) de vie pour ados asthéniques broyant le noir de leur existence post-Covid.
Lassée de sa propre vie qu'elle estime trop dépendante des hommes, et sur les injonctions de son médecin qui lui prescrit un mois sans hommes, elle part s'isoler à Conques, dans la maison délabrée d'une tante partie en voyage.
Ce repli stratégique ne semble pas être la panacée : sitôt arrivée, elle fait la connaissance de frère Charles qui se propose l'amener sur le chemin de la spiritualité alors qu'elle lutte contre des pensées nettement plus licencieuses.
Comment faire pour aimer quand on n'a pas appris à s'aimer soi-même? Quel regard une femme porte-t-elle sur elle-même quand ce regard a été formaté par celui des hommes? Comment être une femme sans chercher systématiquement à séduire en pensant que rien ne peut advenir si ce n'est dans l'ombre d'un homme? Quitte à ce qu'il soit brutal? Quitte à supporter l'humiliation?
La beauté du décor immémorial ne sera pas étranger au chemin de guérison.
L'humour parfois mordant, jalonne ce récit d'éducation sentimentale; attention, les écrivains ne sont pas les derniers à subir les piques de cette autrice belge qui ne manque pas non plus d'autodérision.
Stock - 20 euros
Parution 21 août 2024
Julia, c'est le personnage féminin qui apparaît très discrètement dans le roman de George Orwell. 75 ans après, Sandra Newman nous permet de relire l'histoire d'un autre point de vue.
Nous sommes à Londres en 1984, et la ville vit sous le joug d'un régime ultra-autoritaire dirigé par Big Brother.
Nous découvrons Julia, mécanicienne au département de Fictions du ministère de la Vérité. Elle vit dans un foyer et semble se soumettre à tous les règlements imposés par le gouvernement dictatorial de BB. On constate cependant rapidement qu'elle n'est pas la citoyenne modèle qu'elle laisse entendre. Elle sait comment tromper la surveillance des télécrans, et dans ce monde où le sexe est un crime, elle parvient à cacher ses liaisons amoureuses.
Jusqu'au jour où elle ose glisser un papier dans la main de Winston Smith, employé aux Archives, pour lui faire connaître ses sentiments : elle ne peut pas se douter de l'engrenage qui s'enclenche à partir de ce moment.
Ce roman s'attache avec justesse à éclairer le versant féminin du classique d'Orwell qui, du coup, prend un sacré coup de jeune et passe en mode féministe. L'autrice fait résonner des problématiques très actuelles tout en restant fidèle à l'original : une réussite.
Robert Laffont - 22.50 euros
Parution 29 août 2024
"Juin 2023, Bernard Mélois, artiste sculpteur, décède".
C'est beau comme une chanson de Bourvil ("La tendresse" peut être), comme une vieille plaque émaillée, c'est sur son papa artiste, sur le paradis perdu de l'enfance dont elle a gardé la clé.
Gallimard - 19.50 euros
Parution le 22 août 2024
Shahrazade n'est qu'une fille, un corps imparfait car inachevé.
Elle naît dans un pays de la péninsule arabique, dernière d'une série de huit filles, d'une mère soumise et régulièrement humiliée puisqu'incapable de donner naissance à un garçon.
Elle n'est, aux yeux de son père, qu'une bouche de plus à nourrir, qu'une fille de plus à doter et à marier, une inutile.
Elle naît dans un pays qui considère que les filles appartiennent aux hommes, leurs pères d'abord puis leurs maris et, si elles ne se conforment pas à la loi qui régimente leur sexe, d'autres femmes se font un plaisir à leur rappeler leurs devoirs comme la grand-mère de Shahrazade, la gardienne de sa vertu et des intérêts de son fils.
Mais Shahrazade est plus que ce que la société corsetée par un islam intégriste lui impose. Elle observe, et voit l'hypocrisie qui l'entoure. Son sang bouillonne, elle refuse la place qu'on lui assigne : elle ne sera pas un ventre, elle ne sera pas celle qui s'efface et qu'on rabaisse. Shahrazade se révolte malgré les violences auxquelles elle s'expose.
Pourra-t-elle devenir elle-même dans un pays qui nie la féminité?
Huriya nous offre un roman bouleversant qui rend hommage au courage de toutes ces femmes qui osent braver l'ordre établi par les hommes. Shahrazade est l'incarnation de l'empouvoirement des femmes : elle se dresse contre le patriarcat et nous parle de ces vies que ce système archaïque détruit et piétine sans remord. Ces hommes barbares et mysogynes doivent pourtant leurs vies aux ventres qui les ont portés. L'écriture est incandescente : merci Huriya pour ce texte aux accents de combat et de liberté.
Rue de l'Echiquier - 22 euros
Parution le 30 août 2024
Après Ni loup, ni chien, voici le nouveau récit de Kent Nerburn qui nous redonne rendez-vous avec son ami indien Dan et ses proches. Après une période de silence, Dan le « convoque » ; sa mission sera de s’occuper des obsèques de Fatback son chien, preuve de la confiance qu’il lui accorde. Et cette confiance est encore plus significative lorsqu’il aborde sa sœur, Yellow Bird, disparue il y a plus de 80 ans, et dont il aimerait retrouver la trace. Car Kent, même s’il est blanc, peut comprendre le fonctionnement des indiens et profiter de son statut pour obtenir des informations qui resteront inaccessibles. Les indiens d’Amérique souffrent encore trop de préjugés et de mépris de la part de la société américaine.
Ce titre est une réelle prise de conscience : perpétrer la mémoire d’une disparue en essayant de reconstituer son existence (et pour ce faire traverser le dakota et les états proches) mais plus généralement, perpétrer la mémoire d’un peuple qu’on a voulu détruire. Une culture, des rites, des rapports au monde ont été volontairement combattus, notamment avec la mise en place d’internats dans lesquels les jeunes indiens souffraient le martyr : violence physique et mentale lorsque ces derniers voulaient parler leur langue ou rendre hommage à la nature alors que l’homme blanc ne voulait y voir que profit, développement économique et appropriation de richesse.
Ce texte n’est pas tendre avec l’homme blanc. On y voit Dan réaliser un historique de tout ce qui a été imposé à son peuple pour en arriver aujourd’hui à des femmes et des hommes parqués dans des réserves et subissant les préjugés et clichés d’une société qui n’a jamais réussi ni surtout voulu vivre en symbiose.
Une lecture enrichissante et lumineuse de par la philosophie et le chemin de vie de Dan comme véritable mémoire et porte-voix d’une culture en cours d’annihilation.
Editions du Sonneur – 25 euros
Le titre du dernier roman de Craig Johnson s’inspire du nom d’un tableau très populaire aux Etats-Unis, « La dernière bataille de Custer », une œuvre très diffusée puisqu’ayant servi de visuel publicitaire pour la marque de bière Budweiser.
Il est question de cette peinture dans ce nouveau roman dans lequel intervient une nouvelle fois le shérif Walt Longmire qui se rend dans un centre où résident des vétérans du Vietnam. L’un des leurs vient de mourir, apparemment d’une crise cardiaque. Il va être assez étrange de retrouver au milieu de ses affaires, une boîte de chaussure contenant une somme très importante (probablement un million de dollars). En même temps, une petite peinture est également découverte : une sorte d’épreuve d’une partie du célèbre tableau. Longmire est trop expérimenté pour ne pas se rendre compte que quelque chose cloche... Il va alors devoir frayer avec le monde des arts et faire connaissance avec des experts et spécialistes susceptibles de lui apporter des enseignements pour compredre cette disparition qui ne peut que paraître suspecte à présent.
Dans la lignée des derniers romans de l’auteur, nous retrouvons donc avec plaisir Walt Longmire qui se chamaille toujours autant avec son adjointe, où les répliques acides et les punchlines sont légion. Bien que très classique dans sa construction, on se laisse une fois de plus emporter par les dialogues et le sens du rythme des enquêtes concoctées par Craig Johnson. Ce dernier nous fait découvrir une œuvre mythique du peuple américain et de son histoire.
Il est souvent question dans ses romans que Longmire décroche et prenne une retraite bien méritée, mais cela serait franchement dommage !
Gallmeister – 24.90 euros.
Les Aïnous font partie des trois peuples autochtones (avec les Oroks et les Gilyaks) de l'île de Sakhaline. Ce sont avant tout des chasseurs cueilleurs, proches de la nature comme toute humanité qui souhaite survivre dans son milieu naturel de manière autonome.
Hors, ce peuple comme tant d'autres, a vu son destin croiser tour à tour les Russes et les Japonais, deux nations qui ont occupé l'île et bien entendu cherché à imposer leur mode de vie et de civilisation.
Source de chaleur parle donc d'autochtones qui de la fin du XIXème siècle jusqu'à la seconde guerre mondiale, voient leur île tour à tour occupée par les deux nations ennemies.
En parallèle, à des miliers de kilomètres de Sakhaline, Bronislaw Pilsudki va être contraint de force à venir s'installer sur l'île, du fait de sa participation à un coup d'étât visant à faire tomber le Tsar Russe. Il va se prendre d'une réelle passion pour la culture Aïnous et se nouer d'amité avec Yayomanekh, un jeune homme qui a quitté le Japon pour revenir sur la terre de ses ancêtres.
Ce livre de l'auteur Soichi Kawagoe donne l'occasion de découvrir un peuple autochtone méconnu et pourtant toujours présent sur son territoire (on en compte encore entre 20 000 et 200 000 personnes) et les difficultés pour conserver son histoire, ses rites et ses coutumes.
Belfond - 24 euros
Présenté comme une série de lettres adressées à l’une de ses professeures, le roman de Francesca Maria BENVENUTO nous donne à entendre la voix d’un tout jeune prisonnier : Zeno, tout juste 15 ans, est tombé sous le coup d’une très lourde peine pour le meurtre d’un ado aussi jeune que lui. Il est emprisonné à Nisida, une des îles Phlégréennes, au milieu d’autres mineurs purgeant des peines pour vols, trafics en tous genres, des gosses poussés trop vite dans l’âge adulte par la misère familiale, misère financière tout autant qu’indigence affective. Nous sommes au début des années 90 et, par respect et loyauté à la jeune femme qui vient leur faire l’école, leur apprendre à lire et à écrire, peut-être aussi leur donner un peu d’espoir à travers leurs lectures, Zeno écrit. Il s’adresse à elle, à nous.
Il raconte son enfance de laquelle il a trop rapidement été éjecté pour aider sa mère, prostituée, à subvenir aux besoins de la famille. Le père est lui-même en prison et ne lui a guère laissé de bons souvenirs. Il raconte la rue, la violence, la débrouille, les contrats qui courent sur les têtes de gosses comme lui. Mais il explique aussi l’amour de cette mère qui a toujours accepté son sort sans se plaindre, l’amour de Natalina, la jeune fille qu’il rêve d’épouser même s’il n’est pas sûr qu’elle dira oui car elle ne lui a rien promis.
Il raconte la prison et le personnel qui les encadre, les travers de ce microcosme, entre volonté de réhabiliter ces jeunes et défaitisme violent voire sadique, il met en avant les contradictions d’une société qui punit, humilie, fait croire à la rédemption sans jamais lever les entraves qui ne feront jamais de ces gosses que des hommes prêts à récidiver dès leur sortie de ce lieu.
Si les personnages sont fictionnels, la prison de Nisida est bien réelle et l’autrice napolitaine, avocate pénaliste, nous offre un personnage impossible à oublier. D’une écriture qui reprend le phrasé et la gouaille des gamins de la rue, elle nous offre des passages d’une poésie bouleversante. Une leçon de vie et d’amour filial d’une force qui ne laissera personne indifférent.
Liana Levi – 18 euros
Parution 5 septembre 2024
Cyrus Shams, un Américain d'origine iranienne, est le douloureux héros de ce premier roman : un « mauvais » immigré, un toxicomane en voie de guérison, un homosexuel hétérosexuel, un vieux poète de trente ans qui n'écrit presque pas, un orphelin, un personnage qui s'apitoie sur son sort. Mais par-dessus tout, Cyrus est triste ; profondément, inconsolablement, suicidairement triste.
Ses chagrins abyssaux ont pour origine la mort «indescriptible» de sa mère, Roya. Quelques mois seulement après la naissance de Cyrus, Roya embarque à bord d’un avion de Téhéran à Dubaï pour rendre visite à son frère Arash, « qui était malade depuis qu’il avait servi dans l’armée iranienne contre l’Irak ». Peu après le décollage, son avion est détruit par un missile américain.
Cyrus aurait dû être à bord, mais Roya a décidé de laisser son fils à la maison parce qu'il était trop jeune.
La famille Shams est irrémédiablement brisée et pousse le père de Cyrus, Ali, à immigrer avec son fils aux États-Unis pour recommencer sa vie. Mais comment vivre dans le pays qui a assassiné sa femme, comment vivre le "rêve américain"? Le quotidien du père et du fils tourne au cauchemar. Ali, résigné et alcoolique, travaille dans une ferme avicole industrielle de Fort Wayne et ne vit que pour son fils désemparé, qui grandit tourmenté par des terreurs nocturnes, des insomnies, des peurs irrationnelles d’être expulsé. Le jeune Cyrus tente de survivre, s'inventant des dialogues avec des personnages célèbres (Kareem Abdul-Jabbar, Madonna, Batman) puis par l’art, il essaye l'alcool, les drogues, puis la guérison et les amis. Mais aucun de ces palliatifs n’atténue sa culpabilité de survivant.
Le roman s'ouvre au moment où le père de Cyrus vient de mourir et, après quelques déboires à son travail, ne sachant pas quelle voie suivre, lui l'étudiant qui s'attarde indéfiniment sur le campus, il semble déterminé à rejoindre sa mère et à gagner sa place légitime en tant que victime du vol 665.
Ce qui le retient? Un désir obsessionnel que sa vie et sa mort aient un sens. Il veut le contraire de la fin insignifiante de sa mère, il veut se sacrifier pour une cause importante :
« Tu veux être un martyr ? »
« Je suppose. Oui, en fait. Quelque chose comme ça », répond-il.
Une fascination pour le martyre qui le pousse à écrire sur les martyrs qui ont marqué l'Histoire, et va l'emmener à New York, pour rencontrer une artiste iranienne atteinte d’un cancer qui passe les derniers jours de sa vie au Brooklyn Museum, parlant de la mort à ceux qui viennent la rencontrer. C’est cette artiste, Orkideh, qui va changer le cours de la vie de Cyrus.
Dans ce roman fascinant, K. Akbar a créé un protagoniste inoubliable et hanté, en quête de vérité. C'est une saga familiale poignante et chaque portrait nous emmène un peu plus loin dans le récit de notre monde et des conséquences des conflits sur la personnalité de chacun. L'histoire de chaque personnage avant - avant la catastrophe aérienne, avant les poulets, avant la guerre, avant le chagrin - montre à quel point l'auteur est un remarquable conteur.
Gallimard Scribes - 24 euros
Parution le 19 septembre 2024
L’action de Fragile/s se déroule en France dans quelques années. Le pays est dirigé par un président dont le parti « Néopatriotes » est parvenu au pouvoir et a quelque peu durcies les conditions de vie de la nation : bien entendu l’immigration est fortement encadrée et traquée, la répression de toute résistance ou insoumission fait loi, le droit à l’avortement a été révoqué alors que la peine de mort est de nouveau passible. C’est dans ce contexte anxiogène que Typhaine et son compagnon Gauthier attendent un heureux évènement. Après un premier enfant, une fille prénommé Madeleine qui est touchée par le syndrome de l’X fragile (une caractéristique génétique qui est devenue la norme et qui entraîne toute sorte d’handicaps et retards de développement), ils ont pu profiter de la proximité de Gauhier avec le pouvoir en place pour obtenir le droit de bénéficier d’un programme nataliste réservé à seulement mille cinq cents privilégiés. Ils sont ainsi certains d’avoir un enfant « sain », une approche plus qu’eugéniste visant à assurer l’avenir de la nation et son rayonnement mondial. Rappelant les heures les plus sombres de l’histoire, le couple va affronter une crise qui est souvent promises aux apprentis sorciers…
Nicolas Martin a animé pendant des années l’émission radiophonique « La méthode scientifique » sur France Culture et son roman s’appuie donc sur des bases solides pour nous embarquer dans une histoire crédible et plausible. C’est donc le plus souvent sous la plume de Typhaine, qui tient un journal intime à l’ancienne (avec ratures et hésitations conservées, l’utilisation de l’informatique n’étant plus suffisamment sécurisée), que nous cheminerons dans un monde et une société dont nous ne sommes peut-être plus si éloignés. Les conditions de vie dans cette France alternative sont en tout cas assez effrayantes de par la remise en cause des libertés et avancées fondamentales, tout en se servant de la science pour conforter des comportements et cheminement intellectuels nauséabonds.
Un jeu des plus dangereux lorsque les dictateurs et savants fous prennent le pouvoir et un premier roman à la fois interpellant et inquiétant tant les trajectoires scientifiques, politiques et sociétales paraissent vraisemblables.
Au Diable Vauvert – 21 euros
Parution le 22 août 2024
Dans la lignée du titre « Le Magicien » de Colm Toibin, sur l’auteur Thomas Mann, Pierre Adrian s’intéresse à l’auteur Italien Cesare Pavese et plus particulièrement à la date du 27 août 1950 : le jour où il s’est suicidé dans une chambre de l’hotel Roma à Turin. Ecrivain et poète, il est notamment l’auteur de « Travailler fatigue », « La lune et les feux » et à titre posthume « Le métier de vivre ». Pierre Adrian s’appuie sur une histoire d’amour (autobiographique ?) entre le narrateur vivant à Rome et son amie vivant elle en France et qui se retrouve à Turin, pour explorer les derniers jours de l’auteur.
L’intérêt d’Hotel Roma vient surtout du fait qu’il est ponctué de citations de l’auteur, qui révèlent un véritable sens de la formule : « On dit que la jeunesse est l’âge de l’espoir, justement parce que, quand on est jeune, on espère confusément quelque chose des autres. On cesse d’être jeune quand on distingue entre soi et les autres ; c’est-à-dire quand on a plus besoin de leur compagnie » ; « Nous sommes au monde pour transformer le destin en liberté (et la nature en causalité) ». Pavese était en effet un fin lettré, qui a assuré la traduction en italien d’auteurs tels de Melville, Faulkner, Defoe ou Joyce. Tenant un journal intime, il était « habité » par l’idée du suicide depuis ses quinze ans. On peut trouver une certaine similitude avec Stig Dagerman, connu pour son titre « Notre besoin de consolation est impossible à rassasier », qui contrairement à Cioran qui avait fait du désespoir son fond de commerce sans pour autant commettre lui-même l’irréparable, auront été jusqu’au bout de leurs idées.
Un roman au sujet délicat, traité avec un œil bienveillant, une balade dans les lieux que Pavese aimait ou non, ses lieux de prédilection, mais aussi un écrit dans lequel on ressent le respect pour un auteur qui « a cherché dans sa vie et dans ses livres de quoi nous apprendre, malgré tout, le douloureux métier de vivre ».
Gallimard – 19.50 euros
Parution le 22 août 2024
D’emblée, nous savons ce qui s’est passé. Véra est morte. Il s’agit de la compagne de Thiago, le narrateur, qui continue à s’adresser à elle. Les conditions de sa disparition ? Etranges, imprévisibles et dans le contexte, forcément intrigantes. En effet, peu avant son décès, le couple s’était installé dans un nouvel appartement, où tout se passait bien. Enfin au début.
A partir du moment où des sons étranges semblaient s’échapper des murs et qu’une enceinte connectée à commencer à faire des siennes (en se mettant en route de manière inopinée et peut être même en réalisant de manière autonome des achats sur le net pour des objets « particuliers ») l’ambiance s’est tout de suite rafraichie. L’effet de surprise a provoqué l’amusement puis a laissé place au doute, à l’appréhension puis rapidement à la peur. Au point de chercher à savoir si cet appartement n’avait pas un certain « passif ». Il s’est avéré qu’une vieille femme l’avait occupé pendant de nombreuses années et n’avait pas vu d’un très bon œil de devoir le quitter…de là à en attirer le mal ? Véra en tout cas n’a pas eu le temps de mener plus loin cette investigation et c’est à Thiago que doit faire face à présent. Et le moins que l’on puisse dire c’est qu’il va avoir fort à faire. Des évènements déconcertants qu’il va devoir traverser vont l’amener à se rendre à l’évidence : Véra n’est plus là mais une créature, une entité, un être maléfique est à l’œuvre. S’étant invité dans sa vie, il n’est pas décidé à le laisser tranquille et va même s’acharner à la lui rendre impossible.
Un vrai livre d’horreur de bon niveau, dans lequel la pression monte crescendo. Au départ, le fait que Thiago s’adresse toujours à Véra est un peu déstabilisant mais s’avère finalement très efficace pour créer une ambiance particulièrement malsaine, tendue, aux portes de la folie, tout en permettant d’exrpimer les sentiments très forts qu’il éprouvait pour elle. Thiago va devoir affronter seul cet ennemi qui ne lui veut pas du bien, qui va se matérialiser dans plusieurs « réceptacles » et le pousser à fuir. Une fuite assez désespérée dans son cas…
Une lecture frisson agréable dont les ingrédients sont suffisamment dosés pour ne pas sombrer ni dans le pastiche, ni dans le plagiat des grands noms du genre (même s’il sera impossible de ne pas penser au Maître Stephen King à certains moments de l’histoire).
Alors, est ce que vous aussi, votre enceinte connectée a des comportements étranges parfois ???
L’Atalante – 18.50 euros.
Parution le 29 août 2024
Sébastien Dulude, auteur Québécois, nous propose un récit de jeunesse (non autobiographique bien qu’influencé par sa propre expérience) pour son premier roman.
Dans une petite ville de « La belle province », au cœur des années 80, Steve et son ami « Petit Poulin », tous deux âgés d’une dizaine d’années, s’adonnent à ce que fait la majorité de la jeunesse de cette époque : regarder « Les Mystérieuses Cités d’Or » à la télévision, construire des cabanes dans les arbres, lire les aventures de Tintin, commencer à trembler devant Freddy Les Griffes de la nuit lorsqu’on a la chance d’avoir des parents permissifs qui autorisent de regarder la télévision le soir. C’est aussi la période où on commet des petites bêtises, qui semblent passibles de l’incarcération pour les principaux protagonistes.
Pourtant, derrière cette vie paisible des plus classique, Steve doit se construire au sein d’un foyer bancale. Son grand frère, beaucoup plus âgé est parti s’installer avec sa cheum, il ne reste donc plus que lui à la maison. Sa mère est plus un fantôme qu’une véritable mère, passant sa vie à contretemps, atteinte de mystérieux maux de tête qui l’empêchent même de sortir de chez elle et lui interdisent toute interaction sociale.
Son père travaille dans une mine dont la pérennité est loin d’être assurée, il alterne les journées (ou nuits) abrutissantes et ne rechigne pas à appliquer des corrections, bien entendu pour son bien, à Steve et ce pour la moindre contrariété. Steve grandit donc dans cet univers qui souffle le chaud et le froid et envie parfois son ami, son seul ami, Petit Poulin qui a une famille plus « saine » que la sienne. A la sortie de l’enfance et au seuil de l’adolescence, des évènements vont pousser Steve à devoir grandir plus vite qu’il ne l’imaginait. Et Steve va se perdre.
Amiante c’est le récit d’une époque révolue, sans réseaux sociaux, sans internet, mais avec des problématiques qui perdurent comme l’effondrement industriel, la prise en charge de la détresse mentale, la capacité à faire sa place au soleil en subissant l’entourage, les pressions sociétales, la solitude.
Avec un style très agréable et un petit côté « exotique » amené par les expressions québécoises au charme imagé certain, Amiante n’est pas seulement un texte sur la recherche du paradis perdu de l’enfance. C’est aussi une réflexion sur la construction mentale d’un être encore en pleine croissance, pas uniquement physique mais surtout mentale et émotionnelle. Une quête rendue difficile par les « accidents de vie », les péripéties qui viennent fragiliser des bases qui ne sont déjà pas des plus solides.
Un livre sur le doute, sur le rapport à l’autre, sur le jugement, sur la douleur.
‘Je ne déteste personne d’avantage que moi-même. Ça ne m’a jamais quitté, ça ne s’évanouira jamais, ça ne se défoule pas ».
La Peuplade - 20 euros
Parution le 20 août 2024
Ce livre est le roman vrai d'un apprentissage : celui de K. , un enfant né en Amérique de parents immigrés iraniens. Son rêve comme celui de ses deux frères aînés, c'est de se fondre dans la foule, être un américain comme les autres. Si, au milieu des années 90, dans le sud de la Californie, caresser ce rêve a encore un sens, après les évènements du 11 septembre 2001, tout change. Cependant, pour K. la prise de conscience va naître bien avant ce basculement du monde. Comment définir son identité quand rien ne colle aux idéaux promis par l'Amérique? Comment devenir un adolescent dans cette famille quand le père fait règner un climat de violence? Il ne supporte pas que sa femme s'émancipe, fasse des études visant un travail mieux rémunéré. Il finit, par vengeance, par enlever ses fils prétextant leur faire découvrir leur pays d'origine et se rapprocher de la famille.
Cet exil forcé ne sera pas la moindre des violences infligées à K. qui reviendra peu après les attentats, tenter de retrouver sa vie et son insouciance d'avant. Retrouver Johnny, son voisin, et trouver le courage d'avouer ses sentiments. Retrouver sa mère et le courage qu'il lui a fallu pour sortir du carcan imposé par sa condition de femme musulmane.
Un roman magnifique qui nous parle de cette période de l'enfance entre 9 et 12 ans où tout semble à la fois possible et inatteignable; un livre duquel jaillit la vie comme une source. Inoubliable!
Khashayar J. Khabushani est né à Van Nuys, en Californie, en 1992. Durant son enfance, il a passé du temps en Iran avant de retourner à Los Angeles. Il a étudié la philosophie à la California State University, à Northridge, et avant de terminer son MFA à l'Université de Columbia, il a travaillé comme professeur au collège.
Denoël - 22 euros
Parution le 21 août 2024
Après l'excellent "Le Magicien", biographie de Thomas Mann, l'auteur irlandais Colm Toibin nous entraîne au début de son nouveau roman de l'autre côté de l'Atlantique, et plus précisement à Long Island.
On y retrouve le personnage d'Eilis Lacey que l'on avait pu croiser dans son roman "Brooklyn"(qui reparaîtra en poche au moment de la sortie de Long Island), une femme mariée, mère de deux enfants bientôt adultes, qui va être mise devant le fait accompli lorsqu'elle va apprendre que Tony, son mari, a été quelque peu volage et qu'il attend un enfant de sa maîtresse. La mère faisant du chantage à l'abandon, il faut que cet enfant soit recueilli et élevé par son père, coûte que coûte, décide d'un commun accord la famille irlandaise (enfin surtout la belle famille omniprésente). Sauf qu'Eilis ne le veut pas. Et sa décision est tellement irrévocable qu'elle est prête à retourner dans son pays natal...ce qu'elle va faire à la stupéfaction de tous.
Sur place, elle va retrouver sa ville irlandaise et surtout Jim Farrell qui est resté tel qu’il était vingt ans plus tôt, pendant l’été qu’Eilis et lui avaient passé ensemble, bien qu’elle fût déjà secrètement fiancée à Tony. La blessure du départ d’Eilis est toujours vive mais son retour ravive cet amour de jeunesse...
Un roman totalement différent du précédent titre de l'auteur mais dont l'histoire solide s'avère plaisante, avec un personnage d'Eilis qui synthétise celui d'une femme forte, décidée à ne pas se faire imposer un choix qui n'est pas le sien, capable de tout remettre en question.
Grasset - 24 euros
Parution le 14 août 2024
La fin de la guerre approche, nous sommes en septembre 1944. Au camp de Buchenwald, trois officiers du renseignement allié attendent leur exécution. Plusieurs de leurs camarades ont déjà péri dans des conditions atroces. Mais eux, sont les derniers sur la liste. Il s'agit du commandant Forest Yeo-Thomas, du capitaine Harry Peulevé et du lieutenant Stéphane Hessel.
Dans le camp, diverses organisations se côtoient, chacune cherchant à se protéger quitte à frapper les plus faibles : la survie pousse certains à des extrêmités qui les font sortir du cercle des humains. Cependant, les allemands sentant le vent tourner, commencent à prendre des risques, estimant leurs chances d'être "blanchis" de leurs crimes en aidant des gradés ennemis. C'est le cas du responsable du Block 46 : un médecin raté aux ambitions démesurées. Il rêve de gloire et de laisser son nom à la postérité pour avoir découvert un vaccin contre le typhus. Et il possède un trésor dans ce camp : des cobayes humains en quantité illimitée. Les expériences infernales se multiplient mais quand le compte à rebours commence pour nos trois héros, la résistance clandestine du camp tente un coup de poker : échanger les identités des trois gradés contre trois cobayes décédés. Le pari est osé et les "morts de rechange" ne sont pas si facilement compatibles avec le plan.
Ce livre est le roman vrai d'une mission de sauvetage aussi désespérée que spectaculaire. L'auteur nous tient en haleine et nous glace tour à tour tout au long de ces journées d'angoisse, d'attente, de souffrance psychologiques et physiques. Un espoir fou soutenait ces hommes même s'ils acceptaient la mort comme une fin honorable, à condition d'avoir tout tenté. Ils auraient pu, par moment, l'accueillir tant l'épuisement et l'incertitude étaient grands, mais toujours ils se sont soutenus, encouragés. Ils ont été au-delà de ce que l'âme et le corps sont humainement capables de surmonter.
Grégory Cingal nous plonge dans l'univers concentrationnaire dont on oublie qu'il a été le lieu de luttes de pouvoir entre triangles rouges et triangles verts, médecins SS et dirigeants corrompus. Le style à la fois précis et hautement romanesque fait de ce texte un exploit à la hauteur de la bravoure des hommes qui n'ont eu de cesse de croire en la victoire de la résistance contre les ténèbres. Un livre impossible à reposer dès lors qu'on le commence et qui marquera sans aucun doute la littérature consacrée à cette période.
Grasset – 22,50 euros.
Parution le 21 août 2024
David Joy reste fidèle à ses chères Appalaches et c’est plus précisément en Caroline du Nord que se déroule son nouveau roman.
Toya Gardner est une jeune artiste afro-américaine qui revient dans la ville où réside depuis toujours sa grand-mère. On peut qualifier Toya comme une activiste « culturelle » car elle va se servir de son art pour rendre de nouveau visible le passé tumultueux qu’a connu la population noire au fil du temps et qui reste le plus souvent occultée. Pourtant, l’autre côté du spectre, à savoir le racisme, lui reste bien actif et visible (outre les drapeaux confédérés et autres statues de grands hommes au comportement discutable) et certains savent toujours mettre en exergue la supposée « domination blanche ».
Le shérif Coggins est un vieux briscard. Il a connu dans sa longue carrière des évènements et affaires compliqués à gérer. Il aura cette fois pourtant fort à faire entre les vagues que Toya va provoquer mais aussi la gestion d’un cas épineux : lors d’un contrôle, l’un des ses hommes va arrêter qui transporte avec lui une panoplie flambant neuve du Klux Klux Klan et chose encore plus étrange, une liste de notables et personnes établies de la ville. De là à en déduire qu’il s’agit de membres de l’organisation…
Pour une fois, le sujet principal du nouveau livre de David Joy ne parle pas de drogue mais d’un fléau tout aussi meurtrier aux Etats-Unis à savoir le racisme, profondément ancré. Il met surtout en avant la notion de dénie « je pense qu’on est vraiment doué pour faire semblant (…) je pense qu’on a la très mauvaise habitude de croire que si on parle pas de quelque chose, cette chose disparait ». A force d’adopter cette posture, certains personnages de l’histoire vont faire la douloureuse expérience qu’ils dervont, sous couvert de respectabilité, de rapports quasi familiaux ou de franche amitié, faire face aux pires ennemis qu’ils pouvaient imaginer.
Un texte qui restitue comme toujours très bien l’ambiance ambiguë d’une petite ville américaine qui sous un verni brillant ne peut empêcher la remontée à la surface des mensonges et secrets pourtant profondément enfouis.
Sonatine – 23 euros.
Parution le 29 août 2024
Bien que la mention « roman » apparaisse sur la couverture, il ne faut pas s’y tromper : on peut considérer le dernier titre de Marc Dugain comme une autobiographie déguisée, ou tout du moins contenant une inspiration provenant à très haute dose de sa propre vie. Ainsi, le narrateur, nous présente son parcours, et tout commence dans sa jeunesse et son premier emploi en France où il se fait repérer par une entreprise américaine. Son objectif est alors de faire très rapidement le plus d’argent possible, se mettre à l’abri financièrement et vivre une existence plus artistique. Ce qui tombe plutôt bien. Les années 80 sont la période de l’après-guerre où les fortunes se font (et défont) rapidement tant l’ogre capitalisme ne paraît connaître aucune limite à son appétit. Sur place, au cœur du réacteur à New York, il va faire sa vie, avoir des enfants, affronter un drame mais aussi rencontrer Julia, qui va devenir sa maîtresse. Elle est l’archétype de l’executive-woman décomplexée, arriviste et prête à tout pour le pouvoir, la reconnaissance. Proche des services secrets, elle sera un appui pour le narrateur qui reprendra la direction de l’Europe. Il se lancera dans le milieu de l’aviation, il y côtoiera de gros poissons. Ce sera notamment un dénommé Pavel, un oligarque qui va voir la chute du mur de Berlin venir bouleverser ses affaires et mettre sur son chemin un certain Vladimir Poutine. Par la suite, le narrateur va devenir auteur à succès (tiens, tiens…) et va s’intéresser à deux sujets très sensibles du dernier quart de siècle : le naufrage du sous-marin Koursk et la disparition du vol de la Malaysia Airlines…
Après réflexion, le terme de roman s’applique plutôt bien à cette histoire que nous raconte Marc Dugain, tant les faits et les éléments rapportés semblent sortis d’une imagination débordante…et pourtant lorsqu’on rapproche la chronologie du narrateur à celle de l’auteur, les similitudes sont plus que troublantes. Un auteur qui nous dépeint à merveille les mondes cachés, les eaux troubles de la politique, de la finance, des affaires, un univers qui peut coûter très cher également comme l’atteste les menaces que Marc Dugain a reçu lorsqu’il s’est intéressé à des sujets trop brûlants…un roman ? Vraiment ?
Albin Michel – 22.90 euros.
Après le Harlem des années 60 entrevu dans le bien nommé "Harlem Shuffle", nous voici au début des années 70 de nouveau en compagnie de Ray Carney, le vendeur de meubles un peu voyou que l’on pensait « rangé des voitures ». Après s’être fait entrainer par son cousin dans des affaires qu'on qualifiera de "compliquées", il avait, pouvait-on penser, eu suffisament sa dose d'ennuis et décidé de passer à autre chose, ayant de plus atteint une aisance financière lui ayant permis d’investir dans l’immobilier et de vivre plus que correctement. Seulement, Carney va retomber dans ses travers, et ce pour un motif pourtant des plus louables : obtenir des places pour sa fille afin qu’elle puisse assister au concert d’un nouveau groupe qui aura très certainement un bel avenir : les Jackson Five ! Il va donc renouer avec son passé et faire appel à un de ses contacts faisant lui même partie d'un des secteurs les plus touchés par le banditisme : la police de la ville ! Et malgré toutes ses bonne intentions, Carney va replonger dans les magouilles, se mettant de nouveau (très) en danger.
Découpé en trois parties, le roman de Colson Whitehead nous propose un titre, mi polar classique, mi satire sociale, avec cette ville de New York qui paraît si nocive et corrompue jusqu’à la moelle, sur fond d’émancipation des noirs et de velléités d’émancipation sociale et de révolution culturelle. Il est bien difficile de trouver un personnage qui ne soit pas touché par la corruption, le vice ou la veulerie, que ce soit au sein de la police, du monde du cinéma ou des organisations liées au « Black Power ».
Colson Whitehead rejoint donc Chester Himes dans l’écriture sur Harlem et on ne peut que conseiller en parallèle la lecture des romans de ce dernier, aux noms délicieux tels que « La reine des pommes » ou « Il pleut des coups durs ».
Albin Michel – 22.90 euros.
Grégoire Bouillier, se rendant au musée de l’Orangerie, s'apprête à rencontrer LE chef-d'oeuvre de Monet, les fameux nymphéas. Mais nos yeux ne sont-ils pas aveugles ou du moins, trompés par « les lunettes que les mots nous chaussent », comme justement le mot « chef-d’œuvre » ou « nymphéa », « déclaration de guerre » et « impressionnisme ». L'auteur est pris d'un vertige, d’une angoisse. Où est passé l'éblouissement qu'on lui avait promis ?
Endossant à nouveau le costume du détective BMore, personnage traversé d'éclairs de génie et d'épisodes dépressifs, l’auteur, persuadé que Les Nymphéas cachent un secret, commence ses investigations.
Pourquoi Monet a t-il peint 400 nymphéas à partir de 1914 alors que sa vue , dit-il, l'empêche de peindre depuis quelques années ? Quelle obsession le traverse pour cette plante aquatique et surtout très exotique pour laquelle il détournera une rivière afin de lui construire un jardin ?
Débute alors une enquête passionnante, traversée d'un brin de folie au rythme des digressions qui caractérisent l’écriture de Grégoire Bouillier. De Giverny à Londres, en passant par Auschwitz-Birkenau, l'auteur ne cesse de chercher à soulever le voile des apparences, comment, en réalité, les coïncidences, les traits d'union entre la vie du peintre, les drames intimes et l'oeuvre pourraient expliquer « son syndrome de l’Orangerie ». SON syndrome est-il aussi rare que le syndrome de Stendhal ?**
Ce livre est également une biographie subjective et facétieuse du peintre. On va découvrir ses amours, l'impact déterminant de son séjour à Londres, les débuts de l'impressonnisme dont il deviendra, un peu malgré lui, le chef de file, la perte de son fils et celle, plus douloureuse encore, de sa muse et épouse, et la naissance de sa passion pour la botanique.
Entre deux rebondissements, l'auteur fait émerger une réflexion captivante sur l'Art. Que voit-on vraiment lorsqu'on regarde un tableau? Le contexte de création a t-il une véritable influence sur une œuvre d'art?
Bref, un roman impressionnant (facile!), instructif et malicieux.
**Le syndrome de Stendhal, également appelé « syndrome de Florence », est un ensemble de troubles psychosomatiques (accélération du rythme cardiaque, vertiges, suffocations, voire hallucinations) survenant chez certains voyageurs exposés à une œuvre d'art qui prend une signification particulière pour eux, ou à une profusion de chefs-d'œuvre en un même lieu dans un même temps.
Le syndrome de Stendhal, assez rare, fait partie de ce qu’on appelle les syndromes du voyageur ou voyage pathogène : c'est le voyage lui-même qui suscite des troubles psychiatriques chez un sujet sans antécédents. Ce voyage pathogène s'oppose au voyage pathologique, qui est un voyage causé par des troubles psychiatriques préexistants.
Flammarion - 22 euros
A huit ans, la petite Louise a un projet : devenir Britney Spears. Elle tapisse les murs de sa chambre de posters de la star, répète ses chorégraphies à l'infini, chantonne ses paroles à longueur de journées. Il lui semble que cette jeune femme a réalisé son rêve: elle est devenue une idole, et surtout, elle habite son corps de façon joyeuse, son sourire éclatant en témoigne.
Avec l'adolescence, et la prise de conscience très brutale que les regards masculins sur son corps de petite fille ont changé, elle tourne le dos à la chanteuse, se moque même de ses excès. Elle cherche sa place dans le monde qui l'entoure, comprend sans comprendre vraiment que mettre du rouge à lèvres rouge, c'est provocant, ça fait p*** dixit son père qui lui balance une baffe histoire qu'elle intègre bien que son apparence parle pour elle et que ce corps ne lui appartient apparemment pas. Elle apprend à cacher, pleure quand filles ou garçons parlent de la poitrine parfaite d'une autre, devinant l'énergie qu'il faudra déployer pour ressembler à l'image qu'ont forgée des siècles d'appropriation des corps féminins par le patriarcat.
L'autre figure que l'autrice évoque est celle d'une autre femme écrivaine, victime oubliée de cette course à la perfection, dans ce désir de coller aux fantasmes masculins: Nelly Arcan. Elle n'aura pas la force, contrairement à Britney, de continuer à vivre.
Louise Chennevière interroge ses souvenirs et la façon dont sa personnalité, la perception qu'elle a de son propre corps a été façonnée par ces regards et ces remarques : tellement intégrés, que sa propre façon de penser est déformée.
Ce livre n'est pas une biographie de Britney Spears, ce n'est pas un livre sur les conséquences de la célébrité, c'est un plaidoyer, un appel à déconstruire la façon dont on envisage les filles et leur avenir de femmes en tant qu'êtres humains et non en tant qu'objets sexuels.
Il faut lire ce court roman et le faire circuler!
P.O.L. - 15 euros
Le quatrième roman d'Isabelle Aupy nous embarque sur un bateau en bien mauvais état. Maurice intègre l'une des équipes qui s'efforce, tant bien que mal, de maintenir l'épave dans un état qui lui permette coûte que coûte d'avancer et, en cela, de continuer à servir les plans du Capitaine. Qui, sans vouloir se montrer impoli, est bien trop jeune pour mener cette barque.
Une fois à bord, Maurice devient Momo pour l'équipe qui l'accueille : il sort de l'école avec la certitude de ceux qui savent. Il va devoir pourtant apprendre, car en fait, il ne sait rien : il ne connaît pas le fonctionnement d'une si grosse machinerie, ses cours théoriques ne lui donnent aucune clé. Son premier apprentissage va être de se faire petit et d'observer, d'apprendre qui est qui et qui fait quoi. Qui va t-on chercher quand telle pièce dysfonctionne, qui remplace l'un quand l'un est aller aider ailleurs parce que les bras manquent, qui réconforte, soutient quand le moral s'effondre?
Et voici le jeune Capitaine, celui qu'on ne voit presque jamais mais qui a la science infuse de la marche du bateau et il va redresser la barre, quoi qu'il en coûte, car son honneur est en jeu et ce ne sont pas quelques vieux de la vieille qui vont lui apprendre à diriger tout ça. Faisons des économies, débarrassons-nous des inutiles, faisons régner la discorde (pour mieux régner) et intégrons de jeunes diplômés aux immenses savoirs techniques l'un au-dessus de l'autre de sorte que personne n'est plus responsable de rien...
Avec beaucoup d'humour et des mots qui sonnent tellement juste, l'autrice s'attaque aux absurdités du monde du travail et du management...jusqu'au sommet de l'état. Le culte de la performance pousse les dirigeants à ne plus considérer les humains que comme des chiffres, oubliant à quel point les relations complexes qui les unissent, les temps de discussion, de partage, le goût de l'effort envers la société sont autant de piliers permettant à chacun de trouver une place et une raison d'aider son prochain ...
Une fable moderne comme un avertissement pour faire face aux enjeux de notre monde : on se souvient des concerts d'applaudissements pour les soignants pendant une période si difficile; qu'ont-ils réellement reçu en retour de leurs sacrifices? Que deviendrons-nous si nous oublions notre humanité pour des questions de profits?
Les éditions du Panseur - 16 euros
Parution le 24 septembre 2024
Proprement stupéfiant! On commence ce roman et dès les premières lignes on est happé par le ton de confidence de la narratrice qui va nous raconter, elle le dit dès le départ, la genèse d'un drame, la mort d'une petite fille.
Quand Estela arrive dans la banlieue chic de Santiago pour trouver un emploi de domestique, elle frappe à la porte d'une villa parfaite. Mais le couple qui l'habite est à bout de souffle: elle est enceinte et ne incapable de tenir sa maison, il est médecin, peu présent, condescendant avec son épouse.
Estela a laissé sa mère sur l'île de Chiloé dans sud (pauvre) du pays, espèrant gagner suffisamment d'argent pour l'aider, puis rentrer : le dernier conseil maternel a été "ne t'attache pas".
Mais les années passent, l'enfant, difficile, grandit et Estela, assommée par les tâches répétitives, ne trouve pas le "bon" moment pour partir. Elle nourrit, berce, console, soigne cette enfant qui ne semble pas heureuse.
Par petites touches, elle nous fait le portrait d'une famille et de leurs travers, elle va décrire chaque étape jusqu'à l'inéluctable. Et elle nous tient en haleine, car on ne peut comprendre le drame sans connaître tous les détails, les plus moches, ceux auxquels on a accès quand on est employée de maison vivant sur place (dans un placard).
Ce roman ne vous laissera pas d'échappatoire!
Alia Trabucco Zeran nous offre un roman psychologique haletant qui met en lumière les fractures d'une société dominée par les rapports d’argent et de classes. Naturellement, le malheur n'épargnera personne.
Titre miroir: "Chanson douce" de Leïla Slimani
Robert Laffont - 20.90 euros
Parution 22/08/2024
Les biographies sur Albert Speer , l'architecte favori d'Hitler, sont nombreuses : elles se basent essentiellement sur ses Mémoires publiés en 1969 après sa sortie de prison. Il a été un des rares, si ce n'est le seul, du cercle proche du Führer qui ait échappé à la peine de mort. Qui était cet homme et comment est née dans son esprit, cette notion de culpabilité collective et d'innocence individuelle sur laquelle il a basé sa défense? Jean-Noël Orengo pose la question: comment écrire sur un homme qui a rendu la fiction plus séduisante que la vérité?
L'auteur va revenir aux sources de la rencontre entre celui qui se destinait à créer un empire de 1000 ans et l'architecte qui allait rendre réels les monuments à la gloire du Reich. Une rencontre qu'on pourrait qualifier de coup de foudre : chacun cherchant l'approbation, la compagnie de l'autre dans une recherche artistique et surtout scénaristique qui les conduira à la folie. Speer est par exemple, à l'origine d'un "décret" qui d'une part lui permet d'harmoniser tout se qui doit se construire en Allemagne et d'une obligation de réflexion sur la beauté des ruines que seront ces mêmes bâtiments dans mille ans. Une vision romantique de la grande Allemagne qui va se heurter aux nécessités de la guerre, de cette guerre totale voulue par un petit groupe d'hommes souhaitant plaire à leur chef au-delà de toute logique.
C'est une plongée inédite dans les méandres de la conscience d'un homme qui aura su enjôler ses juges, faire douter ses biographes et les gens qui l'auront côtoyé jusqu'à la fin de sa vie en 1981. Car il a menti, cela a été démontré.
A l'heure des fake news, l'auteur nous averti : les derniers témoins de cette époque sont en train de disparaître, il ne restera bientôt plus que les récits. Mais qui raconte quoi, de quel point de vue? La guerre des récits est elle aussi, totale. Les Mémoires de Speer ont été un énorme succès: tous les films et beaucoup d'essais se basent sur ce témoignage d'un homme qui a servi le Diable en personne : il l'a écrit, c'est donc vrai! Ou pas!
Nous essayons d'oublier le IIIème Reich, "pfff encore un livre sur la guerre, encore un essai sur les camps, on ne se cache même plus pour dire : il y en a marre, passons à autre chose." Mais toujours il se rappelle à nous: s'il a "perdu la guerre des armes, il a gagné la guerre des signes. Et le conflit continue sur le plan moral et artistique, une guerre totale interminable."
Alors ne regardons pas ailleurs, Speer ne sera pas oublié contrairement aux millions de victimes qui, pour la plupart, resteront à jamais anonymes.
Grasset - 20.90 euros
Parution 28 août
Nous sommes au Ier siècle dans l'empire romain et les dieux s'acharnent sur le sort des humains, leur occupation favorite, malgré les prières et les sacrifices.
La jeune Junil encolle des papyrus dans la librairie de son père, un homme tyrannique et particulièrement antipathique. Quand un vieil esclave lui fait découvrir les vers du grand poète Ovide, un déclic se fait en elle. Un bouleversement tel, qu'elle va commettre un acte passible de la mort. Pour l'éviter, elle décide de fuir, accompagnée par trois esclaves dont le bibliothécaire de sa ville. Direction le nord...pour commencer.
S'engage alors un périple risqué, une quête dans l'inconnu qui conduit le petit groupe à la rencontre des peuples dits "barbares" au-delà des frontières de l'empire.
Au fur et à mesure des rencontres, ils sont de plus en plus nombreux à marcher avec Junil pour trouver ce pays béni des Alains où, dit-on, l'esclavage n'existe pas.
Mais le rêve de Junil, c'est de rencontrer le grand Ovide en personne qui, lui, vient d'être exilé au "bout du monde": voilà une bonne direction.
Phénomène d'édition en Espagne, ce roman, traduit du Catalan, est un concentré de suspense et de rebondissements, un magnifique hommage au pouvoir émancipateur des histoires.
Editions Les Argonautes - 22 euros
Parution le 23 août 2024
Quel est le point commun entre la Reine Christine de Suède, une "sorcière" érudite hollandaise nommée Hélène et René Descartes?
Ce roman nous apporte une réponse surprenante : la construction d'une hypothétique langue universelle. Un tel langage permettrait à chaque individu de se comprendre et éviterait bien des guerres.
Beaucoup de philosophes, hommes, se sont essayés à l'exercice, chacun supposant la prédominance de sa langue maternelle (Bacon, Leibniz...).
Mais où sont les voix des femmes dans cette histoire? Qui se souvient que la reine Christine de Suède a abdiqué car elle refusait l'injonction de maternité qu'imposait la société? Qui se souvient que Descartes a eu une fille avec une soi-disant servante qui pourtant avait des lettres puisqu'une correspondance a été établie?
Teresa Moure contribue à réparer une injustice historique en redonnant la place à celles qui nous ont fait naître. Que serait le monde d'aujourd'hui si elles avaient été écoutées, si leurs savoirs n'avaient pas été brûlés, effacés dans les bûchers, si on les avait tout simplement laissées parler? Les hommes ont-ils eu peur qu'elles leur fassent de l'ombre?
Si le roman commence comme un récit historique, on est rapidement fasciné par l'inventivité de l'autrice qui mêle les histoires intimes aux croyances et remèdes de l'époque. Un humour subtil, comme un clin d'oeil aux lecteurs-trices, souligne l'absurdité des propos tenus contre les femmes qui ne sont pas des victimes mais des guerrières. La sororité n'est pas un vain mot même si elle n'est jamais nommée. Si elles perdent certains combats, leur empathie, leur amour pour l'être humain, traversent les âges et les générations. Et c'est avec Inès Andrade, jeune étudiante élevée par sa mère et ses tantes dans un esprit de rébellion contre l'ordre patriarcal établi, que se clôt ce roman qu'on lit d'une traite.
La pensée de Descartes disant qu'il faudrait "se rendre maître et possesseur de la nature" ne pourra advenir : les femmes, bien qu'assignées aux tâches domestiques, ont fait de ce lieu d'enfermement, un espace d'apprentissage et de transmission.
Et 300 ans après, leurs murmures viennent chatouiller les oreilles de celles qui savent écouter.
Editions La Contre Allée - 24 euros
Parution le 16 août 2024
"aux voix tues
aux incanteresses
aux flammes à bûcher"
Audrée Wilhelmy est une sorcière comme les autres selon les paroles de la chanson d'Anne Sylvestre. (si vous ne la connaissez pas, sachez que cette chanteuse québécoise n'a pas écrit que des chansons pour enfants et que les paroles de celle-ci sont à découvrir absolument!). Elle exhorte les hommes à être comme le duvet, comme la plume d'oie des oreillers.
Et l'héroïne du nouveau roman de la talentueuse autrice de "Blanc résine", est plumassière. Elle est cette femme seule dans une ville isolée par le froid et les forêts, une ville qui survit du travail des ouvrières dans les filatures et des hommes aux champs. Elle est cette femme différente que les autres viennent trouver en recherche de réponses à leurs maux, à leurs langueurs, aux interrogations des jeunes filles et de leurs désirs.
Une femme qui fait commerce de plumes d'oies et aussi de son corps. Elle connaît les hommes de Kangoq, elle sait ce qui les ronge, elle est au courant des tourments des uns et des autres. Elle est à sa place dans cette ville, dans une ruelle du Bas-Kangoq, même si elle sait qu'elle n'appartient pas à la communauté et que ses activités dérangent les bien-pensants. Elle accepte et accueille sa solitude car c'est ce qui lui donne une liberté sans limite, un temps de réflexion et de création sans entrave. Peau-de-Sang, la plumeuse d'oies, a des mains magiciennes qui soignent, des mots mesurés qui éclairent, des silences qui apaisent. Mais elle attise la convoitise et la jalousie, car pas un ne pourra la posséder : elle décide, elle vit comme elle l'entend, elle jouit librement des hommes qu'elle accueille.
Voilà le roman le plus fascinant de cette rentrée littéraire et à coup sûr, la création la plus exceptionnelle de cette autrice qui explore un univers sensoriel unique.
Tenez-vous prêt-e à une expérience de lecture d'une force incroyable où la violence et la cruauté côtoient la bienveillance et la poésie. C'est une déferlante de voix féminines, d'incantations et de ritournelles s'unissant pour dresser le portrait d'une femme puissante. L'inventivité du langage, la musicalité du style et la dimension organique de l'écriture nous plonge dans une sorte de transe : qu'il s'agisse de ressentir la douceur des étoffes, la chaleur du sang qui coule, les parfums des herbes à tisanes, chaque mot, chaque phrase (sans majuscule, sans point, hors du temps) tisse patiemment le récit. L'autrice est une artisane, elle nous prend en otage dans ce filet brodé d'os et de plumes , elle nous envoûte et nous laisse assister, témoin impuissant, au drame annoncé dès le premier chapitre.
Le Tripode - 20 euros
Parution le 22 août 2024
Il était une fois, deux soeurs jumelles qui vivaient dans un château perdu entouré d'une forêt mystérieuse...
Elles sont les deux seules enfants vivantes d'une mère effacée, épuisée par les accouchements successifs dont aucun n'aura été couronné par la mise au monde d'un héritier mâle. Leur père ne pense qu'à son bon plaisir : la chasse. Il est déçu de ne pas avoir de fils à qui transmettre cette passion. Toujours est-il que, sur l'insistance entêtée d'Epine, et malgré le peu de considération qu'il porte aux femmes en général et à sa descendance en particulier, il accepte de l'initier et il est quelque peu surpris par l'obstination de cette enfant au point par moment, d'oublier qu'elle n'est qu'une fille et qu'elle ne lui succèdera pas.
Au chateau, Ronce s'adonne à sa passion : la broderie. Ce qui n'était qu'un passe-temps devient peu à peu son seul refuge et ses créations prennent de plus en plus d'ampleur et de valeur et de pouvoir.
Si le roman de Lucie Baratte emprunte la forme du conte initiatique, c'est pour mieux nous entraîner dans l'univers de ces deux jeunes femmes qui luttent pour changer le destin auquel elles sont promises. Le Moyen Âge fantastique offre un cadre féérique bien qu'oppressant aux épreuves que Ronce et Epine vont devoir affronter comme un écho aux difficultés que chacun-e d'entre nous peut rencontrer dans les méandres complexes des relations familiales.
Ce roman est un bijou d'imagination écrit dans une langue d'une force évocatrice peu commune et d'une poésie envoûtante oscillant entre cruauté et tendresse, enjôlant comme cette forêt à la fois refuge et piège.
Editions du Typhon - 19 euros
Parution le 30 août 2024
Pour celles et ceux qui ont aimé "Les envolés" (prix Goncourt du premier roman 2022), vous ne serez pas déçus.es par le nouveau roman d'Etienne Kern. On y retrouve cette écriture sensible et ce ton sincère et personnel.
L'auteur nous fait découvrir un obscur pharmacien, Emile Coué, devenu célèbre grâce à sa méthode d'auto-persuasion : la maîtrise de soi-même par l'autosuggestion consciente.
Si aujourd'hui son nom prête à sourire, il a pourtant été acclamé par les foules, salué comme un des plus grands hommes de son temps. Il a été accueilli en héros au Etats-Unis, comme le grand découvreur de la clé de la santé et du bonheur.
Mais qui était vraiment ce précursseur du développement personnel? Etienne Kern part à la recherche de ce modeste personnage qui croyait sincèrement que les mots et la force de la persuasion avaient un rôle à jouer dans le maintien d'un corps en bonne santé.
Mêlant réflexions personnelles et documentation historique, Etienne Kern nous fait entrer dans la vie extraordinnaire d'un homme ordinaire, d'un homme généreux qui lui, n'aura pas toujours été heureux...
Gallimard - 19.50 euros
Parution le 22 août 2024
Un lieu en lisière d'une forêt. Un hameau, quelques habitations, pauvres fermettes qui subsistent tant bien que mal et quelques âmes que la vie rudoie.
Le décor du nouveau roman de Sandrine Collette est planté : une campagne ingrate au climat difficile, un propriétaire terrien invisible mais craint... sommes-nous au Moyen-âge ou une catastrophe a t-elle eu lieu et la population serait-elle contrainte à une nouvelle servitude?
Toujours est-il qu'aux Montées, deux sœurs jumelles que le destin n'a pas pourvues de la même façon, recueillent et apprivoisent une petite sauvageonne qui a survécu dans la forêt. D'où vient-elle, comment s'est-elle débrouillée jusque là? Personne n'a de réponse mais elle semble s'intégrer à la vie que mènent les enfants. Elle cause peu, travaille fort, n'exige pas grand-chose. Cependant une petite flamme vacille dans ses yeux : elle refuse les tâches qui incombent aux filles, elle se rebelle contre l'ordre des choses, cet ordre que la force des habitudes a imposé comme une règle que personne n'ose transgresser. Et quand la famine écrase les volontés, Madelaine résiste, observe. Et comme le malheur est agrippé aux murs des maisons et aux chevilles des femmes, il frappe, aveuglément : une petite fille peut-elle se dresser contre la fatalité?
Avec quelles armes combat-on l'injustice des hommes?
Lattès - 20.90 euros.
Parution le 21 août 2024
LE grand roman australien d'une autrice fière de ses origines, qui nous offre un autre regard sur la colonisation de ce pays et les conséquences sur leurs habitants installés depuis la nuit des temps.
Fin du XIXème siècle. Molly Johnson vit dans le bush australien; femme de drover (conducteur de bétail), elle a l'habitude de vivre seule de longs mois avec ses enfants. Elle ne supporte cette vie que pour eux : ce sont ses trésors, sa seule raison de continuer à se battre, à travailler. Elle est enceinte et espère, malgré la fatigue et les privations, pouvoir accueillir cette nouvelle vie le mieux possible.
De Londres, vient d'arriver un gentil couple et leur petit enfant : lui est militaire, blessé pendant la guerre des Boers, il vient s'établir dans une petite ville nouvelle avec la mission d'y faire appliquer la loi britannique. Elle est fille d'imprimeur et souhaite faire avancer ses idées sur les droits des femmes. Ils rencontrent Molly sur le chemin chaotique qui les mène à leur nouvelle demeure. La femme courage les émeut et les impressionne et ils espèrent pouvoir un jour la remercier pour son aide.
L'histoire s'accélère après le meurtre terrible de toute une famille. Un Aborigène est accusé; la justice doit faire toute la lumière sur ces meurtres répugnants. Nate, le militaire, ne s'attendait pas à commencer ainsi son nouveau travail.
Et quand le fugitif se réfugie chez Molly, rien ne les a préparé aux bouleversements qui les attendent.
Dans ce western australien, Leah Purcell n'épargne rien aux lecteurs-trices : la violence est terrible, palpable. La tension va crescendo jusqu'au final qui vous laisse à bout de souffle.
L'autrice évoque ici les questions de race, de sexe et d'héritage, ce que la colonisation déclenche de plus cruel dans les comportements des hommes.
Il est à noter que ce livre est issu d'une pièce de théâtre écrite et montée par Leah Purcell, puis d'un film dont elle a été la réalisatrice et l'actrice principale.
Synchronique - 20 euros.
Parution le 3 octobre 2024